Élément de langage : l’exclusion de rupture
Nous avons découvert ce « principe » dans le dossier préliminaire de sûreté de l’EPR que nous avions pu consulter lors du débat public de 2005. D’origine américaine semble-t-il, « break exclusion », il était utilisé par EDF pour la définition des éléments les plus sensibles qui composeraient les circuits primaires et secondaires de ce réacteur nucléaire, éléments situés à l'intérieur du bâtiment réacteur, et, au-delà de la double enceinte de confinement, jusqu’au premier point fixe pour la partie secondaire.
Le « principe d'exclusion de rupture » est une petite merveille. Il implique l'excellence de la conception, l'excellence de la réalisation, l'excellence des contrôles en service, le tout à partir des meilleures techniques disponibles. La mise en œuvre de ce principe permet alors de faire chuter la probabilité d'occurrence d'un accident à un tel niveau qu'il n'est plus nécessaire d'étudier les conséquences d'une défaillance. Un « joker » qui permet ainsi à EDF de s'affranchir de fastidieuses et coûteuses études. C'est beau comme... le rapport Rasmussen (1975) dont les calculs appliqués à Three Miles Island montraient que l'accident n'aurait pas dû avoir lieu.
Chez nous, pour l'EPR, ce principe fût appliqué aux canalisations primaires et secondaires. Comme ces tuyaux ne pouvaient pas rompre (le principe ne leur en donne pas le droit !), les ingénieux ingénieurs supprimèrent les dispositifs anti-fouettement (colliers empêchant les mouvements de tuyaux en cas de rupture). Cette suppression, nous disaient-ils, permettrait, faute d'obstacles, de mieux contrôler la totalité de la surface de ces canalisations.
Manque de chance et surtout manque de respect des principes, de nombreuses soudures réalisées sur ces canalisations montrèrent que le lien entre une conception considérée irréprochable et une réalisation conforme n'a pas été établi. Leur réalisation fut aléatoire mettant en défaut les piliers de la cathédrale de la sûreté. Cet écart entre la projection d'un jus de cervelle d'ingénieur et les réalités concrètes de la petite main qui tient la torche à souder montre en quelque sorte les limites du concept de démarche qualité. Non seulement les opérateurs n'ont pas reçu le cahier des charges spécifique, pas plus qu'ils n'ont été formés, mais ils n'ont pas non plus été fournis en baguettes de soudure adéquates !
Notre mauvais esprit se tourne alors vers le Général Georgelin pour qui les vestiges archéologiques de Notre Dame récemment découverts ne devraient en aucun cas retarder le planning de sa reconstruction (Le Canard Enchaîné du 23 mars 2022). Nous envisageons une perspective d'embauche chez EDF une fois la cathédrale remise sur pieds en 2024, pour reprendre en main le projet EPR...