AVIS IRSN N° 2021-00181 - Réacteurs électronucléaires de 1450 MWe – EDF
Instruction des suites de l’expertise RP2-N4 – Volet études
Accident de perte de réfrigérant primaire par brèche intermédiaire (APRP BI)
Avis complet
« Conformément à la demande formulée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en référence (1), l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a examiné, dans le cadre du deuxième réexamen de sûreté des réacteurs du palier N4 (RP2-N4), la réponse d’EDF à la demande D2 formulée par l’ASN dans la lettre en référence (2).
1. CONTEXTE
Dans le cadre du nouveau référentiel d’étude des accidents de perte de réfrigérant primaire (APRP), EDF a mis en œuvre une nouvelle méthode basée sur un traitement statistique des incertitudes et prenant en compte des phénomènes relatifs au comportement du combustible non pris en compte dans la méthode précédemment utilisée. Cette nouvelle méthode, appelée CathSBI, a été mise en application et expertisée pour la première fois dans le cadre du quatrième réexamen des réacteurs de 900 MWe (RP4 900). Pour les autres paliers, EDF a prévu de l’appliquer pour les prochains réexamens périodiques, à savoir le quatrième réexamen pour le palier 1300 MWe et le troisième réexamen pour le palier N4.
L’expertise de cette première application a mis en évidence une influence élevée, sur la température de gaine des crayons de combustible, de la prise en compte des phénomènes physiques liés au comportement du combustible en APRP et qu’il était difficile de démontrer le respect des critères de sûreté. À la suite de cette expertise, EDF s’est engagé à mettre en place, pour les réacteurs du palier 900 MWe dans le cadre de leur RP4, des modifications matérielles pour augmenter les marges vis-à-vis des critères de sûreté à respecter pour cet accident.
Compte tenu de l’influence des phénomènes physiques liés au comportement du combustible observés sur ce palier, l’ASN a également demandé à EDF (demande D2 de la lettre de suite en référence (2)) d’évaluer l’impact de la prise en compte de ces phénomènes sur la température de gaine calculée dans les études APRP pour les réacteurs des paliers 1300 MWe et N4, et ce sans attendre les prochains réexamens de sûreté.
2. IMPACT DES PHENOMENES PHYSIQUES LIES AU COMBUSTIBLE SUR LE PALIER N4
Pour répondre à cette demande de l’ASN, EDF a réalisé une étude prenant en compte les phénomènes physiques liés au comportement du combustible, modélisés à l’aide de la méthode CathSBI. Cette étude permet de vérifier le respect du critère de sûreté vis-à-vis du paramètre-cible « pic de température de gaine du crayon chaud ».
Néanmoins, l’IRSN souligne qu’EDF n’a pas réalisé d’étude pénalisant le paramètre-cible « déformation des gaines ». Or, une déformation élevée des gaines des crayons de combustible conduit à activer les phénomènes physiques redoutés (à savoir le contact entre crayons, l’éclatement de la gaine des crayons par ballonnement et la relocalisation du combustible dans les zones ballonnées provoquant ainsi des points chauds).
De plus, cette étude ne prend pas en compte les demandes que l’ASN avait formulées à la suite de l’expertise de la méthode CathSBI appliquée aux réacteurs du palier 900 MWe (présentées dans les lettres (2) et (3) concernant notamment le conservatisme global de la méthode, ce qui ne permet pas de garantir le caractère enveloppe des résultats affichés.
Enfin, l’applicabilité de la méthode CathSBI aux réacteurs de quatre boucles est en cours d’expertise. Dans ce cadre, de nouvelles réserves ont été récemment mises en exergue. Notamment, l’analyse des transitoires de brèches primaires pour le palier 1300 MWe dans le cadre du RP4 met en évidence le fait qu’une brèche localisée en branche froide ne constitue pas nécessairement le cas pénalisant, contrairement au palier 900 MWe. Il s’agit a priori d’un effet lié aux réacteurs de quatre boucles. Ce constat est donc susceptible de modifier les résultats de l’étude transmise en réponse à la demande D2 pour le palier N4.
3. CONCLUSION
Compte tenu des points présentés ci-dessus, l’IRSN constate que la réponse d’EDF à la demande D2 présente de potentiels sous-conservatismes et estime que cette étude n’est pas suffisante pour garantir le respect des critères de sûreté.
EDF considère que l’expertise en cours de la méthode CathSBI doit d’abord être finalisée avant d’engager une étude permettant de réévaluer les marges disponibles (prévue à date en 2023). EDF indique que, en fonction des résultats, il définira le besoin d’éventuelles mesures d’améliorations des marges, avec leur calendrier de mise en œuvre en pesant le gain sûreté escompté relativement aux impacts générés.
Afin de statuer sur le respect des critères de sûreté associés à l’étude d’APRP BI du palier N4, l’IRSN estime nécessaire que l‘étude prévue par EDF soit réalisée au plus tôt. Elle devra tenir compte de l’ensemble des demandes de l’ASN relatives à la méthode CathSBI. En cas de marges insuffisantes, EDF devra mettre en place des mesures compensatoires, et ce sans attendre le troisième réexamen périodique du palier N4.
Réf. (1) Saisine ASN - CODEP-DCN-2021-032555 du 6 juillet 2021.
(2) Lettre ASN - CODEP-DCN-2017-001478 du 12 janvier 2017.
(3) Lettre ASN - CODEP-DCN-2014-032737 du 24 juillet 2014 » [IRSN, 10/11/21].
Commentaire GSIEN : le respect des critères de sûreté n’est pas garanti à cause de potentiels sous-conservatismes ou autrement dit, de l’absence de marge de sûreté dans la nouvelle méthode utilisée par EDF.