Mai 2024 •

Russie - SMR en exploitation :
KLT-40S Centrale flottante Akademik Lomonosov

Introduction avec l’AIEA : « Le KLT-40S est un réacteur à eau sous pression développé pour une centrale nucléaire flottante (FNPP) afin de fournir une capacité [brute] de 35 MWe par module. Il s'agit d'une version avancée du réacteur qui permet l'exploitation à long terme des brise-glaces nucléaires ». La barge (sans propulsion) Akademik Lomonosov est équipée de deux réacteurs d’une puissance thermique unitaire de 150 MWth et permet d’alimenter le réseau électrique (2x30 MWe net, rendement 20%) de la région isolée de Pevek au fin fond de la Sibérie. Construite à Saint-Pétersbourg, c’est après un long voyage vers Mourmansk, où les réacteurs ont été chargés en combustible, que l’Akademik Lomonosov est arrivé à Pevek. A l’issue d’un périple d’environ 9000 km (Cf. page suivante), l’unité de production d'électricité « a été connectée au réseau en décembre 2019 et a commencé à fonctionner commercialement en mai 2020 », avec bien du retard sur les prévisions comme nous le verrons plus loin [AIEA, 2022].

L’AIEA a développé la base de données ARIS (système d'information sur les réacteurs Avancé) où l’on trouve des fiches de renseignements de bon nombre de réacteurs. La fiche du KLT-40S a été éditée en 2013.

C’est un petit réacteur à eau sous pression (REP) à quatre boucles. Le cœur est chargé en UO2 enrichi en 235U aux environs de 15% (de 13 à 18,6% selon les sources).

La cuve a une hauteur d’environ 4 m, un diamètre de 2 m et une masse de « 70,5 t ».

Quatre pompes primaires assurent la circulation du fluide primaire de la cuve vers quatre générateurs de vapeur externes. Le module (cuve, pompes, GV) a une masse de 220 t. Il y a deux modules de ce genre sur l’Akademik Lomonosov ainsi que deux turbo-alternateurs pour convertir l’énergie thermique en énergie électrique. Avec toutes les équipements annexes (circuits et diesels de secours, piscine des combustibles irradiés, etc.), il faut tout de même une embarcation de 140 m de long et 30 m de large pour loger l’ensemble de l’installation. La fiche ARIS indique une emprise sur la mer de « 15 000 m2 » avec le quai d’amarrage et un « territoire côtier » de « 8000 m2 » pour les installations basées à terre.

[aris.iaea.org/PDF/KLT-40S.pdf]

L’Akademik Lomonosov basé à Pevek

Академик Ломоносов


Navigation de l’Akademik Lomonosov
de Saint-Pétersbourg à Pevek avec escale à Mourmansk

Densité surfacique de puissance

Le KLT-40S est bien un small réacteur de par sa taille compacte et de la faible masse de son circuit primaire.

En connaissant la surface des installations et la puissance électrique installée, on peut calculer la densité surfacique de puissance de la centrale. Pour l’Akademik Lomonosov elle est de 70 m2/MWe (140x30=4200 m2 pour 60 MWe).

Comparons avec une grosse centrale nucléaire qui va nous servir d’étalon tout au long de ce dossier. Pioché dans le dernier Rapport annuel du Centre nucléaire de production d’électricité du Tricastin : « La centrale EDF occupe une surface de 55 hectares » [EDF, 2023] pour 3660 MWe de puissance nette installée. La densité surfacique de puissance du site du Tricastin est de 150 m2/MWe. La barge russe est donc à son avantage.

Mais en toute rigueur, il faudrait ajouter l’emprise au sol du territoire côtier qui abritent des installations annexes nécessaires au fonctionnement de l’Akademik Lomonosov (transformateurs électrique, cogénération, etc.) soit 8000 m2. La densité surfacique de puissance de l’installation complète dans le port de Pevek serait alors de 203 m2/MWe.

Tableau de bord KLT-40S
NEA/OECD, 2024

Planning

Cela va sans dire, mais précisons tout de même qu’en Russie aussi les délais de construction s’allongent en regard des prévisions. Petit retour en arrière. Il y a vingt ans, dans un document de l’AIEA sur le design des projet de SMR, les « années de construction » de la centrale flottante sont estimées à « 4 » [AIEA, 2004].

En réalité, la construction s’est étalée sur treize années comme le fait remarquer Le Monde : « Commencée à Saint-Pétersbourg en 2006, achevée en 2019 à Mourmansk » [Le Monde, 16/08/19].

L’AIEA estimait dans son rapport 2014 sur les SMR que l’exploitation commerciale débuterait en « 2016~2017 » [AIEA, 2014].

Deux années plus tard, lors de la mise à jour de son rapport, l’AIEA enregistrait le report de l’exploitation commerciale pour « 2019-2020 » [AIEA, 2016]. Et les retards engendreront l’explosion des coûts de construction.

Coûts

Petit retour en arrière. Il y a vingt ans, dans un document de 2004 de l’AIEA, l’investissement nécessaire à la construction de la centrale flottante est évalué à « 165 millions de dollars » [AIEA, 2004]. Ramenée à la puissance nette installée, cette somme correspond à 2750 $/kWe installé.

Selon la fiche de l’ARIS (2013), les « Investissements spécifiques pour la construction » sont évalués entre « 3500 et 4000 $/kWe » installé [aris.iaea.org/PDF/KLT-40S.pdf].

En 2019, Le Rapport sur l'état de l'industrie nucléaire mondiale en 2019 (WNISR) donne une estimation du coût de construction : « 37 milliards de roubles (740 M$2015) », soit plus de 12 300 $2015 par kWe installé. « Les retards et le coût élevé ont peut-être conduit Rosatom à conclure qu'il n'y aurait pas de marché pour cette configu-ration » [WNISR, 2019].

Énergie produite par l’Akademik Lomonossov

Le site « PRIS (Power reactor information sys-tem) » de l’AIEA indique une production cumulée de 0,45 TWh pour les deux réacteurs depuis la mise en service en 2019 avec un taux de disponibilité modeste de l’ordre de 70%. Les facteurs de charge en revanche sont faibles avec respectivement 34% et 22,4% pour les réacteurs 1 et 2 [pris.iaea.org].