Chronique des organismes scientifiques indépendants d’information et de contrôle
Contribution de Global Chance
Première divergence de l’EPR de Flamanville, enfin...
(Michel Labrousse – Global Chance)
Début juillet, le patron d’EDF annonçait que le démarrage du réacteur était « imminent ». Deux mois supplémentaires ont été nécessaires avant de pouvoir réaliser la divergence tant attendue, deux mois émaillés de nombreux incidents ou événements significatifs de sûreté. Le 3 septembre, l’installation nucléaire de base n° 167 est devenue radioactive...
Pour plus de détails, consulter la chronique de démarrage de l’installation réalisée par Global Chance, mise à jour le 10 septembre 2024 : "Laborieuse mise en service de l'EPR de Flamanville",
https://global-chance.org/Laborieuse-mise-en-service-de-l-EPR-de-Flamanville.
En voici la conclusion :
La mise en service de l'EPR s'avère difficile. Ce qui n'est pas étonnant lorsqu'on garde en mémoire les nombreux problèmes que ce réacteur a accumulés depuis le début de sa construction. Comme Global Chance l'a plusieurs fois souligné, le risque est grand de voir l'impératif politique prendre le pas sur la rigueur scientifique et la culture de sûreté. On constate que cette logique a été prépondérante lorsque la divergence a été autorisée par l'ASN : demande d'EDF remise à l'ASN le vendredi 30 août, soit "4 jours au moins avant la divergence", accord de l'ASN le lundi 2 septembre, annonce par EDF que la divergence aurait lieu dans la nuit du 2 au 3 septembre, divergence effective le 3 septembre à 15h54... arrêt d'urgence moins de 24 h après ! Nouvelle divergence 3 jours plus tard sans que soient communiquées précisément les raisons de l'arrêt automatique du 4 septembre ni les mesures prises pour permettre la re-divergence le 7 septembre.
La manière dont sont diffusées les informations relatives à la mise en service est inquiétante et ne répond en rien aux conditions stipulées par l'ASN dans la décision d'autoriser la mise en service du 7 mai 2024. EDF privilégie l'information directe à la presse, les membres de la CLI de Flamanville n'ont été informés qu'après avoir sollicité EDF à travers le président de la commission, en juin et en août 2024.
Il est à craindre que les prochaines étapes qui suivront la divergence, (...) devant conduire à la montée en puissance progressive, jusqu'au raccordement au réseau, annoncé pour "la fin de l'automne" par EDF, ne soient pas mieux documentées.
Actualisation au 26 septembre 2024
Une assemblée générale de la CLI (Commission locale d'information) de Flamanville s'est déroulée le 25 septembre. A l'ordre du jour, notamment, les dernières informations sur la mise en service de l'EPR, occasion pour tenter de comprendre l'origine des deux arrêts d'urgence (4 et 16 septembre).
Le premier arrêt d'urgence est imputé à une "erreur humaine" et fait l'objet d'un avis d'incident de niveau 1 (échelle INES), c'est le neuvième incident de ce type depuis le 7 mai (autorisation de mise en service par l'ASN), sur un total de 11 incidents de niveau 1 recensés et documentés à ce jour. On comprend que les opérateurs n'ont pas modifié les paramètres d'automates du système de protection du réacteur, celui-ci a donc commandé l'arrêt d'urgence.
Concernant l'arrêt d'urgence du 16 septembre, ne sont en cause, d'après EDF, ni le comportement du cœur ni les capteurs, qui indiquaient un signal analogique conforme. Le problème serait dû à un "défaut dans le traitement du signal" issu de la mesure du flux neutronique par le contrôle-commande. Le "signal étant très faible", le traitement numérique par le contrôle-commande, qui permet de le rendre exploitable, génère un "pic artificiel" sur deux des quatre capteurs.
EDF minimise l'incident mais plusieurs fonctions sont en cause, notamment le contrôle-commande (traitement du signal) et le système de pilotage (signal très faible).
Des fluctuations de flux neutronique induites par les vibrations hydrauliques ayant pour origine la conception erronée du plénum inférieur de la cuve ont été observées sur les premiers EPR démarrés. Concernant l'EPR de Flamanville, EDF signale qu''’à ces niveaux de puissance on ne détecte rien lié à cette situation".
EDF indique à ce propos que la mise en place d'éléments combustibles renforcés a réglé le problème tempo-rairement, le nouveau dispositif de fond de cuve fait l'objet d'études et d'essais et sa mise en place devrait intervenir après plusieurs arrêts du réacteur.
Le raccordement au réseau, à 25% de la puissance nominale, est annoncé pour "la fin de l'automne".
Pour une synthèse des problèmes rencontrés durant la construction de l’EPR, vous pouvez consulter le dossier de Global Chance (mai 2024) : "L’EPR de Flamanville : doutes et risques" :
https://global-chance.org/L-EPR-DE-FLAMANVILLE-DOUTES-ET-RISQUES.
Commentaire GSIEN : la divergence est un transitoire sensible impliquant des phénomènes liés à la neutronique et à la physique du cœur. Le réacteur de Flamanville 3 a divergé à très faible puissance afin de réaliser les essais physiques dit « à puissance nulle » (0,2% de la puissance thermique nominale).
Comme sur les réacteurs en exploitation lors d’un redémarrage, ces essais permettent de valider et de calibrer les chaînes neutroniques et les seuils de surveillance et de protection du cœur, par exemple, mais aussi de vérifier l’efficacité des grappes de contrôle.