Mai 2024 •

SMR 2 : Projet NAAREA

Fondée en 2020, la startup NAAREA développe un projet de microréacteur à neutrons rapides refroidi au sodium « capable de produire quelques dizaines de mégawatts » [naarea.fr]. Renaissance de la filière abandonnée ou baroud d’honneur ?

On ne trouve aucune référence de ce projet de réacteur dans la publication 2022 de l’AIEA sur les SMR. Le rapport 2024 de la NEA mentionne une puissance thermique « 80 MWth » pour le réacteur NAAREA. La nature du combustible n’est pas communiquée (« undisclosed »). Son tableau de bord révèle un développement em-bryonnaire [NEA/OECD, 2024].

Tableau de bord Nuward
NEA/OECD, 2024

Le manque d’information technique diffusée au public est criant. Toutefois, Jean-Luc Alexandre (PDG de NAAREA) a dévoilé quelques indications techniques à Sciences et Avenir : « le cœur du réacteur est de la taille d'une machine à laver » ; « Notre petit réacteur de 40 mégawatts électriques occupera un volume équivalant à un conteneur de la taille d'un autobus ».

Côté sûreté, « Nous avons conçu notre réacteur pour qu'il soit toujours dans un "état sûr", et si ce n'est pas le cas, qu’il y revienne de manière passive ». La sûreté serait toujours assurée sauf quand elle ne le serait pas...

Monsieur Alexandre estime que son réacteur « peut être installé dans n’importe quelle usine ou îlot industriel sécurisé - répondant aux normes de sécurité Seveso » [Sciences et Avenir, 5/10/23]. Un réacteur ne serait donc plus une Installation nucléaire de base (INB) ?

Machine à lessiver le pognon de France 2030

Dans le rapport parlementaire de décembre 2023 cité plus haut, « les rapporteurs se sont interrogés sur le besoin (...) de sensibiliser la population à la possibilité que des installations nucléaires soient un jour implantées à proximité de zones industrielles ou densément peuplées. Après réflexion, il leur a semblé qu'une telle démarche d'installation serait prématurée, car il reste à ce jour trop d'inconnues sur les conditions dans lesquelles, en termes de sûreté nucléaire et de radioprotection, mais aussi de sécurité, ceci pourrait être envisagé » [senat.fr].

Mais NAAREA y croit tout de même. Voici quelques perles trouvées dans le dossier de presse de NAAREA : « L’usine de production pourrait produire les premiers micro générateurs dès 2027 et augmenter la production progressivement pendant 5 ans jusqu’à atteindre une capacité de production de 50 GW par an » soit 1250 réacteurs de 40 MWe... L’usine serait construite avant même le réacteur de démonstration car la startup ambitionne « une mise en service du prototype d’ici à 2028. NAAREA vise une production en série à l’horizon 2030 ». [Naarea – Dossier de presse, Janvier 2024].

L’usine aurait donc une capacité de production de 50 GWe par an à partir de 2033 alors qu’un rapport de la NEA (Nuclear energy agency) estimait en 2016 que « Dans le scénario le plus optimiste (...), jusqu'à 21 GWe de SMR pourraient être déployés en 2035, ce qui représente environ 3 % de la capacité nucléaire totale installée dans le monde » [NEA, 2016]. En cette année 2024, les SMR en exploitation totalisent 0,26 GWe et ceux en construction 0,425 GWe avec des mises en services prévues aux alentours de 2026/2027 comme nous le verrons plus loin dans ce dossier. Avec quelques années de recul, le scénario 2035 de la NEA apparait réellement très optimiste. Que dire alors du scénario de NAAREA de 50 GWe de production annuelle à partir de 2033 ?

Selon la plaquette de communication de NAAREA, le réacteur serait une merveille de technologie, il ne tomberait jamais en panne : « intégralement contrôlable et pilotable à distance 24h/24h, 7j/7j ». Aucun opérateur ou technicien ne serait présent sur site pour assurer son exploitation ? [Naarea – Dossier de presse, Janvier 2024].

L’ASN explique ce nouveau concept de projet de réacteurs « autonomes » « sans personnel d’exploitation sur site :

  • Pilotage uniquement par des automates ;

  • Flotte de réacteurs autonomes avec une salle de supervision centralisée (télésurveillance / pas de téléopérassions) » [HCTISN/ASN, 28/03/24].

Sans personnel sur place, comment alors faire face par exemple au risque de feu de sodium inhérent à cette filière de réacteur ? Rappelons que le sodium liquide s’enflamme au contact de l’air. Comme l’explique EDF dans ses « conclusions pour les futurs RNR-Na » (Réacteurs à neutron rapide refroidis au sodium) : « on ne lutte pas contre le feu : il n’y a aucun moyen de lutte. Ce ne sont donc pas les pompiers ou l’équipe de 2ème intervention qui jouent le rôle essentiel (qu’on leur prête, à juste titre, pour les feux classiques), mais l’opérateur qui lance l’opération de vidange du circuit concerné : c’est lui qui joue le rôle le plus important en matière de sûreté ».

Et c’est aussi le personnel sur site qui peut discriminer une alarme réelle de fuite de sodium d’une alarme intempestive. « Le premier moyen de « lutte » est donc la vidange. Les circuits de vidange des futurs RNR-Na devront donc comporter des éléments redondants (doublement des vannes vraisemblablement) et éviter des éléments « défiabilisants » (commandes à distance par exemple) » [Retour d’expérience EDF : conclusions pour les futurs RNR-Na – EDF SEPTEN, 2009 – Archive GSIEN].

Les fuites de sodium sont inévitables sur les RNR en exploitation comme en témoigne le REX français ou russe par exemples. Certes, le circuit primaire de NAAREA fonctionnerait à la pression atmosphérique mais concevoir une installation nucléaire qui ne fuit pas serait une première.