Contribution de Global Chance à la consultation relative
à la mise en service du réacteur EPR de Flamanville (INB 167)
Août 2023
Mise à participation du public pour le projet de mise en service du
réacteur EPR de Flamanville (INB 167)
[ASN]
L'association Global Chance considère qu'en l'état actuel du dossier présenté sur le site de l'ASN et compte tenu des multiples problèmes, non résolus à ce jour, rencontrés lors de la construction de l'EPR, l'ASN ne doit pas accorder l'autorisation de mise en service du réacteur EPR de Flamanville sollicitée par EDF. Voici les raisons de cette position.
1. Les documents mis à disposition sur le site de l'ASN sont très volumineux (13 000 pages) mais sont globalement non pertinents pour permettre au public de formuler un avis raisonné. Les documents "grand public" n'ont aucun contenu technique sérieux. Les documents "techniques" sont pour beaucoup d'entre eux incompréhensibles en raison notamment de l'occultation récurrente de données : chiffres, phrases entières, tableaux, figures sont "effacés" sous prétexte que la divulgation de ces données porterait atteinte aux secrets protégés. Il eut été raisonnable d'adapter le contenu et la présentation des documents pour les rendre compréhensibles en dépit de l'occultation récurrente de certaines données. Les informations contenues dans les "Documents à consulter" sont anciennes, voire très anciennes. Il n'est pas fait mention, par exemple, des résultats de la "grande visite" conduite par l'ASN au printemps 2023. Le public attend des réponses aux problèmes dont il a eu connaissance au cours de la construction du réacteur.
2. La construction de l'EPR de Flamanville a fait face à de très nombreux problèmes qui ont entraîné un retard considérable de la mise en service (17 ans au lieu de 5 prévus, si la mise en service s'avère possible en 2024) et une augmentation du coût vertigineuse (multiplication par 6 du coût initial de 3,3 milliards d'euros). Les "Documents à consulter" n'informent ni sur les nombreux problèmes rencontrés, les demandes et les réactions des autorités au cours du chantier (IRSN, ASN, Cour des Comptes, etc.), ni sur les solutions qu'EDF a mis en œuvre pour le "traitement des écarts". Les réponses lénifiantes aux questions de l'Autorité environnementale ("Mémoire de réponse d'EDF à l'Avis de l'Autorité environnementale"), sont loin de répondre aux attentes du public. Soulignons que l'Avis de l'Autorité environnementale ne figure pas dans la liste des "Documents à consulter".
3. Les questions liées à la cuve sont les premières qu'il convient d'évoquer parmi les nombreuses malfaçons constatées au cours de la construction du réacteur. L'ASN a donné son accord pour l'utilisation de la cuve en l'état mais a prescrit le changement du couvercle de cuve en 2024. La mise en service du réacteur ayant été retardée jusqu'en 2024 au mieux, le nouveau couvercle sera alors disponible et devrait donc être installé avant la première divergence du réacteur, comme Global Chance l'a proposé lors de la consultation "Mise en service et utilisation de la cuve du réacteur EPR" (du 13 au 20/04/2023). Mettre en service le réacteur en utilisant le couvercle de remplacement permettrait de recycler facilement l'ancien couvercle, non irradié, et d'éviter les risques d'exposition aux rayonnements des travailleurs. Outre la poursuite d'une situation risquée l'argument économique ne tient pas car il sera plus long et plus cher de remplacer un couvercle irradié.
4. Divulguée par l'ASN le 21 octobre 2021, la détection de fissures sur les circuits d'injection de sécurité et de refroidissement à l'arrêt de plusieurs réacteurs en service a entraîné la mise à l'arrêt de ces réacteurs. Les fissures seraient dues à un phénomène de "corrosion sous contrainte", terme générique qui englobe nombre de facteurs : caractéristiques et sollicitations du matériau, nature du fluide, géométrie, etc., comme Global Chance l'a montré ("Fissures dans des circuits de sauvegarde de réacteurs du parc nucléaire d'EDF - Une analyse historique" - mai 2022). A ce jour aucune explication, donc aucune parade certaine, n'est proposée pour éviter l'apparition de fissures dans les circuits concernés. Il n'est pas raisonnable de mettre en service le réacteur EPR de Flamanville avant d'avoir éclairci cette question.
5. L'EPR de Flamanville est censé bénéficier de l'expérience de trois réacteurs EPR mis en service au cours des cinq dernières années (première divergence de Taishan 1 en 2018, de Taishan 2 en 2019, d'Olkiluoto 3 en 2021). Le retour d'expérience (REX) relatif à ces trois réacteurs est commenté en une page et demie dans le "Mémoire de réponse d'EDF à l'Avis de l'Autorité environnementale" cité, sans le moindre approfondissement des problèmes rencontrés et sans qu'un début de solution appliquée à l'EPR de Flamanville ait été proposée. De plus, le problème majeur qui affecte Taishan 1, à l'arrêt depuis janvier 2023, très vraisemblablement l'oxydation et la desquamation des gaines de crayons combustible (type M5), n'est pas évoqué alors qu'a priori les mêmes crayons constituent le cœur de l'EPR de Flamanville. Le risque est grand de devoir arrêter l'EPR de Flamanville si la nature de la gaine n'est pas modifiée.
6. Les vibrations hydrauliques constatées sur le réacteur Taishan 1 ont pour conséquence l'inétanchéité des gaines de certains éléments combustibles, problème évoqué dans le "Mémoire de réponse d'EDF à l'Avis de l'Autorité environnementale" mais sans présentation de solution convaincante. Cela se traduit par une évolution inquiétante des paramètres radiochimiques. L'arrêt prolongé de Taishan 1 depuis janvier 2023 a peut-être aussi à voir avec la dégradation de la gaine par usure mécanique due à la rupture des ressorts de maintien. Ne pas explorer et mettre au clair cette anomalie expose l'EPR de Flamanville a un arrêt prolongé à courte échéance après sa mise en service.
7. Une erreur de conception du fond de cuve de l'EPR est à l'origine des vibrations hydrauliques. Au-delà de l'usure mécanique des gaines notée ci-dessus, ces vibrations entrainent un phénomène localisé de frottement d'éléments combustibles sur l'enveloppe métallique entourant le cœur et des fluctuations neutroniques qui induisent des contraintes dans le mode de pilotage du réacteur. La conjonction des deux systèmes de pilotage, interne au cœur et extérieur à la cuve, s'avère difficile. L'exploitation normale du réacteur est alors très délicate en raison de l'abaissement des seuils de protection et de surveillance du cœur (arrêts fréquents, nécessité de baisser la puissance de fonctionnement, etc.). Une solution destinée à améliorer l'écoulement hydraulique en entrée du cœur est en cours de développement La mise en place de l'équipement envisagé après une première période d'exploitation de l'installation, alors irradiée, s'avèrera très difficile, voire impossible. Le risque de devoir arrêter définitivement l'exploitation du réacteur bien avant sa durée de vie nominale (60 ans) est élevé. La mise en place du nouveau dispositif avant la divergence du réacteur serait un gage de longévité de l'EPR de Flamanville.