Dernière minute : le Patron reprend la main
Intersyndicale de l’IRSN (CFDT, CFE-CGC, CGT)
Communiqué de presse du 12 juin 2023
LE PROJET DE FUSION IRSN-ASN EST DE RETOUR !
Mardi 6 juin 2023, le député Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir, tous deux membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), ont procédé à une audition privée de l’intersyndicale de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Celle-ci a été réalisée dans le cadre de l’étude des conséquences du projet du gouvernement d’intégrer l’IRSN dans l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), commanditée par le Sénat à l’OPECST le 25 avril dernier et dont ils sont rapporteurs.
Le risque d’un retour du projet de fusion IRSN-ASN à l’issue de cette étude est bien réel, et l’intersyndicale craint que ce le soit quel que soit sa conclusion. L’intersyndicale appelle l’ensemble des salariés de l’IRSN, de l’ASN, des opérateurs nucléaires, les scientifiques qui travaillent sur les risques nucléaires et radiologiques, les parlementaires et les citoyens à la mobilisation.
UN GRAND ABSENT : LE DIAGNOSTIC DE L’EXISTANT
L’étude qui a été engagée par l’OPECST va permettre d’identifier les impacts du projet de fusion IRSN- ASN. Elle est insuffisante car elle ne traite pas le diagnostic du système existant de gouvernance des risques nucléaires et radiologiques, diagnostic qui n’a jamais été présenté. Son absence laisse de côté la question de l’opportunité de ce projet, ce qui est inacceptable. Comment justifier que la fusion IRSN- ASN puisse être la solution à des problèmes non définis ?
LA DISCRETION SOURCE DE SUSPICION
Le 8 février, la Ministre de la transition énergétique a annoncé son projet de démantèlement de l’IRSN par un communiqué de presse. Aujourd’hui, c’est la discrétion qui prévaut. Les auditions sont privées, les rapporteurs n’ont pas prévu d’auditions publiques, la liste des personnes auditionnées n’est pas accessible, les conclusions de l’étude seront présentées le 11 juillet en pleine période estivale. Cette discrétion fait naitre la suspicion.
FUSION = EXPERTISE DEGRADEE
Lors de son audition, l’intersyndicale a insisté sur le fait que l’intégration de l’IRSN dans l’ASN, autorité administrative indépendante, rendrait impossible la réalisation de certaines recherches menées actuellement par l’IRSN et réduirait l’attractivité des emplois proposés aux experts et chercheurs, avec à la clé une dégradation de la qualité scientifique de l’expertise :
les recherches et développements menés en partenariat avec les exploitants nucléaires et les industriels,
le pilotage ou la participation à des programmes de recherche européens et internationaux, notamment dans le domaine de la santé.
Inversement, le positionnement de l’expertise et de la recherche dans deux organismes distincts qui était prévu dans le projet initial du gouvernement, affaiblirait aussi la compétence d’expertise du fait de son éloignement de la recherche. C’est d’ailleurs la reconnaissance de ce risque qui a conduit le gouvernement à abandonner ce schéma.
FUSION = CREDIBILITE DE L’EXPERTISE DEGRADEE
Une expertise réalisée au sein de l’autorité de sûreté serait inévitablement considérée comme sous le contrôle de l’autorité de sûreté. C’est d’ailleurs un des objectifs affichés du projet du gouvernement que de supprimer les écarts entre avis d’expert et décision. Et c’est précisément ce positionnement qui est à l’origine des critiques auxquelles l’ANSES doit faire face actuellement.
La fusion entrainerait également une perte de transparence du processus de prise de décision : la traduction de l’expertise en décision étant réalisée au sein de l’autorité et les conclusions de l’expertise n’étant plus publiées avant la décision.
FUSION = CONCENTRATION DES POUVOIRS
Confier l’ensemble du processus qui va de l’expertise à la décision, à une autorité indépendante de l’état, dirigée par un président nommé pour 6 ans par le Président de la République, donnerait un large pouvoir à une entité unique, ce qui pourrait présenter des risques en fonction des personnes.
Dans le domaine de la santé, de nombreux travaux de l’IRSN ne sont pas liés à des décisions ASN. Les placer « sous contrôle de l’ASN » dégraderait leur crédibilité. Ceci conduirait également à une déstabilisation du partage des pouvoirs entre certaines administrations centrales (DGT, DGS, DGPR, Affaires étrangères) et l’autorité de sûreté qui aurait la maîtrise de l’expertise dont ces administrations ont besoin pour prendre leurs décisions.
FUSION = COMPLEXIFICATION DE L’EXPERTISE DE DEFENSE
Le flou le plus complet entoure le projet du gouvernement concernant l’expertise nucléaire de défense. Il serait pour le moins surprenant que l’Etat la confie à une autorité administrative indépendante. Mais la constitution d’une ASN-Défense disposant de capacités d’expertise propres conduirait à de trop nombreux doublons. Elle conduirait également à une perte progressive de la cohérence des approches de sûreté entre installations civiles et de défense, alors même que l’expérience acquise sur les réacteurs de propulsion des sous-marins doit bénéficier au développement des petits réacteurs modulaires (SMR).
LA SOLUTION : AMELIORER LE SYSTEME EXISTANT
Il apparaît légitime d’étudier les conséquences d’un projet de fusion IRSN-ASN. Mais il apparaît également légitime d’étudier le projet d’une amélioration du système existant. A cet égard, nous avons présenté 4 axes de réflexion aux rapporteurs : renforcement des moyens financiers et humains de l’IRSN et de l’ASN, reprises des expertises à caractère réglementaire par une ASN renforcée, mutualisation du centre de crise, meilleure coordination de certaines actions d’ouverture à la société.
La comparaison des bénéfices des projets Fusion IRSN-ASN versus Amélioration du système existant est nécessaire car ces bénéfices doivent être mis en regard du coût des deux projets. D’ores et déjà, il est certain que le coût de la fusion serait considérablement plus élevé que celui de l’amélioration, compte tenu de l’ampleur du chantier sur les plans technique, organisationnel, social. De plus, la déstabilisation de l’organisation (ASN et IRSN) entrainée par la fusion serait durable et ne manquerait pas de ralentir le programme de relance du nucléaire en France.
En conclusion nous avons la conviction que cette étude de l’OPECST sera utilisée par la Ministre pour justifier de présenter à nouveau son projet de fusion, et ce quelles que soient ses conclusions. Si tel est le cas, les salariés de l’IRSN seront à nouveau au rendez-vous !