Énième report de la mise en service de l’EPR de Flamanville 3
En juin 2022, EDF avait encore espoir de coupler le réacteur sur le réseau électrique « au deuxième semestre 2023 » [Sud-Ouest, 13/06/22]. Six mois plus tard, « EDF ajuste le calendrier du projet de Flamanville 3 : le chargement en combustible nucléaire du réacteur est désormais planifié au 1er trimestre 2024 » [EDF, 16/12/22].
Les raisons de ce retard supplémentaire ? Dans un de ces Avis, l’IRSN mentionne un « écart, déclaré par EDF en septembre 2019, relatif au non-respect des plages de températures spécifiques lors de traitements thermiques de détensionnement (TTD) de soudures d’équipements sous pression nucléaires réalisés par un dispositif de chauffage local composé de moufles équipés de résistances électriques ».
A quoi sert un traitement thermique de détensionnement après soudage ? Le soudage génère des contraintes dans le métal des deux pièces assemblées. Le TTD, quand il est correctement réalisé, permet de réduire le niveau des contraintes résiduelles de soudage et d’ajuster les propriétés mécaniques dans le métal fondu et la zone affectée thermiquement (Voir illustration ci-contre). On obtient alors un bon compromis entre résistance mécanique et ténacité. Or, sur certaines soudures, le non-respect des températures de TTD a engendré des contraintes résiduelles supplémentaires plutôt que de relaxer celles induites par le soudage. Des mesures réalisées sur maquettes par Framatome ont révélé que les températures du TTD n’étaient pas toujours homogènes et qu’elles pouvaient être soit supérieures (sur-TTD) soit inférieures (sous-TTD) au requis.
« Les équipements concernés sont :
pour le parc en exploitation, les joints soudés de certains générateurs de vapeur (GV) et des soudures de raccordement des circuits ARE [Alimentation en eau des GV] et VVP [Tuyauterie de vapeur principale] aux tubulures des GV ;
pour l’EPR de Flamanville 3 (EPR FA3), certains joints soudés des GV et du pressuriseur, ainsi que des soudures des tuyauteries du circuit secondaire principal (CSP) » [IRSN, 14/06/23].
A noter, que l’imprévu phénomène de fissuration de Corrosion sous contrainte (CSC) de tuyauterie en acier inoxydable sur le parc de réacteurs français en fonctionnement s’est développé dans la zone affectée thermiquement par le soudage de ces tuyauteries [Cf. Gazette n° 296].
Sur l’EPR de Flamanville, un sous-TTD a été mis en évidences sur près de 200 soudures et un sur-TTD sur une cinquantaine d’autres. Selon l’IRSN, « la présence d’un phénomène de Vieillissement sous déformation (VSD) significatif après TTD du matériau d’apport pour la réalisation de ces soudures a été constatée. Ceci peut conduire à des modifications des propriétés mécaniques des soudures des tuyauteries ARE, notamment à un décalage de la température de transition fragile-ductile en cas de "sous-TTD" ».
Lors du « programme expérimental de caractérisation, EDF a mesuré un décalage maximal de 46°C de la courbe de transition ».
« EDF constate que le VSD est un phénomène réversible et qu’il pourrait être réduit par une reprise de TTD, y compris après un laps de temps important depuis la réalisation des soudures. Ce résultat a été constaté sur les quatre soudures déposées de tuyauteries VVP et considérées comme représentatives des soudures des tuyauteries ARE. Dans le cas des soudures des tuyauteries ARE identifiées en "sous-TTD", une reprise de TTD peut être envisagée compte tenu de son effet favorable, ce dont convient l’IRSN.
À l’issue de son analyse, l’IRSN considère que le décalage de 46°C retenu dans les hypothèses des analyses de mécanique est conservatif, les incertitudes liées à la mise en œuvre du procédé de soudage industriel et au nombre limité de résultats du programme d’essai n’étant pas susceptibles de remettre en cause cette valeur. En outre, l’IRSN considère que l’ensemble des résultats acquis par EDF permet de démontrer l’efficacité d’un nouveau TTD afin d’atténuer voire de supprimer l’effet du VSD, pour les soudures des tuyauteries ARE en "sous-TTD" » [IRSN, 7/07/22].
Le report du démarrage de Flamanville 3 s’explique principalement par le nombre important de soudures où le traitement thermique de détensionnement doit être refait afin de tenter le réduire le vieillissement sous déformation significatif constaté...
En octobre 2023, le réacteur est dans la phase des essais avant démarrage. La première divergence est prévue à l’été 2024.