Quand le nucléaire "dit" civil
devient arme par destination
EDITORIAL
Avant d’aborder les sujets sordides, je souhaite à tous nos lecteurs ainsi que leurs proches une belle année 2023.
« Guerre », ou « opération spéciale » selon les points de vue, le conflit Ukrainien, en Europe, dans un pays doté d’installations de production d’électricité d’origine nucléaire crée un précédent. Suite aux exactions commises sur deux de ces installations (Tchernobyl et Zaporijia) l’Agence internationale pour l’Énergie Atomique (AIEA) doit rappeler que la sûreté des installations « civiles » repose sur « sept piliers » qui vacillent et sont mis à mal.
Sur la situation en Ukraine, Elena Solomarska écrivait à sa manière au tout début des événements il y a 8 mois le texte ci-dessous. Ce mélange de gastronomie d’humour grinçant, si ce n’est de cynisme, nous rappelle une composante oubliée (?) sur les horreurs commises au cours de la « seconde guerre mondiale » ou « grande guerre nationale » selon les blocs.
Bonjour dans l’enfer !
Vous devez penser que je parle de l’Ukraine en feu ? Non, pour une fois il s’agit de ce grand chef russe – le petit homme aux cheveux et aux yeux déteints qui est déjà agonisant car il ne fait que des cauchemars, le pauvre. Mais il peut connaître son heure de gloire ! C’est quoi ? Mais c’est poutine !
« La poutine est un plat de la cuisine québécoise composé dans sa forme classique, de trois éléments : des frites, du fromage (cheddar) en grains et de la sauce brune ». La recette de la poutine remonte aux années 1950 (1).
« Mets longtemps ridiculisé ... la poutine est maintenant en vogue ». Vrai, tout ça ! Les ingrédients sont tout à fait à point. Étymologie de frite :
1460 estre frit « être perdu » - Du lat. class. frigere « faire griller, rôtir, frire ». Ça pourrait aller, non ?
Le cheddar est un fromage jaune au lait de vache – pas d’accord ?
Et la sauce brune ? – Pas de problème, produite en abondance par l’Allemagne nazie du temps de Hitler (avec des répliques assez réussies en URSS).
D’aucune façon je ne voudrais offenser l’authentique plat québécois, mais je le remercie de la description exacte de la composition physiologue de l’énergumène lequel se morfondant dans son bunker et ne sachant pas se servir de l’ordinateur pour jouer aux jeux vidéo du type « Company of heroes » avait décidé de la jouer « nature » en profitant de la proximité d’un pays qui lui semblait assez faible. Pardon, je me trompe. Il a d’abord fait un essai en engloutissant un autre voisin plus petit et plus faible : la Biélorussie. Hélas, il n’a pas avalé de travers. La digestion a été un peu compliquée mais les excréments qu’il fait analyser tous les jours semblaient normaux. L’appétit vient en mangeant. Mais la gloutonnerie mène à l’indigestion. L’Ukraine s’est révélée être un trop gros morceau pour l’ingurgiter sans en crever.
Monsieur Sauce brune avait oublié que l’Ukraine est un pays de Cosaques. « Ce peuple, plein de souvenirs de ses ancêtres, a rejeté le joug, et c'est ce qu'on n'a pu lui pardonner » (2).
Elena Solomarska, professeure à l’Université Chevtchenko de Kiev
Ce rappel est fort utile en cette période où, un peu partout dans le monde : Asie, Proche et Moyen Orient, USA, Amérique Latine, …, sans oublier l’Europe, les événements laissent craindre une montée de cette « sauce brune » avec ses conséquences désastreuses.
A-t-on voulu oublier trop vite les horreurs commises et ce qui y avait conduit ? Les « solutions » adoptées, création de l’Organisation des Nations Unies et de ses filiales, étaient-elles à la hauteur des enjeux ? Pas moins de 10 ans de négociations auront été nécessaires autour du nucléaire, en pleine course au développement d’armes de destruction massive pour adopter, en octobre 1956, le statut de l’AIEA, agence de l’ONU qui sera officiellement créée en 1957.
« L’agence internationale de l’énergie atomique est le centre mondial de la coopération nucléaire. Créée pour représenter « l’atome au service de la paix », l’agence sise à Vienne, doit contribuer fondamentalement à la paix, au développement et à la sécurité dans le monde en aidant à prévenir la prolifération des armes nucléaires et en promouvant une utilisation sûre et pacifique de techniques nucléaires favorisant le développement humain » (IAEA, bulletin septembre 2006).
Cette création suivait la conférence de l’ONU à Genève de 1955 qui avait mobilisé les milieux scientifiques et industriels impliqués dans le secteur nucléaire.
En Ukraine, des sites nucléaires de production d’électricité en service ont été pris pour cible. Il y a là un précédent qui remet en question la distinction entre nucléaires « civil » et « militaire » ! Notons quand même que nombre d’entre nous ont, tout au long de ce gros demi-siècle, fortement douté de la réalité de cette distinction et alerté tant sur les risques majeurs que sur les rejets massifs qui ont accompagné tant les essais que le développement de l’industrie nucléaire.
Notre Gazette présente quelques éléments de réflexion autour de la situation ukrainienne où la sûreté de la centrale de Zaporijia ne repose, par périodes, que sur le fonctionnement de ses diesels de secours. En cas de situation analogue en France, les centrales françaises ne pourraient compter que sur leurs sources internes de secours : un dossier GSIEN fait le point sur le sujet.
Elle fait aussi un point sur les questions actuelles en matière de maîtrise des armements nucléaires avec la fin de la dissuasion, comme le constate Abraham Béhar, avant de revenir sur l’histoire, ou plutôt quelques histoires qui ont jalonné cette course à la bombe. Avec le témoignage de Raymond Sené, ce dossier GSIEN sur le nucléaire militaire revient également sur les essais atomiques au-travers de quelques articles de presse et la présentation de deux ouvrages dont celui de Jean-Claude Amiard sur les accidents nucléaires militaires.
Parmi les avis de l’IRSN que nous avons sélectionnés et commentés, vous trouverez la confirmation officielle de « l’anomalie de conception du plenum inférieur_» des cuves EPR, un sujet que nous avions longuement évoqué dans la Gazette_296.
Enfin, La politique du mensonge à Saint-Laurent montrera de quelle façon EDF tente de réécrire l’histoire...
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Et mille excuses pour le retard de ce numéro.
Bonne année encore
J-C Autret et Monique Sené
(1)
Vladimir Poutine est né en 1952.
(2) Jean-Benoît Scherer « Annales de la petite Russie ou Histoire des Cosaques saporogues et des Cosaques de l'Ukraine », 1788.