SMR en gestation difficile :
NuScale (USA)
Nuscale Power développe aux USA, le projet de réacteur VOYGRTM à eau pressurisée dit « intégré » (« Integral PWR ») d’une puissance de 250 MWth (77 MWe brut – 73,6 MWe net – Rendement 29,5%). Il utiliserait du combustible standard UO2 (enrichissement en 235U < 4,95%). La réactivité serait contrôlée à l’aide de grappes de contrôle et de bore dans le fluide primaire. Ce dernier circulerait de façon naturelle (pas de pompe primaire) pour alimenter deux générateurs de vapeur intégrés dans la cuve du réacteur d’un « diamètre intérieur de 2,7 m » et de « 17,7 m de hauteur ». L’ensemble serait installé dans une enceinte de confinement « cylindrique en acier de 4,5 m de diamètre extérieur » pour « 23,1 m de hauteur » immergée dans une piscine [AIEA, 2022].
Tableau de bord NuScale (VOYGR)
NEA/OECD, 2024
Projet chaotique
Dans un de ses projets présenté lors d’un séminaire en Suède (2021), NuScale envisageait la construction d’une centrale composée de « 12 modules pour 924 MWe brut » (12x77 MWe) capable d’injecter sur le réseau une puissance électrique nette de « 884 MWe ». L’emprise au sol de la centrale aurait été d’environ « 14 hectares » [energiforsk.se].
Détail des évolutions du projet avec la Sfen : « Annoncé en 2015, le projet initial visait une capacité installée de 600 MWe via une centrale de 12 modules à eau pressurisée de 50 MWe (600 MWe) puis, en 2018, 12 modules de 60 MWe soit 720 MWe. L’ambition a ensuite été revue à la baisse en juin 2021 : six modules de 77 MWe pour une capacité de 462 MW » [Sfen, 17/11/23].
L’année dernière, World nuclear news (WNN) indiquait que « la technologie SMR de NuScale [était] la seule technologie SMR qui, à ce jour, a reçu l'approbation de conception de la Commission de réglementation nucléaire [NRC] des États-Unis ». WNN ajoutait : « Le module de puissance de NuScale est un réacteur à eau pressurisée dont tous les composants pour la production de vapeur et l'échange de chaleur sont incorporés dans une seule unité de 77 MWe (250 MW thermiques). Le premier SMR de NuScale, le projet WIN, devrait être opérationnel en 2029, dans la centrale électrique sans carbone de l'Utah Associated Municipal Power Systems, qui doit être construite sur un site de l'Idaho National Laboratory » [WNN, 9/10/23].
Certes, début 2023, un réacteur NuScale a bien reçu la certification de la NRC (l’autorité de sûreté de l’Oncle Sam) mais il s’agit du modèle du projet initial abandonné de 50 MWe et non celui de 77 MWe comme l’indique le registre fédéral du gouvernement des États-Unis : « La Commission américaine de réglementation nucléaire (NRC) modifie sa réglementation afin de certifier la conception standard NuScale pour un petit réacteur modulaire. Les candidats ou titulaires de licences qui ont l'intention de construire et d'exploiter un réacteur de conception standard NuScale peuvent le faire en se référant à cette règle de certification de la conception.
(...)
NuScale est la première conception de petit réacteur modulaire examinée par la NRC. NuScale est basé sur un petit réacteur à eau légère développé à l'Université d'État de l'Oregon au début des années 2000. Il se compose d'un ou de plusieurs modules de puissance (...). Le bâtiment du réacteur NuScale est conçu pour accueillir jusqu'à 12 modules de puissance. Chaque module de puissance a une puissance thermique nominale de 160 mégawatts thermiques (MWth) et une puissance électrique de 50 mégawatts électriques (MWe), soit une capacité totale de 600 MWe pour 12 modules de puissance » [Federal Register, 19/01/23]. Le nouveau modèle NuScale de 77 MWe n’est pas encore certifié par la NRC.
Coûts
Selon Reuters, « NuScale avait prévu de développer le projet de six réacteurs pour 462 mégawatts [6x77 MWe brut] avec l'Utah Associated Municipal Power Systems (UAMPS) et de les démarrer en 2030, mais plusieurs villes se sont retirées du projet en raison de l'augmentation des coûts » [Reuters, 8/11/23].
En effet, comme le signale Global Chance, « UAMPS a publié un document (...) qui révèle une nouvelle estimation du coût du projet NuScale qui le ferait passer des 5,32 milliards de dollars jusqu’alors prévus à 9,3 milliards de dollars » [Global Chance, novembre 2023].
Pour une puissance délivrée 462 MWe brut (6x77), soit 442 MWe net, cette somme rondelette de 9,3 Md$ représentait un coût d’investissement total de 21 000 $/kWe... ce qui, même pour un projet tête de série (« First of a kind » ou FOAK) est astronomique. Pour situer l’ordre de grandeur de l’écart entre prévisions optimistes et vérités du porte-monnaie, NuScale annonçait en 2021 que le coût de série (NOAK) d’une centrale de « 884 MWe net » (12 réacteurs) serait de « 2850 $/kWe », [energiforsk.se]. Le NOAK, pour « New Of A Kind », est le énième de la série, le FOAK étant la tête de série.
Pour l’Institut français des relations internationales (IFRI), à propos des SMR, « Typiquement, un réacteur New Of A Kind (NOAK) coûte 30 % moins cher qu’un FOAK » [IFRI, 2019]. Si l’on en croit l’IFRI, les NuScale de série devraient par conséquent coûter 14 700 $/kWe, s’ils sont un jour fabriqués en série dans des usines dédiées qui resteraient à construire. Cela pourrait refroidir les acheteurs éventuels.
Toujours d’après Reuters : « NuScale a déclaré qu'il semblait peu probable que le projet obtienne une souscription suffisante pour poursuivre son déploiement.
(...)
NuScale met fin à son projet dans l'Utah, un coup dur pour les ambitions américaines en matière d'énergie nucléaire » [Reuters, 8/11/23].
En même temps, « l'action de NuScale perdait 33,70% à la Bourse de New York » [AFP, 9/11/23]. Depuis son introduction en bourse en 2021, l’action avait perdu plus de 80% de sa valeur boursière début 2024.
Un rapport de l'Institut sur les économies d'énergie et sur les analyses financières alertait début 2022 sur les risques du projet : « Trop tard, trop cher, trop risqué et trop incertain" : c'est ainsi qu'un nouveau rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA) décrit le projet de petit réacteur modulaire (SMR) de NuScale ». Dans son rapport, l'IEEFA a remarqué « des "implications incertaines pour le coût, la performance et la fiabilité des unités" et que NuScale fait des affirmations trop optimistes dans chacune de ces catégories » [Power Engineering, 18/02/22]...
Densité surfacique de puissance
Regardons le projet de la centrale de 442 MWe net qui a avorté dans l’Utah. Installée sur un site de 14 ha, la densité surfacique de puissance de la centrale aurait été de 317 m2/MWe, contre 150 m2/MWe pour notre étalon de Tricastin.
Projets
NuScale souhaite développer d’autres projets aux USA mais aussi au Canada, en Europe et en Asie mais cela pourrait s’avérer compliqué sans licensing ni prototype de démonstration. En attendant, « NuScale supprime des emplois » : « NuScale Power Corporation a annoncé des mesures, y compris la perte de 154 employés, qui, selon lui, permettront d'économiser 50 à 60 millions de dollars par an et de "mieux se positionner commercialement, financièrement et stratégiquement" » [WNN, 8/01/24].
La Sfen, la Société fanatique d’énergie nucléaire comme l’appelait Jean-Claude, ne doit pas vivre dans le même espace-temps que nous. En 2024, aucune centrale NuScale n’est en construction dans le monde. Voici pourtant ce qu’écrivait la Sfen en novembre 2022 : « La première centrale américaine (NuScale, d’une puissance de 720 MWe avec 12 unités de 60 MWe) est en cours de construction aux États- Unis » [Sfen, 2022]...