Tribune
Pour un IRSN indépendant
8 septembre 2023
Après l’annonce du gouvernement en février 2023 de la mise en chantier du démantèlement de l'IRSN*, suivie du refus de ce projet par le Parlement courant avril, l'idée refait surface : absorption de l'IRSN par l'ASN** (Autorité de Sûreté Nucléaire), Le 12 juillet 2023 le rapporteur parlementaire, M. Piednoir, précise qu'une loi sera débattue en ce sens à la rentrée, avec pour objectif la création de l’AISNR, Autorité Indépendante de Sûreté Nucléaire et Radioprotection. Les salariés de l'IRSN, des experts du nucléaire, y compris l'ANCCLI et les CLI, de nombreux parlementaires, et les signataires de cet appel représentatifs de la société, sont opposés à ce projet injustifié et dangereux.
Trois anciens présidents de l'OPECST, de trois familles politiques différentes, jugent également sévèrement cette réforme qui intervient à un moment où les organismes impliqués dans la sûreté nucléaire doivent traiter un très grand nombre de dossiers complexes (EPR2, Cigéo, SMR, etc.). "Est-il sérieux de se lancer dans une modification aussi hasardeuse que profonde des liens entre expertise et décision, au moment même où notre pays a besoin d’avoir confiance dans ce « système », estiment-ils.
Le public et les associations environnementales sont-ils concernés par la disparition de l'IRSN ?
L'IRSN, créé en 2001 à partir de la fusion entre l'OPRI (Office de protection contre les rayonnements ionisants) et l'PSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire, au CEA) est le pôle de recherche et d'expertise nucléaire sur lequel l'ASN s'appuie pour accorder les autorisations nécessaires à la mise en œuvre et au fonctionnement du nucléaire civil en France. L'IRSN, structurellement indépendant de l'ASN, a entrepris de travailler suivant les normes scientifiques internationales, avec ouverture à la société civile et pratique de la transparence.
Indépendance, transparence et ouverture sont des qualités modernes que la société civile aimerait voir grandir au sein du monde nucléaire. Avec le projet de démantèlement de l'IRSN, elles risquent fort de disparaître avec l’objectif affiché de cette réforme qui est l'accélération des procédures pour la relance du nucléaire.
Pourtant :
• L'indépendance est la condition pour obtenir une expertise objective, juste et respectée, que ce soit dans le domaine de la sûreté ou dans celui de la radioprotection.
• La transparence est un facteur essentiel et reconnu pour une sûreté maximale.
• L'ouverture à la société devrait permettre d'obtenir sa confiance et aussi sa participation au niveau des expertises.
Démanteler une organisation qui a fait ses preuves depuis une vingtaine d’années représente un recul qui compromet « en même temps » la sûreté du nucléaire que les citoyens sont en droit d’attendre et la confiance que le public devrait avoir en elle.
Par ailleurs, l'IRSN est actuellement sous la tutelle partagée de ministères dont celui de la santé, contrairement à l'ASN. Or en ce qui concerne la santé publique, les effets des faibles doses de radioactivité sont reconnus : les études et expertises doivent encore se poursuivre sans tabous ni entraves pour rendre les normes plus protectrices.
Ce que nous proposons :
• L’indépendance institutionnelle de l’IRSN, institut public de recherche et d’expertise.
• Une transparence totale, avec un accès facilité aux documents concernant la sûreté nucléaire et la radioprotection.
• La prise en compte, y compris financière, de l’expertise académique hors du « système nucléaire », et de celle de l’expertise indépendante, y compris celle des associations environnementales
• Une ouverture au public en vue de consolider les expertises, les avis et la communication envers les citoyens.
Ainsi, la sûreté nucléaire et la radioprotection s'en trouveraient grandement améliorées.
L'IRSN ne doit pas être démantelé. La transparence ainsi qu'une ouverture réelle à l’expertise des académies et des organisations environnementales devraient être renforcées pour améliorer la sûreté actuellement douteuse des projets actuels de relance : EPR, piscines, CIGEO, prolongement des vieux réacteurs, fissures...
Les associations signataires :
GSIEN (Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire),
AMFPGN (Association des Médecins Français pour la Prévention de la Guerre Nucléaire)
EDA- Lille (Environnement Développement Alternatif)
ACEVE (Association pour la Cohérence Environnementale en ViennE)
LVZN, collectif Loire Vienne à Zéro Nucléaire
SCIENCES CITOYENNES
TCNA, transparence des canaux de la Narbonnaise.
ACRO, Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l'Ouest
Sortir du Nucléaire Bugey-Ionisos
Institut Momentum
Les signataires particuliers :
Dr Abraham Behar, MCU PH HON président de l’AMFPGN et ex coprésident de IPPNW ; Michel Brun, président du GSIEN ; Bernard Laponche, président de Global Chance ; Yves Cochet, mathématicien, ancien ministre de l’environnement Joël Guerry, membre associatif de la CLI Bugey-Ionisos et expert en énergies -environnement; Guillaume Blavette ; Dr Mariette Gerber, chercheur honoraire INSERM et expert ANSES ; Jean- Jacques Delfour, philosophe ; Dominique Boutin, biogéographe et expert au sein du GPE de l'ASN ; Jean-Marie Brom ; Patrick Maupin, juriste; Jacques Terracher, technicien expert en sûreté-sécurité; Laurent Rarat, ingénieur en traitement des eaux; Maryse Arditi ; Marc DENIS, Dr en Physique atomique et moléculaire ; Michel FEYRIT président du Groupe Aquitain de Recherche en Économie Prospective ( GAREP)..
*L'IRSN est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) fonctionnant sous un régime de droit privé via la tutelle conjointe des ministres chargés de la Défense, de l'Environnement, de l'Industrie, de la Recherche et de la Santé. L'IRSN est l’expert français en matière de recherche et d’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques.
**L'ASN devient en 2006 une autorité administrative indépendante française. Elle est rattachée au programme budgétaire « Prévention des risques » du ministère de l’Écologie.