Contribution à la consultation relative sur l’EPR de Flamanville
NON A LA MISE EN SERVICE
Patrick MAUPIN [GSIEN], Membre du directoire Energie FNE, 10/09/2023
Après examen attentif des documents mis en ligne par l’ASN et compte tenu des nombreux problèmes de construction du réacteur sans solution à ce jour, l’ASN ne doit pas donner un avis favorable à la mise en service de l’EPR. Cet avis est basé sur les arguments suivants :
1 - Sur la forme et sur le fond
Le site de l’ASN annonce « Le projet étant soumis à évaluation environnementale, l’avis de l’Autorité environ-nementale, le mémoire d’EDF en réponse à cet avis et les avis des collectivités territoriales concernées par le projet sont également consultables sur le site Internet de l’ASN. »
Pour autant, si le mémoire d’EDF en réponse à l’avis de l’Autorité environnementale est bien en ligne, celui de l’Autorité environnementale n’est pas présent ce qui oblige les participants à la contribution d’aller sur le site de l’AE pour y trouver cet avis générant ainsi une démarche supplémentaire peu propice à la facilitation de la participation du public.
Par ailleurs, le volume des documents mis en consultation (plus de 13000 pages) n’ouvre pas au public l’accès à des informations pertinentes lui permettant de donner un avis argumenté du fait de l’occultation de très nombreuses données (chiffres, tableaux, figures, etc..) sans doute au motif de la protection de la sécurité publique ou du secret des affaires.
Dès lors la régularité du contenu du dossier de consultation doit être interrogée au regard des dispositions relatives au droit à participation du public tel que fixé par l’article L.120-1 du code de l’environnement qui précise :
II. - La participation confère le droit pour le public :
1° D'accéder aux informations pertinentes permettant sa participation effective ;
2 - Sur le fond
1° Les documents mis en consultation comportent un certain nombre d’insuffisances qui ne permettent pas au public d’avoir une vue exhaustive ni sur les problèmes rencontrés dans la construction de l’EPR ni sur la façon dont l’exploitant a pu ou non mettre en œuvre des solutions pour traiter les écarts de conformités.
2° Une incertitude demeure sur le couvercle de cuve souffrant de plusieurs malfaçons et dont l’ASN avait prescrit le changement avant décembre 2024.
La mise en service du réacteur ayant été repoussée en 2024, l’ASN par décision n° 2023-DC-0760 du 16 mai 2023 a autorisé le changement du couvercle après la mise en service du réacteur ce qui devrait conduire à un supplément de dose collective estimé à 200 H.mSv, et à ce que le couvercle actuel devienne un déchet radioactif.
(...)
4° Les avis de l’IRSN rendus conformément à la saisine de l’ASN notamment les avis 2022-00154 du 21 juillet 2022, 2023-00108 du 3 juillet 2023 et 2023-00112 du 17 juillet 2023 comportent de nombreuses réserves sur l’impact du REX des essais physiques des premiers EPR sur la démonstration de sûreté.
(...)
Pour les soupapes de sûreté du pressuriseur qui ont fait l’objet de plusieurs avis en 2016, 2018 et 2022, l’IRSN soulève dans son avis 2023-00108 du 3 juillet 2023 de nouvelles exigences au regard de l’évènement survenu sur un autre réacteur EPR, en l’occurrence celui d’Olkiluoto bien que non cité dans l’avis, ayant mis en évidence la présence de dépôts de bore dans les internes des pilotes électriques.
Ainsi alors qu’EDF s’était engagé à effectuer une inspection des pilotes mécaniques des soupapes de sûreté lors du 2e arrêt pour rechargement du réacteur, l’IRSN presse EDF « d’anticiper cette inspection au premier arrêt pour rechargement et l’étendre à l’ensemble des composants de la soupape pilotée afin notamment de s’assurer de l’absence de dépôt de bore ».
En conclusion de cet avis et même si « EDF a apporté des éléments étayés et pertinents afin de mieux caractériser les effets thermiques sur la variation de la pression d’ouverture d’une soupape de sûreté du pressuriseur » l’IRSN estime que « ces éléments devront être corroborés par des essais à fuite calibrées qu’EDF s’est engagé à réaliser en 2025. »
Dès lors, et au final, alors même que l’IRSN reconnaît que :
- le report de la date de changement de couvercle après la mise en service du réacteur va conduire à un supplément de dose collective estimé à 200 H.mSv,
- certains écarts sont la conséquence d'« une anomalie de conception du plenum inférieur des cuves des réacteurs de type EPR »,
- la preuve de la fiabilité de certains éléments ne pourra être apportée que par des essais « qu’EDF s’est engagé à réaliser en 2025. » soit là aussi après la mise en service du réacteur,
on ne peut au regard des enjeux de sûreté que représente l’EPR de Flamanville et du retour d’expérience des difficultés qui affectent les EPR déjà installés que donner un avis défavorable à la mise en service de cet EPR.