SMR : Small Modular Reactor
ou Small Mythical Reactor ?
EDITORIAL
Passage
en force vers un avenir qui ne s’annonce pas radieux mais
radioactif
Le Gouvernement, obnubilé par la filière nucléaire, est prêt à tout pour la sauver et la relancer. Les derniers mois passés en attestent et les prochains en attesteront.
Opacité accrue, perte de transpa-rence, coups de canif au débat démocratique et parfois à la légis-lation en vigueur, des décisions « osées» dans divers secteurs… Mais ouf ! des consultations et autres dispositions « audacieu-ses » sont prévues pour sauver la face.
Le ministre de l’Industrie et de l’Énergie a entériné l’abandon de la loi de programmation énergie et climat, pourtant une obligation légale. En fuyant un débat au Parlement, le gouvernement transforme la stratégie climatique et énergétique de la France en simple fait du Prince. A de nombreuses reprises, Emmanuel Macron avait promis que la décision de relance de la construction de réacteurs nucléaires en France serait validée par le Parlement. Cette promesse semble définitivement enterrée”. Ça ne vous rappelle pas une certaine époque qui avait motivé la création du GSIEN ?
Mais ouf ! une énième consultation publique, dont les contributions finiront probablement sur la même étagère que celles de la Grande consultation sur le mix énergétique de 2023, est prévue.
Malgré de nombreux plaidoyers de diverses instances et associations, la fusion du gendarme du nu-cléaire avec l’expert technique du secteur a été définitivement adoptée dans la nuit du 9 avril. Avec nos partenaires de Global Chance, de l’ACRO et de la CRIIRAD nous avons à de multiples reprises rappelé qu’il était essentiel de maintenir une distinction entre expertise et décision. Tiens, au passage la loi fait disparaître l’obligation légale de publication des avis scientifiques et techniques qui s’imposait depuis 2016 à l’IRSN. Ils seront publiés de manière concomitante aux décisions auxquelles ils se rapportent. Ça ne vous rappelle pas la gestion opaque d’un certain évènement en 1986 ?
Mais ouf ! le règlement intérieur de la future ASNR (Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection) définira des règles et des modalités de publication de ces avis pour les décisions pour lesquelles l’autorité en décide autrement (notamment au regard de la nature des dossiers concernés ou pour favoriser la participation du public). Enfin une promesse tenable : l’activité promet pour une fois d’être faible.
Construction des EPR 2 : Selon la loi, « les constructions, les aménage-ments, les installations et les travaux liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire sont dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme ». Un décret publié le 1er février prévoit que les éléments portant sur la conformité aux règles d’urbanisme ne font pas partie du dossier soumis à enquête publique ou à consultation du public par voie électronique. Et comme l’a pointé la Commission nationale du débat public (CNDP), ce décret n’a pas fait l’objet d’une consultation du public en amont de son adoption malgré l’obligation constitutionnelle de faire participer le public à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement.
Et que dire de la consultation en cours pour la mise en service de l’EPR de Flamanville : manifeste-ment lancée dans la précipitation (sous pression politique ?), elle soumet au public deux nouveaux documents qui manquent de complémentarité et de cohérence. Le projet de Décision de l'ASN autorisant la mise en service de l'EPR de Flamanville ne répond pas ou peu aux attentes en matière de fiabilité et de sûreté. Aucune réponse sérieuse n'est apportée aux questions relatives aux irrégularités ou falsifications qui sont de notoriété publique, en particulier depuis les déclarations du Président de l'ASN le 30 janvier 2024, sujet pour lequel le GSIEN avait écrit à l’ASN. Le rapport d'instruction, également présenté sous forme de projet, fournit peu d’argument tech-nique susceptible de dissiper les inquiétudes qu'éveille la multitude de problèmes rencontrés pendant la construction.
Et enfin comme dernier exemple (parmi tant d’autres qui auraient été possibles), une décision « osée » en matière de Finance verte : les fonds labellisés Greenfin finance-ront le nucléaire.
Extraction d'uranium, raffinage, construction et exploitation de réac-teurs… Alors que la filière nucléaire était exclue des critères permettant d'obtenir le label Greenfin « France finance verte », un nouveau référen-tiel publié le 9 janvier au Journal Officiel réintroduit « l'ensemble des activités économiques permettant la production d'énergie à partir de technologies nucléaires, y compris les technologies du cycle des com-bustibles et de gestion des déchets... Après avoir envisagé de mobiliser l’épargne du Livret A, il fallait oser le faire ! Mais vu l’endettement abyssal d’EDF, tout est bon pour financer la filière nucléaire.
Au cours de ces mois écoulés, le GSIEN, seul ou en association avec divers partenaires (Global Chance, ACRO, CRIIRAD…) s’est donc investi sur ces divers sujets d’actualité.
Mais d’autres nous attendent dans les mois et années à venir (CIGEO pour l’enfouissement des déchets en couches géologiques profondes, projet de technocentre pour la valori-sation des déchets très faiblement radioactifs à Fessenheim, projet de nouvelle piscine de la Hague pour les combustibles usés, utilisation des réacteurs de Civaux pour la production de tritium à des fins militaires…).
Mais, à ce jour, il nous paraissait opportun d’ouvrir le dossier des SMR (Small Modular Reactor) dont on commence à tant nous vanter les avantages inimaginables et pour lesquels l’argent public coule déjà à flot pour financer des projets de recherche qui, assuré-ment, mériteraient un débat et une expertise pluralistes et contradictoi-res.
Bonne lecture.
Marc et Monique