Dossier GSIEN : Point sur les EPR
Études - Construction - Fonctionnement
Taishan 1 – Essais sur maquettes
A propos des essais réalisés sur maquette évoqués plus haut par l’ASN, c’est au paragraphe « Réponse vibratoire sous écoulements des équipements internes de cuve » du Rapport de sûreté de Flamanville 3 que le GSIEN a trouvé un résumé du programme des essais réalisés pour l’EPR. Des évolutions majeures de conception ont été réalisées sur le design de la cuve prévue pour les EPR :
« Les équipements internes de la cuve du réacteur EPR sont similaires à ceux des centrales à quatre boucles existant actuellement en France ou en Allemagne. Cependant, ils bénéficient de certaines évolutions qui peuvent modifier les vibrations dues à l’écoulement. Ces évolutions sont :
- l’augmentation de la section d’écoulement dans le collecteur annulaire entre la cuve et l’enveloppe du cœur,
- la modification du nombre et de la forme des supports radiaux inférieurs,
- la suppression de la structure d’instrumentation inférieure et l’installation d’un dispositif de distribution de l’écoulement [FDD],
- l’augmentation du nombre d’assemblages combustibles,
- le remplacement du cloisonnement par un réflecteur lourd,
- la modification de la conception et du nombre des guides de grappes,
- l’installation dans les équipements internes supérieurs des guides de l’instrumentation du cœur,
- la modification des conduits des thermocouples.
Certains de ces changements (conception des guides de grappes, guides des thermocouples) ont déjà été mis en œuvre dans les centrales Konvoï de Siemens avec une très bonne expérience d’exploitation ».
Les « essais HYDRAVIB sur la maquette mécanique du même nom des équipements internes inférieurs » dont les résultats ont été interprétés à l’aide d’un « modèle numérique » ont permis de « valider la conception des internes inferieurs de cuve du réacteur EPR ».
Les « essais MAGALY sur la maquette mécanique des guides de grappes » sont venus valider « le bon comportement vibratoire sous écoulement des internes de cuve ».
Conclusion d’EDF : « ces essais valident le bon comportement vibratoire sous écoulement des internes de cuve » [4].
Nous allons essayer de détailler le programme des essais réalisés pour l’EPR concernant l’hydraulique de cuve et les vibrations potentielles des équipements internes. Nous nous appuierons sur une note d’EDF de 2008 : « Synthèse des essais de validation des internes de cuve EPR ». Cette note est repérée Synthèse-2008 dans la suite du dossier. Les évolutions présentées au paragraphe précédent apparaissent de manière moins anodine : « certains internes de cuve présentent cependant des innovations majeures par rapport au parc EDF ou au Konvoï » ; « Afin de confirmer les choix des designs mécaniques et thermohydrauliques de ces composants, une campagne de validation expérimentale des internes de cuve a été entreprise par AREVA » [20].
Nous croiserons les infos de la Synthèse-2008 avec celles glanées dans le chapitre « Évaluation du programme de recherche et développement » du Rapport de sûreté de Flamanville 3, version Demande de mise en service (2014) [21], un chapitre repéré RS-2014 dans ce dossier.
Essais HYDRAVIB (validation des équipements internes inférieurs)
Les résultats des essais HYDRAVIB n’avaient pas été communiqués à EDF à date de rédaction de la note de Synthèse-2008. En voici le but : « les essais HYDRAVIB ont pour objectif de valider le design des internes inférieurs de cuve du point de vue vibratoire. (...) Suite à des difficultés de mise en œuvre expérimentale (étanchéité de la maquette, pompe hors service, endommagement de capteurs...), les essais HYDRAVIB ont subi un retard important et les rapports d’essais n’ont pas été transmis à EDF au 01/07/2008 » [20].
Le RS-2014 donne quelques informations supplémentaires.
« Les principaux objectifs des essais HYDRAVIB sont les suivants :
vérifier que les modifications apportées aux internes de cuve (réflecteur lourd, système de répartition du débit...) par rapport aux paliers antérieurs français ou allemands n’induisent pas de vibrations inacceptables sous écoulement,
obtenir des données d’entrée pour valider les modèles de calculs : fréquences propres, comportement vibratoire sous écoulement, masses ajoutées... Ces données doivent servir à vérifier numériquement le comportement vibratoire des internes de cuve ».
(...)
« Les principales conclusions de ces essais sont les suivantes :
seul le mode poutre (simulation numérique permettant de modéliser le cœur, utilisée en résistance des matériaux) des internes inférieurs est activé de manière significative ; la contribution des autres modes sur les amplitudes de vibration est négligeable,
les amplitudes de vibration sont très faibles (à titre d’exemples : 7 μm RMS [root mean square (moyenne quadratique)] maximum pour l’enveloppe de cœur sous écoulement, 13 μm RMS maximum pour le fond support) à l’échelle de la maquette ».
Ces essais permettent de démontrer que l’équilibre vertical des internes est assuré » [19].
Essais MAGALY (validation du guide de grappe)
RS-2014 - « L’objectif des essais MAGALY est, d’une part, d’optimiser la conception des guides de grappe et, d’autre part, de qualifier la conception des guides de grappe et des grappes de commande vis-à-vis des aspects hydrauliques et vibratoire ». Dans sa conclusion, le rapport explique que « les essais de fatigue vibratoire du guide de grappe ont montré sa capacité à supporter une excitation vibratoire (déplacement crête-crête de 40 μm, tel que défini par les essais MAGALY) sans dommage pour un fonctionnement de 60 ans. Aucune dégradation n’a été mise en évidence sur le guide de grappe ou sur ses broches » [21].
Synthèse-2008 - « Les essais MAGALY permettent de réaliser une caractérisation hydraulique et vibratoire du guide de grappe EPR et de la grappe de contrôle ».
« Conclusions sur les essais MAGALY :
Les essais MAGALY ont permis de valider l’hydraulique et le comportement vibratoire du guide de grappe EPR. Bien que le critère retenu pour valider la conception du guide de grappe par rapport au risque d’usure vibratoire soit critiquable, les vibrations des crayons des grappes de commande EPR sont caractérisées par des amplitudes plus faibles que celles mesurées lors des essais MAGALY 1300, qui représentent, pour AREVA, une valeur maximale à ne pas dépasser pour se préserver du risque d’usure. Il est cependant important de rappeler que la comparaison des mesures vibratoires EPR aux valeurs du 1300 ne s’appuie sur aucun REX de l’usure des guides de grappe 1300. La vérification de ce critère ne permet pas formellement de valider la conception EPR vis-à-vis du risque d’usure du guide de grappe.
La comparaison des caractéristiques des impacts (fréquence et force) mesurés lors des essais EPR avec les mesures effectuées pour les paliers actuels aurait permis d’avoir une meilleure opinion de la résistance à l’usure. Ces données ne sont cependant pas disponibles pour les paliers précédents.
Concernant les trainées globales des grappes, les mesures montrent que les trainées EPR sont plus faibles que celles mesurées pour les guides de grappes actuels » [20].
Les essais AURORE, FANI et KOPRA qui ont accompagné la « campagne MAGALY » sur la validation du guide de grappe ne sont pas franchement concluants tels que relatés dans la Synthèse-2008 : « Les essais AURORE et FANI (usure vibratoire et par frottement) ont connu des difficultés de mise en œuvre expérimentale qui ont conduit à ne pas pouvoir exploiter ces essais quantitativement » [20]. Regardons plus en détail.
Essais AURORE (usure par vibration)
Synthèse-2008 - « Les essais AURORE ont pour objectif de déterminer la résistance à l’usure vibratoire des crayons de grappe EPR et de leurs antagonistes (tube en C, carte de guidage, tube-guide d’assemblage). (...) La comparaison des résultats avec les données R&D AREVA montre que les coefficients d’usure et les pertes de masse sont similaires ou inférieures dans la configuration EPR par rapport aux données existantes. AREVA considère donc que le CRGA [guide de grappe] EPR est validé par rapport à la résistance à l’usure par vibrations. Des réserves existent néanmoins compte-tenu de l’absence de REX sur l’usure des guides de grappe 1300.
Il est important de noter que les essais AURORE EPR ont rencontré de nombreuses difficultés de mise en œuvre expérimentales. Pour plusieurs essais, les spécifications d’essais en termes de force et fréquence d’impact n’ont pu être tenues, ce qui limite l’intérêt des mesures. En effet, les essais ne peuvent être comparés directement les uns aux autres, et il n’est plus assuré que les conditions expérimentales sont représentatives de celles observées sur MAGALY. D’autre part, AREVA considère que les incertitudes sur les mesures sont importantes : AREVA considère qu’un facteur 5 sur les coefficients d’usure est un minimum pour comparer des essais entre eux. Dans ce cas, la majorité des essais sont considérés comme conduisant à des usures similaires. AREVA considère que les résultats d’essais AURORE ne doivent être utilisés que qualitativement » [20].
Organisation des essais de validation du guide de grappe EPR (campagne MAGALY)
Source, EDF [20]
Note GSIEN : la Phase 4 des essais MAGALY, mesures des pertes de charge des orifices de la plaque supérieure de cœur, n’est pas représentée sur cette figure.
Essais FANI (usure par translation)
Synthèse-2008 - « Les essais FANI ont pour objectif de déterminer la résistance à l’usure par translation des crayons de grappes et de leur antagoniste. Ce type d’usure intervient lors des mouvements pas à pas de la grappe de commande et pendant les chutes de grappe. (...) AREVA considère, au vu des essais FANI EPR, [que] le CRGA [guide de grappe] EPR est acceptable du point de vue de la résistance à l’usure par translation.
Cependant, il est permis de s’interroger sur la conclusion d’AREVA. En effet, la comparaison qui est effectuée ne s’appuie que sur une comparaison avec des essais R&D, et sur le retour d’expérience qui montre que la nitruration permet de réduire l’usure de la grappe. Cependant, du point de vue de l’antagoniste (carte de guidage ou tube en C), le retour d’expérience n’est pas abordé. En particulier, le fait que l’usure du guide de grappe soit plus élevée que l’usure du crayon peut être pénalisant par rapport à la durée de vie du CRGA. AREVA justifie ce point en indiquant que la durée de vie du guide de grappe est déterminée par son temps de chute en fin d’exploitation, et non pas à partir d’essais d’usure. Ce critère de sûreté est vérifié au cours des essais de stabilité et d’endurance KOPRA. Les dernières analyses EDF ne permettent cependant pas de confirmer le lien systématique entre usure des guides de grappe et temps de chute » [20].
Dans le RS-2014, les informations sur les essais AURORE et FANI sont regroupées et elles tiennent en une dizaine de lignes, les voici :
« Les essais AURORE et FANI ont pour objectif de démontrer la résistance à l’usure des matériaux utilisés pour les crayons absorbants des grappes de contrôle ainsi que les composants qui sont en contact avec eux (tube guide d’assemblage combustible, cartes et tubes fendus de guide de grappe), dans des conditions représentatives du fonctionnement du réacteur (pression, température, chimie). Les échantillons sont à échelle 1.
Ces essais reproduisent les chargements déterminés par les essais MAGALY » bien que les auteurs de la Synthèse-2008 aient exprimé leurs doutes sur les conditions expérimentales [non] représentatives de celles observées sur MAGALY.
« Les principaux résultats montrent que le comportement du guide de grappe du réacteur EPR est satisfaisant vis-à-vis de sa résistance à l’usure. S’agissant des essais FANI et AURORE, les niveaux d’usure observés ainsi que les coefficients d’usure mesurés sont similaires, et même souvent inférieurs à ce qui a été obtenu par le passé (essais R&D) sur des conceptions antérieures de guides de grappe » [21].
Essais KOPRA (commande du guide de grappe)
Synthèse-2008 - « Les essais KOPRA ont pour objectif de s’assurer du bon fonctionnement de l’ensemble de la ligne de commande (mécanisme de commande de grappe, tige de commande, grappe et guide de grappe) dans le cadre d’une utilisation pas-à-pas ainsi que dans le cas d’une chute de grappe. (...) Les essais KOPRA (phase de stabilité et d’endurance) permettent d’évaluer le comportement dans le temps de la ligne de commande EPR. Les résultats de la phase de stabilité (3 millions de pas et 300 chutes de grappe) n’ont pas montré de dérive du temps de chute de la grappe au cours du temps, ce qui semble montrer qu’aucun phénomène d’adaptation n’apparaît.
A l’issue des phases de stabilité et d’endurance des essais KOPRA, une vérification d’ensemble de la résistance de la ligne de commande EPR à l’usure et à la fatigue est réalisée sur les différents composants de la ligne de commande EPR. Une usure non admissible a été observée au niveau des cliquets du mécanisme de commande de grappe. Cette usure est attribuée à un stellitage non satisfaisant. La reprise des essais d’endurance avec un stellitage du type N4 semble fournir des résultats satisfaisants (à confirmer par le rapport d’essais non fourni à l’heure actuelle).
Les différents essais réalisés permettent à AREVA de conclure que la résistance du guide de grappe EPR aux phénomènes d’usure est acceptable et ne met pas en défaut l’hypothèse d’une durée de vie de 60 ans. Ce point devra être confirmé à l’issue des essais d’endu-rance » [20].
Surface
stéllitées sur les cliquets des MCG
(Axes des biellettes et des cliquet - Dentures des cliquets)
Cliquet simple denture (900 et
12 grappes d’arrêt 1300)
Cliquet double denture (1300 et N4)
Source, Impact des stellites sur la radioprotection - EDF SEPTEN, 2011
La cause de l’usure est attribuée à un stellitage non satisfaisant. Le stellitage permet de revêtir l’extrémité des cliquets des grappins avec un métal dur pour améliorer leur résistance à l’usure. Il s’agit d’un alliage à base cobalt enrichi au chrome et un peu de tungstène. Est-ce le stellite choisi qui pose question ou la méthode de stellitage ?
La réponse ne se trouve pas dans le Rapport de sûreté de 2014 : le chapitre « Mécanisme de commande de grappe de contrôle » rappelle le respect des « exigences de qualité » [22] mais ne donne aucune information quant aux métaux utilisés...
Il faut aller piocher dans le même chapitre de la version préliminaire du Rapport de sûreté de Flamanville 3 pour avoir l’information sur le matériau du « revêtement dur des cliquets » : c’est un « Akrit 40 (Type Stellite 6) » un alliage « base cobalt » [23].
Quel est le stellite utilisé sur le palier N4 ? Selon le Rapport de sûreté de ce palier : « les extrémités des cliquets des grappins sont revêtues de stellite 6 pour améliorer leur résistance à l’usure » [24]. La figure ci-contre montre les surfaces recouvertes de stellite sur les réacteurs du parc EDF.
Citons rapidement l’existence des essais incontour-nables pour un réacteur normand réalisés sur le « banc d’essai CALVA » [21] qui sont venus compléter la Phase 3 de la campagne MAGALY.
Essais HCL (hydraulique du réflecteur lourd)
Synthèse-2008 - « Ces essais avaient pour objectifs de caractériser par des essais élémentaires les pertes de charges des différents composants du réflecteur lourd (orifices d’alimentation, chambre de répartition, trous de refroidissement) ainsi que de déterminer les hété-rogénéités de pression pouvant apparaître dans la chambre de répartition du réflecteur lourd ».
L’analyse des essais a permis à EDF de justifier « la conception du réflecteur lourd [qui] répond bien aux différentes exigences fonctionnelles sur le débit de by-pass maxi (1.44% pour un critère de conception de 1.5%). Une reprise de la conception des tirants du réflecteur lourd a été jugée nécessaire par AREVA pour limiter le débit de bypass par les tirants du réflecteur lourd.
Pour les débits minimaux pour les deux types de trous de refroidissement, les critères de conception sont également respectés (0.1715kg/s et 0.142kg/s estimés pour des critères de 0.1705kg/s et 0.1139kg/s pour les deux types de trous) » [20].
Conclusions RS-2014 sur les tirants du réflecteur lourd : « Les résultats obtenus permettent de valider la conception des tirants du réflecteur lourd » [21] sans que la reprise de leur conception jugée nécessaire par AREVA ne soit mentionnée.
Les essais ROMEO et JULIETTE complèteront le programme d’essais avec l’étude de l’hydraulique de la cuve.
Essais ROMEO (Équipements internes supérieurs)
Ces essais ont été réalisés sur la maquette ROMEO.
Synthèse-2008 - « Les internes supérieurs de cuve de l’EPR ont une conception innovante par rapport aux paliers existants. Outre le guide de grappe dérivé de la conception Konvoï, et donc en rupture par rapport aux guides de grappe existants, la majorité des colonnes de support simple a disparu et est remplacée par des colonnes protégeant le guide de grappe. Une campagne de validation hydraulique des internes supérieurs a donc été lancée sur la maquette ROMEO, afin de vérifier le bon comportement hydraulique du plénum supérieur ».
Cependant, « la maquette ROMEO ne représente pas explicitement les assemblages combustibles. En effet, le retour d’expérience des maquettes similaires (BANQUISE [pour les paliers précédents]) avait montré la difficulté pour représenter correctement les conditions thermohydrauliques en sortie du cœur, et notamment la carte de débits sortie cœur, lorsque les assemblages combustibles étaient explicitement représentés (les pertes de charge des assemblages étaient fortement perturbées par la proximité de la paroi). Pour ROMEO, le choix a été fait de ne pas représenter explicitement le cœur dans la maquette (cavité cœur vide), mais plutôt de modéliser son effet via l’ajout de pertes de charges complémentaires (sous forme de diaphragmes) dans les orifices de la PSC », la Plaque supérieure de cœur.
Toutefois, il est apparu « des difficultés pour justifier les résultats dissymétriques constatés entre les branches chaudes alors que la maquette est symétrique, la disposition des lances aeroballs mise à part ».
Aeroball - « Le système "aeroball", qui constitue une spécificité d’EPR, correspond à l’instrumentation interne mobile permettant d’élaborer les cartes de flux : l’activité du cœur est mesurée à partir de l’activation de billes d’alliage acier/vanadium propulsées au sein des assemblages par un gaz porteur ».
Source, ASN (CODEP-DCN-2012-040329)
« L’instrumentation mise en place sur la maquette ROMEO a permis de déterminer de façon précise l’hydraulique du plenum supérieur EPR.
En particulier, il est apparu que les champs de vitesse dans les branches chaudes ont des structures similaires à celles relevées sur les paliers précédents (2 structures contra-rotatives qui évoluent le long de la branche chaude). Cependant, et contrairement à ce qui était attendu, les champs de vitesse dans les branches chaudes paires et impaires ne sont pas symétriques bien que le plenum supérieur soit quasiment symétrique par quart, à l’exception des tubes guides aeroballs. La présence de ces tubes de faibles diamètres positionnés le long du CRGA [guide de grappe] modifierait donc l’hydraulique du plenum. Il est regrettable qu’un essai ROMEO n’ait pas été réalisé en retirant les aeroballs du plenum supérieur, ce qui aurait permis de confirmer l’impact de ces obstacles de petite taille sur la dissymétrie des écoulements du plenum » [20].
La présence des tubes guides aeroballs situés au niveau de certains guides de grappes de commande du réacteur pourrait être la cause de la dissymétrie des écoulements constatée lors des essais ROMEO. Ces essais, incomplets, n’ont pas permis de discriminer ou de confirmer l’origine de cette dissymétrie. Des débits plus importants au sein de certains assemblages combustible peuvent augmenter les vibrations causées par les turbulences engendrées par le transit du fluide primaire.
Dans le RS-2014, rien à signaler :
« - la convergence des essais en nombre de Reynolds a été validée (sur les pertes de charge du plenum supérieur et des ajutages de sortie, les distributions de débit dans la plaque supérieures de cœur et les champs de pression), permettant l’exploitation directe des résultats d’essais à l’échelle réacteur,
- les exigences fonctionnelles sur les débits en sortie cœur en fonctionnement normal (sur-débits, sous-débits et différence de débits entre assemblages voisins) sont respectées dans toutes les configurations d’écoulement testées,
- les essais ont fourni des éléments de qualification permettant d’utiliser l’outil CFD STAR-CD pour vérifier le respect de l’exigence fonctionnelle sur la précision de mesure de la température en branche chaude,
- les essais ont permis d’obtenir les efforts hydrauliques sur les colonnes de guide de grappe » [21].
Codes CFD - Computational fluid dynamics :
« mécanique des fluides numérique (MFN) qui consiste à étudier les mouvements d'un fluide, ou leurs effets, par la résolution numérique des équations régissant le fluide ».
Source, ASN (CODEP-DCN-2015-002998)
« Le code CFD Star CD a également été qualifié par AREVA NP sur la base des essais JULIETTE. Sur ce point particulier, il faut noter qu’un protocole de confidentialité́ signé avec AREVA NP restreint l’utilisation des résultats d’essais JULIETTE à un usage interne EDF et soumet leur éventuelle diffusion par EDF à l’autorisation préalable d’AREVA NP ».
Source, Synthèse pour le traitement de la dilution hétérogène inhérente pour FA3 - EDF, 2008
L’inattendue dissymétrie de vitesse dans les branches chaudes n’est pas évoquée et par conséquent reste inexpliquée.
Essais JULIETTE (Équipements internes inférieurs)
La Synthèse-2008 fait le point sur les essais réalisés sur la maquette JULIETTE :
« Le programme d'essais expérimental JULIETTE a pour but de valider l'hydraulique d'ensemble des internes de cuve inférieurs de l'EPR, qui ont une conception innovante par rapport aux paliers actuels. Les principales innovations de la conception EPR du plenum inférieur sont liées à la décision de reporter les pénétrations d’instrumentation du fond de cuve vers le couvercle, ce qui constitue une évolution par rapport au parc existant. Cette évolution aurait pu permettre d’envisager la conception d’un plenum inférieur vide de toute structure, mais cette conception conduisait à créer des phénomènes thermo hydrauliques instationnaires en fond de cuve (vortex).
Afin de maitriser l’hydraulique du fond de cuve et obtenir une nappe de débits en entrée cœur la plus plate possible, un dispositif innovant de répartition de débits (FDD, Flow Distribution Device) a été développé et installé en fond de cuve. Le FDD ne permettant pas à lui seul de rendre uniforme la carte de débits entrée cœur, un becquet déflecteur installé sur l’enveloppe du cœur en bas du downcomer [espace annulaire de la cuve] et un perçage différentiel de la PIC [Plaque inférieure de cœur] ont été développés afin de compenser la tendance naturelle de l’écoulement à sur-débiter en centre de la PIC et à sous-débiter en périphérie. La stratégie retenue pour le perçage différentiel est de diminuer la perte de charge des orifices en périphérie de la PIC, afin de faciliter l’entrée de fluide dans le cœur.
Afin de valider l’hydraulique du fond de cuve EPR et le design innovant des internes de cuve, la maquette JULIETTE a été développée. Cette maquette représente à l'échelle 1/5 le plenum inferieur de l’EPR avec les internes. La cuve est en plexiglas et l'enveloppe de cœur et le FDD sont en inox. Les quatre branches froides sont représentées, et la giration imposée par la pompe en réacteur est représentée par une hélice amovible installée dans les branches froides.
(…)
Bien qu’AREVA indique que les cas extrêmes aient été étudiés, le couplage hydraulique entre les girations en branche froide et le fond de cuve EPR est un phénomène complexe qu’il aurait fallu mieux maîtriser. Il est en particulier regrettable que les caractéristiques précises des girations en branche froide n’aient pas été mieux évaluées sur la maquette JULIETTE. En effet, dans le cadre de l’acquisition des données pour effectuer une qualification des codes CFD, il aurait été souhaitable de maîtriser parfaitement cette giration maquette afin de pouvoir qualifier le code dans les meilleures conditions.
(…)
Il apparaît que les débits évoluent autour d’une valeur moyenne mais ne sont pas stables. Les assemblages situés dans le sillage du FDD ont un comportement en phase (battement) caractérisés par des fluctuations de l’ordre de 4%rms. A l’extérieur du FDD, les fluctuations de débits sont relativement indépendantes (faibles niveaux de cohérence) et les fluctuations sont de l’ordre de 8%rms, avec un maximum mesuré de 11%rms. Les écarts de débits entre assemblages voisins peuvent donc atteindre des niveaux élevés, en particulier en périphérie du cœur. Les fluctuations de débits en entrée cœur doivent être prises en compte dans les analyses justifiant la bonne tenue des assemblages combustible » [20].
Dans la Synthèse-2008, au paragraphe « Acceptabilité de la conception du plenum inférieur : Risque de fretting et optimisation du design », EDF explique que « contrairement aux paliers existants, la nappe de débit de référence EPR est caractérisée par des débits uniformes au centre du cœur (nappe de débit plate) et par une forte hétérogénéité de débits en périphérie qui peuvent favoriser les écoulements transverses. Les caractéristiques de cette nappe de débits sont liées à la conception des internes de cuve (FDD, perçage différentiel de la PIC, becquet sur l’enveloppe, présence des clefs de maintien radial). D’autre part, la nappe de débits entrée cœur EPR est caractérisée par des fluctuations de débits pouvant atteindre 11% en périphérie du cœur et 4% au centre, ce qui augmente les sollicitations sur le combustible. Le critère permettant d’évaluer le risque de fretting à partir de l’écart de débit entre assemblages voisins n’est pas suffisant pour prendre en compte les caractéristiques de la nappe de débits EPR, et en particulier le caractère instationnaire de cette nappe.
Une première étude (25) menée pour évaluer le risque de fretting indiquait que le risque de fretting ne pouvait être écarté pour EPR. Des études complémentaires ont alors été réalisées (26) et présentées lors de la revue technique "combustible EPR" du 30 mars 2007. Ces études plus détaillées, prenant en compte l’aspect instationnaire de la nappe de débits en entrée cœur, ont permis de montrer que le risque de fretting sur EPR était plus faible que sur le palier 1300MWe. En particulier, aucune recommandation (27) n’a été formulée à l’issue de la revue technique concernant ce point. La conception du fond de cuve EPR est donc acceptable du point de vue du risque de fretting.
L’opportunité d’optimiser le FDD qui avait été soulevée dans la note (28) pour réduire le risque de fretting n’est donc plus à envisager. En effet, bien que la conception du FDD repose sur des calculs CFD non qualifiés (cf. 26), la reprise de la conception du fond de cuve n’est aujourd’hui plus justifiée car la conception actuelle est acceptable vis-à-vis du risque de fretting et des sollicitations sur le combustible en général » [20]...
JULIETTE s’accorde parfaitement avec ROMEO dans les conclusions de ces essais rapportées par le RS-2014 :
« - la convergence des essais en nombre de Reynolds a été validée (sur les pertes de charge du plenum inférieur et des ajutages d’entrée, les distributions de débit dans la plaque inférieure de cœur et les champs de pression), permettant l’exploitation directe des résultats d’essais à l’échelle réacteur,
- les exigences fonctionnelles sur les débits en entrée cœur en fonctionnement normal (sur-débits, sous-débits, différence de débits entre assemblages voisins) sont respectées dans toutes les configurations d’écoulement testées : écoulements équilibrés ou déséquilibrés, avec ou sans giration de l’écoulement principal. Le dispositif de distribution de débit (virole, grille et perçage différentiel du fonds support de cœur) remplit donc bien son rôle,
- les essais ont fourni des cartes de distribution de température dont sont déduites les matrices de mélange servant de données d’entrée aux études d’accident (notamment RTV [Rupture d’une tuyauterie vapeur]), les essais ont permis de fournir une base de qualification pour les codes CFD utilisés dans les études de dilution » [21].
La notion de fretting n’est pas abordée dans les « principaux éléments » apportés par les essais JULIETTE. Le risque de fretting identifié dans la Synthèse-2008 d’EDF ne faisait-il pas partie des exigences fonctionnelles requises par EDF pour le RS-2014 ? Aurait-il été escamoté du Rapport de sûreté ?
Pas tout à fait. Nous le retrouvons dans un autre chapitre : « Assemblage du combustible ». « L’usure des crayons par fretting » est évoquée compte tenu de l’« expérience d’exploitation dans les réacteurs de puissance » mais vite évacuée car « le fretting étant survenu en partie inférieure de l’assemblage, les fournisseurs ont ajouté une grille supplémentaire en bas de l’assemblage combustible. Cette grille permet d’améliorer le maintien de la partie inférieure du crayon, et de limiter son amplitude de débattement quel que soit l’épuisement » [21].
Force est de constater que malgré cette fameuse grille anti-fretting les assemblages du combustible de Taishan 1 n’ont pas tenu le choc ! Se peut-il que, trop confiants, les fournisseurs n’aient pas intégré d’emblée cette grille ? A priori, EDF pense s’inspirer de ce qui a été fait par le passé sur les assemblages du palier 1 300 comme expliqué dans son Point d’actualité (12/01/22) : « dans la perspective du démarrage de Flamanville 3, une solution déjà mise en œuvre sur le parc nucléaire en exploitation d’EDF, sera instruite avec l’Autorité de sûreté nucléaire française » [9].
Alors, ajout d’une grille supplémentaire ou pas ? Selon Madame Herviou (IRSN) citée par Montel (9/02/22), « EDF entend résoudre ce problème au moyen d’un traitement thermique pour renforcer les grilles métalliques contenant les crayons combustible de ces EPR, dont celui de Flamanville » [29]. Les sources du problème vibratoire ne seraient apparemment pas traitées ?