Quel est l’objectif essentiel d’ITER ?
Rappels Gazette de septembre 2011 - « Apporter des éléments de réponse à la question de la faisabilité scientifique et technologique de la fusion par confinement magnétique et ouvrir la voie pour le démonstrateur de viabilité, DEMO.
Rappelons que, pour que l'opération de fusion d'un noyau de deutérium et d'un noyau de tritium se réalise dans ce type d'installation, il faut des conditions très particulières : envoi d'un grand nombre d'atomes (la densité) l'un contre l'autre, avec la plus grande vitesse possible (la température) et pendant le plus longtemps possible (le temps de confinement). Avec ces trois paramètres a été défini un critère, le critère de Lawson, qui doit indiquer à partir de quand le système est censé fonctionner et produire plus d’énergie qu’il en consomme.
Ce qui a été testé sur les machines déjà réalisées c'est la possibilité d'améliorer un des trois paramètres, mais quasiment toujours au détriment d'au moins un des deux autres.
Aujourd'hui les responsables du projet au Commissariat à l'Énergie Atomique, assurent que la plupart des briques technologiques ont été validées sur ces diverses petites machines, et estiment que les risques technologiques se limitent à l'intégration de toutes ces briques. Leur enthousiasme aurait dû être modéré par la lecture d'un rapport présenté devant l'Académie des Sciences fin 2001 par leur ancien Haut-Commissaire Robert Dautray. Il explique que la fission a pu se développer grâce à "la linéarité des phénomènes" car "tous les problèmes scientifiques et techniques sont découplés par la linéarité et peuvent être étudiés à part et simultanément dans des installations modestes". Par contre "la fusion thermonucléaire, au contraire, est un phénomène fondamentalement non-linéaire, et ceci vis-à-vis de toutes les fonctions physiques en jeu... Il faut donc explorer les uns après les autres tous les niveaux de puissance, y découvrir de nouveaux phénomènes...".
Sa conclusion est "... pour le moment la fusion thermonucléaire ne peut pas encore être comptée avec certitude parmi les sources industrielles d'énergie... n'est-ce pas plutôt un sujet d'étude de physique important auquel il faut assurer un soutien constant, persévérant et à long terme, comme on le fait dans bien d'autres domaines de la physique dans le cadre général des recherches".
Cette famille de problèmes se heurte toujours à cette problématique. À un niveau de dimension de la machine donc de puissance, après de longs travaux de recherche, on arrive à obtenir des solutions permettant le fonctionnement. Mais lorsqu’on augmente la taille pour tendre vers la dimension critique de fonctionnement, des phénomènes perturbatifs qui, à l’échelle inférieure, étaient négligeables deviennent prépondérants et nécessitent de nouvelles et longues études pour parvenir à les maîtriser. C’est le propre des phénomènes non linéaires profondément turbulents.
Il est clair que, pour un physicien, c'est un sujet de recherche passionnant, mais il faut raison garder. Ce n'est pas demain que ce processus physique va contribuer au bilan énergétique de l'humanité ».
A propos des déchets
« Dans des présentations antérieures nous avions pu voir évoquée la notion de remplacement régulier de sections de l'enceinte, aimants compris, suite à l'érosion de cette paroi par divers effets bien connus et identifiés.
Nous avions pu voir que le taux de remplacement serait important, de l'ordre d'un cinquième ou un sixième par an. Chaque morceau présenterait une activité très élevée, et même si les éléments radioactifs présents ont des périodes courtes comparé à celles des transuraniens, leur accumulation au fil des ans ne serait pas sans poser problème. Il est généralement affirmé que l'activité serait revenue au niveau de la radioactivité naturelle au bout de 300 ans. Cette affirmation prêterait à sourire si elle n'était formulée par des scientifiques de haut niveau. Il est clair que ce sont les éléments de période radioactive d'une trentaine d'année qui sont les plus pénalisants. Cependant, pour ces éléments, 300 ans correspondent à 10 périodes, donc à une diminution de leur activité par un facteur 1024 (2 puissance 10). L'activité résiduelle dépend uniquement de l'activité d'origine et rien ne permet d'affirmer qu’elle serait négligeable ».
A propos des records de température du plasma
Il y a un effet physique important qui est généralement oublié lorsqu’un record est annoncé. En effet, qui dit température, dit vitesse des ions dans le plasma. Comme la dimension de la chambre à vide est finie, par construction, plus la vitesse augmente plus il va falloir forcer la courbure par le champ magnétique. Les lois de la physique sont féroces : si tu changes la trajectoire d’une particule électriquement chargée (ici le plasma), la conservation de l’impulsion produit une émission de photons gammas, le bremsstrahlung (en français le rayonnement de freinage), qui emporte une partie de l'énergie. On peut arriver ainsi à une limite où toute l'énergie supplémentaire injectée est émise par rayonnement. Sans compter que ce coquin de rayonnement va se farcir la paroi et faire de l’érosion (pulvérisation cathodique).