Sûreté et SMR avec l’IRSN
Dans une note d’information de 2021, l’IRSN « dresse un état des lieux des principales caractéristiques que pourraient présenter les SMR en termes de sûreté par comparaison avec des réacteurs de forte puissance » :
« Pour leurs promoteurs, ils constituent un moyen de production d’électricité pouvant satisfaire des besoins variés, comme d’exploiter la cogénération et se prêter à des applications non électriques (chaleur industrielle, production d’eau douce…) ; ils constituent une solution adaptée pour des régions isolées ou disposant d’infrastructures limitées. Leurs concepteurs affichent aussi des performances accrues en matière de sûreté grâce à des dispositifs de sûreté intrinsèque et passive. Certains concepts proposent une architecture permettant l’installation de plusieurs modules indépendants les uns des autres pour atteindre une puissance globale plus importante (de l’ordre de 600 – 800 MWe).
Pour répondre à la question de la rentabilité économique, les concepteurs de SMR mettent en avant une simplification de la conception et la limitation de la durée de construction par une construction modulaire, la standardisation et l’effet de série. Pour ce faire, ces concepteurs de SMR demandent une harmonisation des exigences de sûreté en vigueur dans les pays souhaitant se doter de tels réacteurs. Certains d’entre eux estiment que les exigences de sûreté devraient être adaptées du fait des caractéristiques de sûreté intrinsèques inhérentes à ces concepts.
L’IRSN estime au contraire qu’il n’y a pas lieu de revoir à la baisse les exigences de sûreté pour les SMR, la simplification et les caractéristiques de sûreté inhérentes devant bénéficier à la sûreté et à la démonstration de celle-ci au travers du respect de ces exigences.
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Le niveau de sûreté d’une installation nucléaire dépend bien évidemment du type de réacteur, mais aussi des dispositions prévues pour prévenir et limiter les conséquences des accidents, de la qualité de la conception, de la fabrication et de leur exploitation. Du fait de leur faible puissance et de leur petite taille, les SMR permettent des choix variés en termes de conception, certains pouvant être favorables à la sûreté. Il convient toutefois de souligner que la plupart des concepts font appel à des solutions techniques innovantes dont la faisabilité et l’efficacité restent à démontrer. En tout état de cause, seul un examen détaillé des choix et des hypothèses de conception permettrait d’évaluer les gains possibles en matière de sûreté par rapport à des réacteurs de puissance plus élevée.
Des caractéristiques en termes de sûreté favorables du fait d’une puissance faible
Au-delà de la quantité de matières radioactives plus limitée dans un réacteur de petite taille, il existe, pour une technologique donnée, un effet d’échelle fonction de la puissance du réacteur. Ainsi, du point de vue de la neutronique du cœur, on peut souligner que les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium de petite taille présentent de meilleures caractéristiques de sûreté par comparaison aux réacteurs refroidis au sodium de grande taille, du fait d’un effet de vide négatif ou nul ; pour les réacteurs à eau légère, l’effet est moins marqué ; la possibilité de concevoir des réacteurs sans bore est en revanche un atout en termes de sûreté, en écartant le risque d’accident de dilution et en limitant la production d’effluents en fonctionnement normal.
Quel que soit le type de réacteurs, la puissance résiduelle à évacuer est moindre en cas d’accident, ce qui permet de combiner des systèmes de sûreté passifs et actifs, et devrait donc permettre d’améliorer la sûreté par une meilleure diversification des dispositions de conception ; c’est l’option retenue par EDF pour le réacteur Nuward.
Si la limitation de la puissance conduit, dans le principe, du fait de l’utilisation de systèmes passifs, la plupart des concepteurs de SMR à afficher un délai de l’ordre de 7 jours sans intervention humaine pour l’évacuation de la puissance résiduelle en situation accidentelle, il conviendrait de vérifier que ce délai est applicable pour toutes les situations plausibles susceptibles d’affecter l’installation ; la probabilité de fusion du cœur devrait ainsi pouvoir être notablement limitée par des choix de conception judicieux et le respect de règles de construction et d’exploitation rigoureuses.
La compacité des SMR conduit à limiter la taille des composants dont certains sont particulièrement importants pour la sûreté, ce qui facilite la maîtrise de la qualité de fabrication. La faisabilité du contrôle en fabrication et en exploitation pour certains composants de géométrie complexe (conception intégrée de certains composants) pourrait nécessiter de développer des moyens de contrôle et d’inspection adaptés.
Les concepts de type « eau légère » peuvent bénéficier de l’avancée des connaissances en matière de phénoménologie des accidents graves et être conçus de manière à permettre une rétention du corium en cuve en cas de fusion du cœur. Cela permet de limiter sensiblement le risque de défaillance de l’enceinte de confinement. Pour les réacteurs Nuscale et Nuward, les enceintes de confinement sont des enceintes métalliques (taux de fuite limité par rapport aux enceintes en béton) plongées dans des bassins remplis d’eau, l’eau constituant en quelque sorte une 4ème « barrière de confinement ». L’évacuation de la puissance des enceintes est réalisée de façon passive, sans nécessité de disposer d’une source froide en eau. La compacité du concept permet d’inerter l’enceinte pour limiter le risque d’explosion d’hydrogène en cas de fusion du cœur. Ces dispositifs facilitent la gestion des situations avec fusion du cœur et les rejets associés pourraient être nettement plus faibles que ceux attendus pour un réacteur de puissance élevée.
Enfin, la compacité permet d’envisager des concepts enter-rés ou semi-enterrés, conférant aux installations une robustesse supérieure aux réacteurs de forte puissance à l’égard de certaines agressions (séisme, chute d’avion, conditions clima-tiques extrêmes...).
Des options technologiques à conforter et des performances en termes de sûreté à vérifier
Pour certains concepts, des options technologiques doivent être confortées avant d’envisager leur construction. C’est le cas pour le réacteur Nuward (mécanismes de commande grappe de commande immergés par exemple).
De même, pour les concepts innovants, notamment ceux valorisant des systèmes de sûreté passifs, la démonstration de sûreté nécessitera la réalisation d’expérimentation sur des maquettes représentatives, comme c’est le cas pour le réacteur Nuscale. La démonstration de caractéristiques intrinsèques de sûreté nécessitera une compréhension fine des phénomènes physiques en jeu, compréhension qui peut être plus ou moins longue à acquérir selon les technologies et leur niveau de maturité.
Enfin, il conviendra d’être attentif à une utilisation potentiellement accrue d’équipements disponibles « sur étagère » qui pourraient ne pas avoir été conçus selon les règles et normes en vigueur dans le domaine nucléaire. Il n’en reste pas moins qu’une fabrication en usine est de nature à garantir un niveau de qualité supérieur à celui attendu avec un chantier de construction sur site.
Conclusion
Au vu des éléments disponibles à l’IRSN, il apparaît que les SMR devraient pouvoir respecter des objectifs de sûreté plus exigeants que les réacteurs de forte puissance en termes de limitation des rejets en situation normale et accidentelle, y compris d’accident grave, et de fréquence de fusion du cœur.
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Une quantité de matières radioactives moindre, le recours possible à un choix élargi d’options de conception, la simplification possible de la conception pour répondre aux exigences de sûreté en vigueur et la valorisation de caractéristiques de sûreté inhérentes sont autant de caractéristiques qui peuvent être exploitées par les concepteurs. De ce point de vue, les principes de conception retenus à ce stade pour le projet Nuward apparaissent intéressants. La mise en œuvre de systèmes innovants représente toutefois un aspect à ne pas négliger et les attentes des autorités de sûreté en matière de démonstration nécessiteront de recourir à des plateformes expérimentales.
La fabrication de tout ou partie des modules de réacteur en usine devrait permettre de garantir une qualité de réalisation accrue par rapport à un mode de construction plus tradition-nel.
Pour autant, les caractéristiques des concepts doivent être examinés en détail afin de pouvoir se positionner plus avant sur le niveau de sûreté qui peut être atteint par ce type de réacteur » [IRSN, 7/10/21].
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