Août 2022 • JC Zerbib

Nouvelle piscine à La Hague ?
Une histoire de multiples refus de la réalité
ZERBIB Jean Claude, Global Chance février 2022

Une petite histoire du retraitement

  • L’objectif unique du retraitement était d’obtenir du plutonium pour un usage militaire. Les combustibles UNGG retraités à Marcoule (UP1 [Usine plutonium 1]) avaient produit 80 à 100 fois moins d’énergie que ceux retraités aujourd’hui à La Hague.

  • 1961, le CEA décide de créer une autre usine (UP2) afin d’assurer un relais en cas de problème à Marcoule. Le choix se porte sur La Hague pour plusieurs raisons.

  • En 1967, l’usine UP2 est mise en actif avec sa station de traitement d’effluents radioactifs STE2, avant rejet en mer. Pas de réflexion sur le devenir des boues.

  • En 1969, les besoins en plutonium militaire se tarissent, ce qui pose problème. Les réacteurs UNGG sont abandonnés au profit des réacteurs à eau pressurisée de conception américaine avec un combustible en oxyde d’uranium (UO2).

  • En 1974, le CEA décide de réaliser le retraitement des combustibles à "oxyde d’uranium". En mai 1976, les premières tonnes de combustible UO2 sont retrai-tées.

Passé et avenir du retraitement

  • En 1976, le Centre de La Hague passe du CEA à la Cogema (société de droit privé).

  • En novembre 1982, la Commission Castaing commis-sionnée par le gouvernement Mauroy, remet son rapport. Elle recommande la mise en œuvre du retraitement poussé, mais UP3 et UP2-800 sont créés sans en tenir compte.

  • L’usine UP3 est mise en actif en 1990 et UP2-800 en 1994 tandis que UP2-400 arrête le retraitement à l’âge de 37 ans.

  • Cette espérance de vie de 37 ans sera donc atteinte en 2027 par UP3.

  • Les signes d’usures importantes se sont manifestés, notamment avec l’arrêt de ses trois évaporateurs sur trois et la mise hors service d’une roue sur trois.

  • Il est clair, même si ni Orano, ni EDF, le disent, que le retraitement s’arrêtera définitivement avec l’arrêt d’UP2-800 et d’UP3. Une question se pose alors :

  • A quel horizon cela arrivera-t-il ? 2027 ? 2030 ? Ou quelques années plus tard ?

Entreposage : le goulot d’étranglement

  • Depuis une dizaine d’années, l’IRSN et l’ASN signalent à EDF le problème posé par l’entreposage des combustibles irradiés. EDF répond par le mutisme.

  • Un problème amplifié par le combustible MOX irradié, gros dissipateur d’énergie et les capacités limitées d’entreposage des piscines BK des réacteurs (8 100 t pour 4 842 t). Comme la place d’un cœur doit rester toujours disponible en cas de déchargement d’urgence il ne reste en moyenne qu’une place pour 2/3 de cœur (2 charges annuelles)

  • Le cycle du combustible est aujourd’hui piloté par le déficit d’entreposage.

  • Le retraitement devient le seul recours pour éviter l’embolie du cycle nucléaire, tandis que le plutonium s’accumule très au-delà des besoins.

  • Fin 2021, il y avait 66,4 tonnes de plutonium (PuO2) appartenant à la France sur les 80 tonnes entreposées, soit 7,3 fois le besoin annuel actuel pour le combustible MOX chargé dans 22 réacteurs de 900 MW.

  • Le projet de réacteur rapide est arrêté et il n’y a pas de plan "B" pour l’usage du plutonium.

A la recherche de solutions

  • Orano veut densifier l’entreposage des piscines C, D et E, bien qu’il y ait déjà l’équivalent de 115 cœurs de réacteurs dans les quatre piscines de La Hague, soit plus que dans toutes les centrales d’EDF réunies.

  • Comme la capacité d’entreposage de La Hague avec près de 10 000 tonnes entreposées et seulement 7,5% de disponible, la recherche de solutions autres que le seul retraitement s’impose : entreposage en pisci-ne ou à sec.

  • EDF veut cons-truire deux bassins d’entreposage semi-enterrés d’un total de 13 000 tonnes à La Hague. Compte tenu des délais, le premier bassin serait opéra-tionnel au moment de l’arrêt des usines de La Hague.

  • Si un entreposage s’impose de façon urgente quel sens donner au choix de cet emplacement ?

Les raisons du choix d’EDF

  • Le Directeur EDF du projet a déclaré : ce combustible qu’on a besoin d’entreposer est du MOX usé, appelé à être retraité mais pas forcément à court terme.

C’est un argument contestable pour plusieurs raisons :

  • Bien que La Hague ait retraité entre 1992 et 2008, 73,2 tonnes de MOX pour ses clients étrangers, l’usine n’en retraitera pas d’autres.

  • Ce retraitement est bien plus complexe et plus coûteux que celui des combustibles à uranium naturel enrichi (UNE).

  • Les MOX seront stockés définitivement et leur retraitement éventuel est une légende. Le pluto-nium est plus facilement accessible dans les UNE.

Note GSIEN : le retraitement poussé ouvre les possibilités de transmutations, ce qui exige la production des cibles constituées d'un seul radionucléide. Cette exigence conduit à séparer dans un premier temps les transuraniens des produits de fissions (PF). Cette séparation est également intéressante du fait que les périodes les plus longues sont celles du césium 137 (T=30,05 ans) et du strontium 90 (28,8 ans). En trois siècles, 10 périodes, ces deux radionucléides auront décru d'un facteur 1000.

Le retraitement poussé vise donc à séparer dans un premier temps les transuraniens des PF puis à séparer les transuraniens (neptunium, américium, curium) en vue de préparer des cibles pour la transmutation.