Relance du nucléaire
Ces
deux annonces du Conseil de politique nucléaire qui vont susciter de
grands débats (Ndf : Sic !...)
Ouest-France, 20/07/2023
Le gouvernement entend accélérer sur le renouveau du nucléaire en France. Mais va devoir répondre aux inquiétudes en faisant le choix d’un site sans accès à la mer pour accueillir de futurs réacteurs nucléaires de nouvelle génération, et en relançant l’absorption de l’IRSN par l’Autorité de sûreté nucléaire.
Cinq mois après un premier Conseil, le président de la République, Emmanuel Macron, a tenu mercredi 19 juillet un nouveau Conseil de politique nucléaire. Objectif, accélérer depuis son discours de Belfort en 2022 lors duquel il avait annoncé quatre axes : la poursuite d’exploitation des réacteurs existants, la construction de 6 nouveaux réacteurs de type EPR2, l’étude de petits réacteurs modulaires et innovants (SMR), et la volonté de disposer d’une filière souveraine sur l’ensemble du cycle du combustible.
Mercredi 19 juillet, de nouvelles décisions ont été prises, dont deux qui ne devraient pas manquer de faire réagir les partenaires sociaux et les organisations environnemen-tales.
La réforme de l’expertise en sûreté nucléaire relancée
Le Conseil a remis sur la table sa volonté de faire fusionner l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN, en charge de l’expertise sur la sûreté nucléaire) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN, en charge de la sûreté nucléaire civile). Une idée que le gouvernement avait tenté d’introduire par surprise en février via un amendement dans le projet de loi sur l’accélération du nucléaire. La loi a été promulguée entre-temps, mais cet amendement avait été retoqué par le Parlement en avril, qui s’inquiétait pour l’indépendance de la recherche sur le nucléaire.
Mais le gouvernement s’appuie désormais sur un rapport de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (l’OPECST) conduit par des parlementaires LR et Renaissance pour remettre son idée sur la table. Il espère un projet de loi dédié à l’automne, et reprend désormais les concertations avec les parties prenantes et les parlementaires.
L’intersyndicale de l’IRSN ne se dit « pas du tout rassurée » par ce rapport, alors que les complexes enjeux autour du nucléaire nécessitent indépendance et transparence. Les avis de l’IRSN étaient publiés au fil de l’eau. Au cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, on assure que « le public aura autant d’informations. Mais il peut y avoir une discussion sur le calendrier d’expertise, il y a une logique de concomitance entre la publication de la décision et la publication de l’avis de l’expertise. »
Le site du Bugey pour accueillir de futurs EPR2
Autre annonce d’envergure : le choix du troisième site qui accueillera une paire de réacteurs nucléaires de nouvelle génération, les EPR2. Le programme de construction de ces six EPR2 devrait coûter au moins 52 milliards d’euros, alors que l’EPR de Flamanville n’est toujours pas achevé et enchaîne retard et surcoûts. Le site de Penly (Seine-Maritime) était déjà connu. « Les différents textes d’application de la loi [sur l’accélération du nucléaire] sont en cours de déploiement afin de tenir le calendrier prévu pour le lancement des travaux à Penly à l’horizon 2025 », indique l’entourage de l’Élysée. Celui de Gravelines (Nord) était le deuxième.
Le troisième se jouait entre Le Tricastin (Drôme) et Bugey (Ain). Le Conseil de politique nucléaire a finalement décidé de retenir celui de Bugey. « La localisation de la première phase du programme de construction d’EPR2 est ainsi désormais arrêtée. Les études techniques et les analyses se poursuivront sur le site de Tricastin dans la perspective d’accueillir de futurs réacteurs nucléaires. »
Ces deux départements se trouvent en région Auvergne Rhône Alpes. Certains élus y voient de fortes perspectives pour l’emploi, quand les élus écologistes qui dirigent la métropole de Lyon s’opposent à ce projet, craignant son impact sur l’eau.
Le site de Bugey serait le premier site nucléaire destiné à accueillir des EPR2 sans être en bord de mer. Or la centrale a récemment été soumise à des restrictions de production en raison de la sécheresse. Ce projet est-il tenable à l’heure du réchauffement climatique ? Le cabinet de la ministre assure qu’un grand travail a été mené par EDF et les autorités de sûreté pour prendre en compte la question de l’approvisionnement en eau face à ces enjeux.
Future loi de programmation énergie climat
Par ailleurs, la ministre annonce vouloir renforcer « de plusieurs centaines de personnes » et « un renouvellement des installations de recherche de la branche nucléaire civil du Commissariat à l’Énergie Atomique qui jouera un rôle central dans l’animation et le pilotage de la recherche ». Et des investissements de l’État et de la filière pour « finaliser la construction du réacteur de recherche Jules Horowitz, afin que la France dispose de cette nouvelle installation opérationnelle à l’horizon 2032-2034. Ce réacteur permettra à la fois d’appuyer la recherche sur la prolongation de la durée de vie du parc existant, sur les EPR2, mais aussi pour les petits réacteurs modulaires (SMR). »
Tout cela se déroule alors que se préparent par ailleurs la programmation pluriannuelle de l’énergie et la future loi de programmation énergie climat, pour laquelle « sept groupes de travail ont fait une première salve de recommandations le 4 juillet », selon Agnès Pannier-Runacher [Ouest-France].
Drosophila Lutetia
Insecte s’étant installé à demeure dans le quartier de l’Élysée
Commentaire GSIEN : les sites de Penly, Gravelines et Bugey ont été retenus pour les six premiers EPR 2 et celui de Tricastin tient semble-t-il la corde pour l’implantation de deux autres réacteurs. Mais nous ne savons pas quelle mouche a bien pu piquer le Président de la République lorsqu’il « a envisagé (...) l'installation de réacteurs nucléaires EPR sur le bassin de Marseille-Fos, appelant à "se poser cette question sans tabou", face aux besoins supplémen-taires en énergie du port marseillais pour ses projets en cours, équivalents à quatre à cinq gigawatts » selon Monaco-Matin. Cette idée n’a pas eu l’air d’enthousiasmer tant que ça le maire actuel de Marseille : « Il suffit de regarder une carte pour comprendre qu'ici il n'y aura pas la possibilité de construire un EPR. On est en zone submersible, en zone sismique, s'il y a un endroit en France où on ne pourra pas faire un EPR, c'est à Marseille » [Monaco-Matin, 28/06/23].
Henri Proglio, l’ancien patron d’EDF (2009/2014), a présenté un exposé sur « L'avenir de la filière nucléaire française » en mars 2023 lors d’un colloque organisé par la fondation Res Publica. Nous vous passerons le laïus de ce disciple de l’atome, partisan de la prolongation des réacteurs jusqu’à 60 ans et farouche opposant aux énergies éolienne et solaire. Il étrille au passage l’économie de marché, une politique qui a conduit à la surchauffe planétaire : « La doctrine européenne repose sur un dieu, un veau d’or : la concurrence, le bonheur des peuples par la concurrence. "La liberté par le travail", proclamait-on en des temps tragiques, aujourd’hui, c’est le bonheur par la concurrence … tant il est évident que le monopole fait le malheur des populations ! ».
Son avis sur la relance du nucléaire est des plus nuancé : « Nous pouvons gagner vingt ans en étendant la durée de vie du parc. Nous ne voulons pas construire de nouveaux EPR avant d’en avoir besoin. D’abord j’aimerais que l’EPR 2 soit validé. Nous avons eu tous les malheurs de la terre avec l’EPR. L’EPR 2 finira-t-il par tirer les conséquences de tout ce qui a été mal fait sur l’EPR ?
Mais comment concevoir la France isolée dans le monde aujourd’hui ? J’éprouve une certaine angoisse au seul exposé de ce sujet. Je ne sais pas comment nous allons y arriver. Certes on peut claironner : Nous allons construire 8, 12, 24 … 36 centrales ! Ceux qui s’en prévalent ne seront plus en poste quand on coulera le premier béton. Ils peignent les murs en rose ! Le sujet n’est pas là. Le sujet c’est d’avoir des gens qui assument la durée, qui assument des plans dans cette industrie de cycle très long. Ce sont des investissements très lourds » [Proglio, 29/03/23]. Sans commentaire GSIEN...