Chronique des organismes scientifiques indépendants d’information et de contrôle
Contribution de la
Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité
Le Technocentre de Fessenheim
EDF veut libérer des déchets nucléaires dans le domaine public
(extrait d'un article qui a été publié dans le bulletin Trait d’Union n° 103, septembre 2024)
Un débat public sur le projet Technocentre, une nouvelle installation « de valorisation des métaux très faiblement radioactifs » non loin de la centrale de Fessenheim (Grand Est) se tient du 10 octobre 2024 au 7 février 2025. Malgré le peu d’éléments concrets livrés au public à la veille des débats, le projet, porté par EDF, laisse déjà envisager le pire : derrière le recyclage, l’économie circulaire et la dynamique du territoire se cachent un amoncellement de déchets, une modification du code de la santé et la dissémination irréversible de substances radioactives dans le domaine public.
Le projet de construire un Technocentre à Fessenheim (Grand Est) est dans les tuyaux d’EDF depuis plusieurs années [1]. Il faut dire que les déchets nucléaires s’accumulent, et pouvoir fondre les métaux très faiblement radioactifs pour les revendre ensuite aux industries classiques serait bien pratique. De vieux générateurs de vapeur pourraient alors devenir à terme des poutres de construction, des bancs publics, des chaînes de balançoire, des casseroles, des poignées de portes... En France, il n’existait pas de seuil de libération des déchets nucléaires : tous devaient rester dans cette filière, en dehors des circuits des autres industries. Mais sous prétexte de s’harmoniser avec nos voisins européens, la possibilité de modifier cette réglementation a été débattue en 2019 lors de la préparation du 5ème plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) et actée en 2022 [2]. EDF n’a toutefois pas attendu les décisions officielles pour imaginer un Technocentre à Fessenheim. Les études ont été lancées dès 2019 et l’industriel a soumis un dossier début 2024 à la Commission nationale du débat public (CNDP). Celle-ci a décidé qu’un débat public était nécessaire au regard des implications, notamment environnementales, d’un tel projet [3]. Il va commencer cet automne et se poursuivra en 2025. Mais les éléments rendus accessibles à la veille de l’ouverture des débats ne livrent pas grand-chose de concret – et surtout ils émanent du porteur du projet. Recyclage, économie circulaire, réduction des émissions de gaz à effet de serre, dynamique du territoire…, tels sont les arguments mis en avant par EDF. Mais qu’en est-il vraiment ? Ce projet est encore flou, et s’il aboutit, il disséminera de manière irréversible une partie des déchets de l’industrie nucléaire dans le domaine public.
Références
1. Synthèse du dossier de saisine de la CNDP, EDF, mars 2024
2. Décret n° 2022-174 du 14 février 2022 relatif à la mise en œuvre d'opérations de valorisation de substances faiblement radioactives ; Décret n° 2022-175 du 14 février 2022 relatif aux substances radioactives éligibles aux opérations de valorisation mentionnées à l'article R. 1333-6-1 du code de la santé publique ; Arrêté du 14 février 2022 fixant le contenu du dossier prévu à l'article R. 1333-6-1 du code de la santé publique
3. La Commission nationale du débat public a décidé d'organiser un débat public pour le projet Technocentre porté par EDF. Ce choix est justifié par les impacts significatifs sur l'environnement. CNDP, février 2024
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