Risque de rupture brutale d’une cuve de réacteur
(GSIEN, mars 2021)
Notre Gazette avait au moment de son élaboration pléthore d'articles relatifs à ce risque. Citons notamment les travaux de Thierry de Laroche Lambert qui sont accessibles par « clic » sur le site www.global-chance.org , ou, pour un historique assez complet, déjà publiés dans nos Gazettes. Il suffit pour cela d'inscrire les mots clés : vieillissement, fluence neutronique, DSR (Défauts sous revêtement), coudes moulés, PFC (Pénétration de fond de cuve), soudures en inconel, ou encore RTGV (Rupture de tube de générateur de vapeur), sur le moteur de recherche intégré au site. N'omettez pas d'indiquer la source si ces articles vous semblent dignes d'intérêt pour être relayés.
Nous avons préféré retenir l'idée, dans ce numéro, de diffuser une photographie qui résume la situation de rupture fragile. La photographie ci-contre est extraite d'un fascicule du CEA de 1974 qui montre ainsi une expérience de 1955 réalisée par M. Pellini [1] lui-même. Les dates indiqueraient-elles « qu'on » refuse de croire ce « qu'on » sait ?
Parmi les spécialistes, certains serrent les fesses, d'autres se rassurent avec l'idée qu'en France « on » a choisi de construire épais. Voici ce qu’écrivait le CEA à propos de « l’influence de l’épaisseur des produits et des défauts (fissures, etc…) » :
« On a constaté que les produits avaient, à une même température, un comportement plus fragile que les matériaux minces. Cela est expliqué par le fait que, dans un produit épais, on se trouve dans un cas de déformation plane, donc de triaxialité des contraintes, qui rend plus difficile la déformation plastique et plus probable l’amorce d’une rupture fragile.
Les entailles et les fissures, par l’élévation locale des contraintes qu’elles produisent, servent le plus souvent d’amorce de rupture brutale » [2].
Notons, sur ce cliché, qu'il ne s'agit pas d'un ESPN (Equipement sous pression nucléaire) et qu'il ne fut donc pas, de plus, exposé au bombardement neutronique. Rappelons à ce stade que ce bombardement est pris en compte par EDF dans ses calculs pour les neutrons d'énergie supérieure à 1 million d'électrons Volt (MeV) tandis qu'il suffit d'une énergie de quelques eV pour déplacer les atomes de fer et amorcer des ruptures intergranulaires.
Il nous semble de plus urgent de diligenter des recherches plus approfondies sur les effets des phénomènes vibratoires et la propagation d'ondes (résonnance) au sein même des structures métalliques. Il conviendrait d'intégrer aussi les résultats des travaux conduits dans le domaine du flambage dynamique auxquels certains éléments de nos bouilloires sont soumis...
Gageons, mais ça restera de toutes façons un pari sur l'avenir, que le croisement de ces travaux avec les données existantes permettra de diminuer les incertitudes considérables qui subsistent quant à la tenue des éléments non remplaçables de ces réacteurs. Gageons également que les résultats des mesures effectuées sur les cuves en service et sur celles de Chooz A et maintenant de Fessenheim (réacteurs arrêtés) permettront à nos experts (ex pairs ?) d'affiner leurs calculs pour ajuster les paramètres d'entrée de leurs logiciels afin qu'ils montrent que les situations actuelles « passent » et sont « justifiées » ...
[1] William S. Pellini, un contributeur majeur à la science et à la pratique de l'ingénierie métallurgique et de la conception de composants, est décédé le 25 février 1987 d'une crise cardiaque à l'âge de soixante-neuf ans. Il était connu de ses amis, collègues et associés professionnels comme l'un des enquêteurs les plus astucieux et les plus compétents des phénomènes complexes dans les domaines des matériaux.
Au cours de sa longue et distinguée carrière, il a apporté des contributions significatives à la conception de structures en acier très sollicitées, à la conception et à l'inspection des enceintes de confinement nucléaire, à l'analyse des défaillances des équipements ferroviaires, au développement de programmes de recherche sur les méthodes de contrôle aérodynamique, chauffage, et à de nombreux autres domaines.
L’essai de chute de poids selon W. S. Pellini (essai Pellini) est utilisé dans l’étude de la rupture fragile des aciers pour l’évaluation comparative du comportement de propagation de la fissure selon ASTM E208 et SEP 1325.
Lors de l’essai Pellini, les poids tombent sur une éprouvette de flexion rectangulaire soutenue en ses deux extrémités et l’impactent. En tombant, les poids déclenchent une rupture fragile, à l’intérieur du fléchissement total prescrit, sur le côté extérieur de l’éprouvette. Cette rupture fragile est amorcée dans un cordon de soudure entaillé, déposé sur la face inférieure.
[2] Bulletin d’informations scientifiques et techniques – Phénomènes de rupture dans les solides – CEA, mai 1974
Note GSIEN : nous préparons en ce moment même un numéro hors-série dédié aux aspects « mécanique » et « neutronique » des cuves. Ces deux points, a priori d'abord difficiles pour des non spécialistes, y seront présentés de façon pédagogique et détaillée.