01/03/22 • ASN

Dossier GSIEN - Occlusion "combustinale "
Fragilités du « cycle du combustible » nucléaire :
le collège de l’ASN a auditionné EDF et Orano
Note d'information de l’ASN, 01/03/2022

Dans un contexte de tensions sur l’équilibre du « cycle du combustible » nucléaire, le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire a auditionné conjointement, le 10 février 2022, Cédric Lewandowski, directeur exécutif du groupe EDF, directeur du parc nucléaire et thermique, et Philippe Knoche, directeur général d’Orano, sur la gestion des combustibles usés et les entreposages de matières plutonifères.

La fabrication du combustible nucléaire utilisé dans les réacteurs des centrales nucléaires, son entreposage et son retraitement après irradiation constituent le « cycle du combustible » nucléaire. L’ASN contrôle la cohérence globale des choix industriels faits en matière de gestion du combustible qui pourraient avoir des conséquences sur la sûreté. Elle porte une attention particulière aux conditions d’entreposage, d’une part des matières plutonifères, d’autre part des combustibles usés, qu’ils soient destinés à être retraités à court ou plus ou moins long terme.

Cette audition a permis à EDF et Orano de présenter leur vision globale de la situation du « cycle du combustible » nucléaire, dans un contexte où des dysfonctionnements qui ont un fort impact sur d’autres étapes du cycle conduisent à un risque de saturation des entreposages de matières plutonifères et des entreposages de combustibles usés.

Commentaire GSIEN : selon les rapports d’information du site Orano Melox (Éditions 2019, 2020 et 2021), la production de MOX est passé de 110 tML en 2017 à 51 tML en 2021. Pourtant, on avait vu grand pour Melox : avec le décret du 26 avril 2007, le gouvernement avait autorisé AREVA à porter le niveau de production annuelle de 145 à 195 tonnes de métal lourd (tML).

La nécessité de prévoir des capacités d’entreposage supplémentaires de combustibles usés avait déjà été identifiée il y a plusieurs années dans le cadre de la préparation du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. L’usine de Melox connait toujours de grandes difficultés pour produire du com-bustible MOX pour les réacteurs d’EDF avec la qualité et dans les quantités attendues. Ces difficultés entraînent la production d’une quantité importante de matières radioactives contenant du plutonium qualifiées comme des « rebuts MOX », lesquelles sont ensuite entreposées dans l’usine de La Hague.

À très court terme, Orano a donc indiqué son besoin urgent d’une extension de ces capacités d’entreposage de matières plutonifères à La Hague, pour permettre la poursuite du retraitement de combustibles. En l’absence de telles augmentations de capacités d’entreposage, une adaptation à la baisse du traitement serait nécessaire, ce qui accélérerait l’encombrement des piscines d’entreposage de combustibles usés. L’ASN a recommandé à Orano de veiller à la qualité des analyses de sûreté transmises à l’appui des demandes d’extension, actuellement en cours d’instruction.

À la demande de l’ASN, les exploitants auditionnés ont élaboré et présenté différents scénarios prospectifs, bâtis sur plusieurs jeux d’hypothèses, plus ou moins pessimistes quant au bon fonctionnement des différentes usines du « cycle du combustible ». Orano et EDF ont présenté les différents leviers d’action et les parades actuellement étudiées pour faire face au risque de saturation des capacités d’entreposage de matières nucléaires, que ce soit les matières plutonifères ou les assemblages de combustibles usés entreposés en piscine à la Hague.

EDF prévoit de construire, sur le site de La Hague, une piscine d’entreposage centralisé, destinée à l’entreposage des combustibles dont le traitement n’est pas envisagé à court ou moyen termes. Ce projet a cependant pris du retard et ne serait pas disponible avant 2034. L’ASN a rappelé l’importance de ce projet, qui doit permettre de disposer de nouvelles capacités d’entreposage de combustibles usés et répondre à la problématique de saturation des capacités actuelles.

Constatant que les scénarios étudiés conduisent à une saturation possible des entreposages de combustibles usés avant 2030, les exploitants ont notamment fait le point sur l’avancement des projets suivants, qui constituent des parades au retard de la piscine d’entreposage centralisé :

  • densification des piscines d’entreposage de la Hague ;

  • développement d’un concept d’entreposage à sec ;

  • augmentation de l’utilisation du combustible MOX en réacteurs.

Lors de cette audition, le collège a rappelé sa préoccupation portant sur la saturation plus rapide que prévue des capacités d’entreposage de matières radioactives à La Hague. L’ASN souligne d’une manière générale que le « cycle du combustible » présente actuellement très peu de marges et que la poursuite d’un fonctionnement dégradé de l’usine Melox ou toute autre situation affectant le bon fonctionnement des usines du « cycle du combustible » pourrait conduire à un engorgement des entreposages de matières.

En ce qui concerne la parade consistant à densifier l’entreposage de combustibles usés dans les piscines de la Hague, l’ASN a demandé à Orano d’accélérer la réalisation de certaines études de génie civil pour l’INB 116 (1) de La Hague [UP3], dans le cadre du réexamen périodique de cette dernière. Il conviendra en effet d’apprécier l’éventuelle augmentation de l’inventaire radiologique dans cette installation au regard d’une démonstration actualisée de sa résistance aux événements extrêmes. L’ASN considère de manière générale que ce projet, s’il pourrait permettre d’augmenter, de façon transitoire, les capacités d’entreposage de combustibles usés de La Hague pour écarter le risque de saturation à moyen terme, ne peut pas constituer une solution pérenne.

Le collège a demandé aux exploitants de poursuivre les études nécessaires à la mise en œuvre de l’ensemble des parades identifiées.

L’ASN a par ailleurs rappelé à EDF et Orano l’importance de fournir aux parties prenantes intéressées l’ensemble des informations nécessaires à une bonne compréhension de la situation du « cycle du combustible », notamment dans le cadre du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire.

 

(1) L'INB 116 correspond à l’usine de traitement d'éléments combustibles irradiés provenant des réacteurs nucléaires à eau ordinaire (UP3-A) et comprend plusieurs installations : Atelier T0, Piscines D et E, T1, T2, T3/T5, T4, T7, BSI, BC, ACC. 

https://www.asn.fr/

___