Avril 2022 •

Dossier GSIEN : Point sur les EPR
Études - Construction - Fonctionnement

Flamanville 3 – Fissures sur des soupapes de sécurité du pressuriseur

Selon EDF, c’est en mars 2020 qu’une « pièce fissurée dans un pilote d’une soupape » [2] du pressuriseur est détectée sur le réacteur en construction d’Olkiluoto 3 en Finlande.

En fait c’est une fuite au niveau de l’organe de commande d’une soupape qui a alerté l’exploitant finlandais comme l’explique le Journal de l’Énergie (2/06/20) : « c’est un équipement qui permet l’ouverture ou la fermeture de la soupape de sûreté, un "pilote mécanique", qui va fuir lors d’un test d’étanchéité, en mars, du réacteur EPR finlandais. Des fissures sont ensuite repérées sur deux pilotes » [5].

Les soupapes du pressuriseur sont des organes de sûreté qui protègent le circuit primaire contre les surpressions. Les soupapes SEBIM qui équipent le parc de réacteurs en fonctionnement bénéficient d’un bon retour d’expérience.

Soupapes SEBIM (tandem) : à l’origine sur les premiers 900, les soupapes qui équipaient le pressuriseur était « fabriquées par CRANE-FRANCE sous licence US - CROSBY (type CROSBY 6 M 6) » [i]. Ces soupapes étaient peu fiables (blocage en position ouverte) et elles ont dû être remplacées : « les modifications suivantes ont été réalisées sur les tranches du palier CP0 [Fessenheim et Bugey] : remplacement des soupapes du pressuriseur, de type à ressort, par des soupapes à commande hydraulique [tandem SEBIM] beaucoup plus fiables » [cf. Gazette n°119/120]. « Cette modification doit être considérée comme renforçant nettement la sécurité de fonctionnement des soupapes du pressuriseur (retour d'expérience de l'accident de [Three Miles Island] TMI-1979) » [Gazette n°98/99]. Les tandems SEBIM (une soupape et une vanne d’arrêt en série) équipent l’ensemble des pressuriseurs du parc en fonctionnement.

[i] Mémento technique de l’équipement - Fiche 024 - Soupapes de sûreté du pressuriseur et des générateurs de vapeur - EDF, 1978

EDF a pourtant innové avec les soupapes EPR qui sont source de dysfonctionnements chroniques : « dans un article publié en 2014, Le Journal de l’énergie avait déjà fait mention d’un problème notable de conception des soupapes du pressuriseur de l’EPR de Flamanville. En 2017 et 2018, des dysfonctionnements des soupapes lors d’essais ont obligé EDF à en revoir plusieurs fois la conception.

Un rapport interne de l’IRSN datant de février 2015 et révélé par Mediapart la même année, indiquait que des défaillances des soupapes de sûreté de l’EPR avaient été identifiées lors de tests, notamment des fuites du pilote mécanique, l’équipement qui a fait défaut en mars [2020] sur l’EPR finlandais » [5].

En 2015, le premier constat de l’IRSN était plutôt sévère sur les soupapes « Sempell VS99 » qui équipent le pressuriseur de Flamanville 3 et de Olkiluoto 3. C’est un matériel issu de la technologie Konvoï (REP allemand) avec des « modifications technologiques sur la soupape FA3 [Flamanville 3] par rapport aux soupapes sur les réacteurs allemands ». Voici résumés les « risques de disfonctionnement » des soupapes du pressuriseur EPR établis par l’IRSN :

  • « Risques de fuite du fluide primaire vers RDP [Réservoir de décharge du pressuriseur] et RPE [Purges, évents et exhaures nucléaires] (observé),

  • Risque d’échec à l’ouverture (observé),

  • Risque d’échec à la refermeture (observé),

  • Risque d’ouverture intempestive,

  • Risque d’ouverture prématurée,

  • Risque d’ouverture retardée avec risque de dépasser PS [Pression maximale admissible],

  • Des modes de défaillance multiples ».

Un constat accablant pour l’ex champion français du nucléaire, « responsable de la conception » des soupapes et, comme le précise l’IRSN : « Pas d’expérience d’AREVA dans la conception de soupape. Pas d’implication de SEMPELL lors des essais de qualification » [6].

Les exploitants finlandais et français mettront plusieurs années pour tenter de fiabiliser le fonctionnement des soupapes du pressuriseur. Dans un avis rendu en 2018, l’IRSN note les évolutions de conception apportées aux soupapes mais l’IRSN « estime qu’EDF doit encore compléter sa démonstration » [7] et émet un certain nombre de recommandations techniques et d’observations pour y parvenir.

A ces défauts de conception sont venus s’ajouter les problèmes de fissures et de fuites repérés en 2020. Mais quelle est la cause des fissures détectées sur les pilotes de soupapes ? Retournons à la CLI de Flamanville de novembre 2021 où EDF a présenté le problème de fissuration détecté à Olkiluoto 3 : « par précaution, EDF décide de vérifier ses soupapes et constate le même défaut sur une pièce similaire » de Flamanville 3. Après expertises, « l’analyse des causes montre que cette pièce a subi un phénomène appelé : corrosion sous contrainte », tiens-tiens... Revoilà la corrosion tant redoutée avec une phase de propagation rapide sur des réacteurs n’ayant pas encore fonctionné... Curieusement, une des causes de l’apparition de la corrosion sous contrainte, le milieu pollué, ne joue pas ici pour de l’inox 304 LN (ou « Z2 CN 19-10 N2 » d’après le Rapport de sûreté de Flamanville 3 [8].

La solution proposée par EDF consiste au « remplacement des pièces concernées en utilisant un matériau peu sensible à la corrosion sous contrainte. Elle sera implémentée sur les soupapes avant démarrage.

Un rapport détaillé concernant la qualification de la matière des nouvelles pièces et les essais associés a été fourni à l’ASN fin octobre.

L’instruction de cette solution par l’IRSN est en cours » [2]. Cette fois, EDF attend la fin de l’instruction de l’IRSN avant de procéder au remplacement des pièces fissurées.