2021 • IRSN

AVIS IRSN N° 2021-00088 - EDF - REP
Analyse du retour d’expérience de l’exploitation des réacteurs électronucléaires – Période 2018-2019

Conclusions de l’avis :

« Au terme de son analyse du retour d’expérience de l’exploitation des réacteurs électronucléaires pour la période 2018-2019, l’IRSN estime que les résultats en termes de sûreté, de radioprotection des travailleurs et d’impact sur l’environnement sont mitigés, mettant en exergue un certain nombre de points de fragilité qui ont nécessité ou qui nécessitent encore des actions correctives de la part d’EDF.

En effet, en matière de sûreté, le nombre d’événements déclarés a connu une hausse significative en 2019, après une stagnation en 2018 par rapport à 2017. Bien que cette donnée ne puisse être considérée comme un indicateur du niveau de sûreté du parc électronucléaire, l’augmentation observée en 2019 coïncide avec la prolongation des arrêts de réacteur pour renouvellement du combustible. En effet, l’augmentation du nombre de jours de retard d’arrêt a un impact direct sur la planification et la préparation des activités à réaliser, ce qui est propice à la déclaration d’événements significatifs en plus grand nombre. De ce fait, EDF a décidé la mise en place de plans d’actions qui apparaissent adaptés. D’une part, EDF s’est attaché à sécuriser la réalisation des arrêts de réacteurs, tant en termes de durée cible que de respect des différents référentiels d’exploitation (spécifications techniques d’exploitation, essais périodiques, maintenance...). D’autre part, EDF s’est engagé à reconquérir la conformité de ses installations. Pour l’IRSN, l’ensemble de ces actions sont absolument nécessaires, car elles sont un levier majeur du maintien et de l’amélioration du niveau de sûreté des installations.

L’année 2019 a également été marquée par la déclaration de quatre ESS de niveau 2 sur l'échelle INES , ainsi que par un nombre élevé d’événements en lien avec des erreurs de pilotage, de surveillance de l’installation et des non-qualités de maintenance. De manière plus globale, malgré les plans d’actions successifs engagés par EDF ces dernières années, dont les orientations sont certes positives mais a priori insuffisantes, les résultats opérationnels en termes de sûreté stagnent. En particulier, EDF a toujours des difficultés à valoriser pleinement son propre retour d’expérience d’exploitation (tant dans sa collecte que dans son traitement dans des délais raisonnables), alors qu’a contrario le REX des installations étrangères semble être bien pris en compte par EDF.

Au cours de son analyse, l’IRSN a également mis en exergue des difficultés de la part d’EDF à garantir la bonne déclinaison et opérabilité sur le terrain des consignes incidentelles, ce qui a donné lieu à des engagements d’EDF dans ce domaine.

Par ailleurs, les enseignements tirés de la modification déployée au niveau de la ventilation des halls des groupes électrogènes de secours à moteur Diesel de certains réacteurs de 1300 MWe ont amené l’IRSN à formuler deux recommandations. En effet, l’IRSN considère essentiel de s’assurer que toute modification d’un système de ventilation n’a pas d’impact sur les équipements importants pour la sûreté et, de manière plus générale, que les essais réalisés à l’issue d’une modification permettent de démontrer l’efficacité de la modification déployée dans toutes les configurations de fonctionnement, et de s’assurer de l’absence de régression d’un point de vue de la sûreté.

Enfin, l’IRSN s’est également attaché à vérifier la maîtrise du risque incendie et explosion par EDF. Outre certains éléments de REX techniques, affectant notamment le contrôle des bouteilles de gaz propulseur du système de lutte contre l’incendie ou encore celui des siphons de sol, qui ont fait l’objet d’engagements de la part d’EDF, l’IRSN considère surtout que le référentiel de maîtrise du risque incendie et explosion est complexe, ce qui peut expliquer la difficulté des différents intervenants sur le terrain à se l’approprier et à le mettre en œuvre.

En matière de radioprotection, la période 2018-2019 s’est traduite par une dégradation d’une partie des résultats, dans la dynamique des années antérieures. En effet, une érosion progressive de la maîtrise des fondamentaux de radioprotection a été observée nécessitant la mise en place d’un plan important de redressement du management de la radioprotection par EDF. La dégradation d’une partie des résultats de radioprotection est toutefois à mettre en regard de la forte augmentation des activités de maintenance associées aux troisièmes visites décennales des réacteurs de 1300 MWe, mais surtout à celles des premiers déploiements des modifications relatives au quatrième réexamen périodique des réacteurs de 900 MWe. En effet, malgré la forte augmentation du volume d’activités, l’augmentation de la dose individuelle des travailleurs reste limitée et la majeure partie des travailleurs (60 %) enregistre toujours des doses comprises entre 0 mSv et 1 mSv.

L’analyse de l’IRSN a mis en exergue quatre causes principales d’événements significatifs, à savoir des défauts dans l’élaboration ou la prise en considération des analyses de risques, des défauts de signalisation ou d’accès à une zone orange ou rouge, et des défauts de port de dosimètres gamma et neutrons. Pour chacun de ces points, EDF a pris au cours de l’expertise des engagements satisfaisants ; l’IRSN estime qu’EDF devrait néanmoins compléter son plan d’actions relatif aux zones orange permettant d’assurer une évacuation rapide des déchets particulièrement irradiants.

Enfin sur cette thématique, EDF ayant engagé un très grand nombre d’actions afin d’en améliorer les résultats, l’IRSN considère qu’EDF doit maintenir ses efforts et sa vigilance. En effet, l’efficacité et la suffisance des dispositions retenues ne pourront être évaluées qu’au regard des résultats opérationnels qu’elles produiront
dans les années à venir ; cette évaluation devra tenir compte du fait qu’elles impactent de manière transverse l’ensemble des personnels intervenant sur les CNPE (agents EDF et personnels sous-traitants).

En matière d’environnement, l’IRSN a analysé les événements significatifs pour l’environnement (ESE) déclarés par EDF sur la période 2018-2019 et a fait une synthèse des nombreux constats relevés par l’ASN lors des inspections. De plus, l’IRSN a approfondi la thématique de pollution des nappes phréatiques, notamment au tritium, ainsi que la présence d’eau tritiée dans la double paroi de certains puisards.

Sur la période considérée, le nombre d’ESE a peu évolué se situant autour de 80 par an, les principales causes de déclaration étant toujours liées à une mauvaise maîtrise des rejets ou à des émissions de gaz à effet de serre.

À la suite des manquements relevés en inspection par l’ASN (inétanchéités des réseaux d’eau pluviales, volumes des bassins de confinement insuffisamment étayés, équipements des stations de surveillance environnementale dans un mauvais état, gestion imparfaite des substances dangereuses...), EDF a engagé un vaste programme relatif à la gestion, au contrôle et à la maintenance des installations, concourant ainsi à leur conformité.

À l’image des plans d’actions engagés dans le domaine de la sûreté, l’IRSN constate que, dans le domaine de l’environnement, EDF essaie de rattraper son retard dans le contrôle et la réfection des installations ; des efforts restant encore à consentir, même si des progrès manifestes ont été faits.

En ce qui concerne les problématiques de pollution des nappes phréatiques au tritium, l’IRSN a comparé les données accessibles via le Réseau national de mesures (RNM) avec les déclarations d’événements d’EDF. Au vu des enseignements tirés de son analyse, l’IRSN estime qu’il pourrait être opportun de réinterroger la pertinence des critères de déclaration d’événements, ainsi que l’actualisation des réseaux de piézomètres réglementaires des CNPE qui permettent d’évaluer l’impact des installations sur la qualité des nappes phréatiques.

Par ailleurs, deux événements de pollution des eaux souterraines (en tritium sur le CNPE du Tricastin et en hydrocarbures sur le CNPE de Cruas) ont retenu l’attention de l'IRSN dans son analyse, qui juge satisfaisantes les actions tirées des enseignements de ces événements par EDF.

Enfin, la présence d’eau tritiée dans la double paroi des puisards du CNPE de Civaux a amené l’IRSN à évaluer la démarche d'EDF pour expliquer ce phénomène. L'IRSN ne partage pas l'analyse d’EDF et considère que la gestion de ce type de situation pourrait être améliorée » [IRSN, 28/05/21].

Commentaire GSEN : l’IRSN souligne des « points de fragilité » sur les réacteurs EDF engageant l’entreprise « à reconquérir la conformité de ses installations », qui ne seraient donc pas conformes...