Mai 2024 •

Conclusion

Le chemin de la certification des SMR sera long et coûteux en termes de R&D afin de démontrer la faisabilité des solutions techniques innovantes et la sûreté des réacteurs. Viendrait ensuite le temps de constructions des prototypes et de leurs mises en service industrielles. En toute logique, ce n’est qu’après le retour d’expérience des prototypes que pourrait être envisagée la construction d’usines de fabrication en série des modules composant les SMR, si tant est que les carnets de commande soient suffisants pour amortir les investissements dans d’éventuelles usines à SMR.

Quelques projets de SMR sans ruptures technologiques majeures comme les modèles à eau sous pression pourraient voir le jour sur des sites nucléaires existants (Nuward à Marcoule ?), il faudra qu’ils prouvent d’abord leur sûreté et ensuite leur compétitivité pour être déployés en masse.

Olivier Gupta, directeur général de l’ASN a déclaré devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) : « Nous avons été conduits à évoquer la question des petits réacteurs au cours d’auditions récentes et je voudrais ici en profiter pour dissiper toute ambiguïté. Trois principes fondamentaux s’appliquent à l’ensemble des réacteurs.

Le premier concerne la responsabilité première de l’exploitant. Il ne suffit pas de respecter des règles fixées par l’autorité. L’exploitant doit d’abord proposer une installation sûre et en apporter la démonstration.

Le deuxième principe porte sur l’exigence d’un haut niveau de protection des personnes et de l’environnement pour les réacteurs, mais aussi pour les usines de fabrication et de retraitement de leurs combustibles, ainsi que pour la gestion des déchets. L’ASN ne fera pas de compromis sur ce point.

Le troisième principe, extrêmement important, a trait aux règles de transparence, qui sont bien plus exigeantes que dans le reste de l’industrie.

Cela étant, ces réacteurs innovants posent naturellement des questions spécifiques, qui appellent des réponses elles aussi spécifiques. La première concerne le niveau de sûreté attendu. La différence essentielle entre les gros et les petits réacteurs porte sur les sites d’implantation. Les petits réacteurs ont vocation à être implantés sur des sites industriels, qui sont parfois bien plus proches de zones densément peuplées que ne le sont les gros sites nucléaires aujourd’hui. Il est inenvisageable d’évacuer la population dans de telles zones, contrairement à ce qui est prévu aujourd’hui dans les plans d’intervention autour des sites nucléaires. Dès lors, les démonstrations de sûreté de ces réacteurs doivent fournir la preuve que les rejets restent négligeables. De ce point de vue, les petits réacteurs ont des caractéristiques favorables, mais encore faut-il le démontrer de façon rigoureuse. Ici, l’une des difficultés porte sur le moindre retour d’expérience sur ces technologies. Les deux conditions pour la sûreté sont donc la réduction des conséquences des accidents à proximité des zones densément peuplées et la rigueur des démonstrations attendues à cet effet » [senat.fr].

Nous avons montré que Nuward génèrerait plus de déchets radioactifs qu’un EPR à énergie produite équivalente. Ce n’est pas un cas isolé comme le fait remarquer le ministère des finances allemand dans un rapport publié en 2022 sur les SMR « Certains promoteurs ont affirmé que les SMR produiraient moins de déchets radioactifs, ce qui semble faux. Certains chercheurs pensent même que les SMR produiraient plus de combustible nucléaire usé (SNF) et peut-être plus de déchets radioactifs » [bmk.gv.at].

Pour les modèles dits avancés (AMR) de « génération VI », leur déploiement industriel éventuel n’est pas prévu pour demain. Emmanuelle Galichet, enseignante en sciences et technologies nucléaires au Conservatoire des arts et des métiers (CNAM), est présentée comme « une enseignante au service de l’atome » par la Sfen [Sfen, 15/01/24].

Madame Galichet a réalisé une conférence en janvier 2024 sur « L’énergie nucléaire : quelles solutions pour le futur? ». Dans un des slides présentés lors de sa conférence, elle évoque ce que pourrait être « Le futur proche » et « Le futur lointain ». Le déploiement des modèle de 4ème génération n’interviendrait qu’à l’orée des années 2080 ! (Cf. page suivante) [Galichet, 2024].

Bien qu’équipés de réacteurs de petite puissance, certains projets de SMR révèlent des installations de grandes dimensions. Nous avons résumé dans un tableau (page suivante) les principales données des quelques SMR étudiés dans ce dossier.

Le mot de la fin avec Raymond : le CEA lançât le programme Thermos (SMR de 100 MWth), dans la seconde moitié des années 1970. A cette époque, était à l’ordre du jour la rénovation de la centrale de chauffage du site de Saclay (CENS), d’où l’idée de la remplacer par un réacteur Thermos.

En ces temps héroïques, il y avait de nombreuses têtes pensantes à Saclay. Le résultat de leur réflexion fut le suivant. Si on remplace la centrale à fioul par un Thermos, pendant les périodes de changement de combustible nucléaire, les périodes de révisions périodiques, les pannes … on va se geler les fesses sur le site. Donc il faut, en plus, maintenir en état de marche l’ancienne installation. Le bilan financier du projet le fit capoter en 1981. Combien de la centaine de projets existants dans le monde finiront comme Thermos ?

Galichet, 2024

Caractéristiques principales de SMR
en exploitation, en construction et en projet
en regard d’un réacteur de Tricastin

Centrale

Akademik

Shidaowan

Site d’Atucha

Linglong

PDEC

Marcoule ?

?

Tricastin

Pays

Russie

Chine

Argentine

Chine

Russie

France

USA

France

Réacteur

KLT-40S

HTR-PM

Carem 25

ACP 100

BREST

Nuward

NuScale

W*

Type

REP

HTGR

REP

REP

LMFR

REP

REP

REP

MWth

2x150

2x250

100

385

700

2x540

250

2785

MWe

2x30

200

25

100

300

2x170

73,6

915

Rendement

20%

40%

25%

26%

42,6

31,5%

29,5%

32,9

Densité surfacique de puissance (en m2/MWe) de chaque modèle

Ilot nucléaire

70

17

/

150

21

19,1

11

5,7

Site

203

560

1200

900

1333

265

317

150

* Westinghouse

Source : Gazette nucléaire n° 302 – Mai 2024