2021 • IRSN

AVIS IRSN N° 2021-00151 - Réacteurs électronucléaires EDF
Exploitation des réacteurs du palier N4 concernés par le phénomène de corrosion accélérée des gaines de combustible en alliage M5

Extraits de l’avis :

« Lors du déchargement du combustible, à l’issue de la campagne 18 du réacteur n° 2 du CNPE de Chooz B en février 2021, EDF a observé un grand nombre de corps migrants de couleur blanche de quelques millimètres dans la cuve. Les premières analyses ont permis de définir la nature de ces particules comme étant des écailles de zircone [oxyde de zirconium]. Les inspections télévisuelles (ITV) des assemblages ont permis d’observer une corrosion supérieure à l’attendu (corrosion accélérée) du gainage en partie haute de certains crayons de combustible. Elles ont également confirmé que ces corps migrants sont issus de la desquamation de la couche d’oxyde formée en surface externe des gaines de combustible.

EDF fait état d’une quinzaine d’assemblages pouvant contenir des crayons desquamés et d’un grand nombre d’assemblages de combustible qui présentent des colorations indiquant une couche d’oxyde importante. Les phénomènes de corrosion accélérée et de desquamation n’ont pas conduit à une perte d’intégrité du combustible lors de la campagne 18 du réacteur n° 2 du CNPE de Chooz B.

En outre, les investigations menées à ce jour par EDF sur les autres réacteurs du palier N4 et de 1300 MWe ont révélé :

une desquamation sur un seul crayon de combustible pour le réacteur n° 2 du CNPE de Civaux ;

une corrosion accélérée sans desquamation sur plusieurs assemblages de combustible exploités dans le réacteur n° 3 du CNPE de Cattenom.

Dans ce contexte, EDF a déclaré en juillet 2021 un événement significatif pour la sûreté à caractère générique pour le réacteur n° 2 du CNPE de Chooz B, le réacteur n° 2 du CNPE de Civaux et le réacteur n° 3 du CNPE de Cattenom.

Ce phénomène de corrosion accélérée des gaines de combustible en alliage M5 est inédit en France.

(...)

EDF estime que les conditions de fonctionnement de la gestion de combustible ALCADE mise en œuvre sur les réacteurs du palier N4 sont propices à la formation d’un régime d’ébullition nucléée (formation de bulles de vapeur à l’interface entre fluide primaire et les gaines) en extrémité supérieure de la colonne fissile. Ce phénomène peut conduire, dans une certaine mesure, à l’apparition d’un environnement chimique très oxydant (due à la diminution de l’hydrogène dans la phase liquide du fluide primaire).

(...)

Un phénomène de corrosion accélérée des gaines de combustible en alliage M5 conduisant à la desquamation de la couche d’oxyde a été observé à l’issue de la campagne 18 du réacteur n°2 du CNPE de Chooz B.

À ce stade, l’ébullition nucléée et la faible teneur en fer des lots matières de fabrication sont identifiées comme les causes principales de la corrosion accélérée des gaines de combustible en alliage M5. EDF s’est toutefois engagé à poursuivre les investigations afin d’améliorer la compréhension fine des mécanismes à l’origine de ce phénomène ».

Une des mesures compensatoire prises par EDF sur la tranche 2 de Chooz B consiste en « l’abaissement de la puissance maximale autorisée en fonctionnement normal à 92,6 %PN [Puissance nominale] afin de réduire le phénomène d’ébullition nucléée en partie haute des gaines de combustible, qui constitue une des causes principales de la corrosion accélérée » [IRSN, 6/08/21].

Commentaire GSIEN (avec J.C. Zerbib) : « EDF a introduit à titre expérimental, à partir 1988, pour le gainage de quelques crayons combustibles, un nouvel alliage de zirconium appelé ″Massif 5″ (M5) développé et produit par AREVA-NP (Framatome). Cet alliage, qui comporte du niobium et d’autres additifs, a été développé en vue d’améliorer la résistance à la corrosion et à l’absorption d’hydrogène qui se lie chimiquement au zirconium du gainage » ; voir le dossier complet de Global Chance (2021) sur La corrosion des gaines d’éléments combustibles en Zircaloy.

Le gainage M5 cause toujours des problèmes à EDF, la faible teneur en fer de certains lots de fabrication étant suspectée à priori, mais aussi (et surtout ?) l’ébullition nucléée, c’est-à-dire la formation de bulle de vapeur en partie haute des assemblages combustible, ce qui augmente la corrosion du gainage. De fait, le réacteur n°2 de Chooz B voit sa puissance limitée à environ 1340 MWe (au lieu de 1450 MWe). Cette réduction de puissance pourrait s’étendre aux autres réacteurs du palier N4 en cas d’extension du phénomène identifié sur Chooz B2. Pas d’inquiétude à avoir pour l’instant : toutes les tranches du palier N4 (Chooz et Civaux) sont à l’arrêt (à fin décembre 2022) pour des problèmes importants de fissuration par corrosion sous contrainte détectés dans l’acier inoxydable austénitique du circuit d’injection de sécurité (cf. Gazette n°296).