Décembre 2024 • Jean-Claude Zerbib (Global Chance)

Chronique des organismes scientifiques indépendants d’information et de contrôle

Contribution de Global Chance
La triple dépendance française en combustible nucléaire

La France n’ayant plus de mine d’uranium ouverte sur le sol national depuis 2001, la totalité de l’uranium utilisé dans les réacteurs d’EDF est importée.

La France procède à l'importation d’uranium naturel sous forme d’uranate (yellowcake), directe ou indirecte. L’uranium est alors acheté, envoyé à un autre État où il subit divers traitements physicochimiques, puis renvoyé en France sous forme d’UO2 enrichi, voire d’assemblage combustible.

Tous les tonnages ci-dessous (uranium, UF6, assem-blages) se rapportent à la quantité d'uranium contenu.

  1. Tonnage d’uranium acheté par la France

De 2005 à 2020, en 16 années, Orano a importé 138 230 tonnes d’uranium naturel (8 639 t/an en moyenne), de 14 pays dont six pays ont fourni 92,5% : Kazakhstan (20,1%), 1er producteur mondial ; Australie (18,7%) ; Niger (17,9%) ; Ouzbékistan (16,1%) ; Namibie (12,3%) ; le Canada (7,4%).

  1. Traitements chimiques réalisés à partir du yellowcake

L’uranium acheté sous forme de yellowcake (U3O8) est dissous dans de l’acide, puis purifié. Les autres opérations, jusqu’à l’UF6 livré à l’usine Eurodif-Georges Besse II (GBII) du Tricastin pour être enrichi, sont réalisées en France dans des installations qui ont toutes des capacités permettant de traiter l’ensemble des besoins français. Qu’en est-il en réalité ?

  1. Tonnages d’UF6 et de combustibles français et étrangers utilisés par EDF

UF6 français et importé, fabrication et emploi de combustible à uranium naturel enrichi (UNE)

Approvisionnement en UF6 enrichi et en assemblages combustibles (t/an)

Année

2016 à 2023

2010 à 2015

GBII - UNE (France)

485,4 (71,2%)

681,8

658,9

Urenco – UNE (Europe)

178,8 (26,2%)

Tenex – UNE (Russie)

17,6 (2,6%)

Assemblages UNE fabriqués en France

678,4

592,6

Assemblages UNE fournis à EDF

598,3

473,5

Assemblages UNE chargés dans les réacteurs d’EDF

1 032

(58,0%)

1 045,8 (45,3%)

Sources : Rapports annuels ASN 2011 à 2023 et Rapport d'information du site Framatome à Romans-sur-Isère 2019 à 2024.

Pour la période 2016-2023, 681,8 tonnes/an d’uranium enrichi ont été mis en œuvre par Framatome : seuls 71,2% ont été enrichis en France.

Le tonnage annuel moyen d’uranium enrichi en France entre 2016 et 2023 a permis de produire en moyenne 485,4 tonnes enrichies à GBII, cela a nécessité environ 4,0 millions d’UTS, soit 53% des capacités de GBII (7,5 MUTS).

Plus d'un quart de l’uranium enrichi (28,8%), utilisé sous la forme d’UF6 puis transformé en France en UO2, afin de fabriquer des assemblages UNE, est donc venu de l’étranger (Europe et Russie).

De plus, la totalité de l’UF6 enrichi en France et à l’étranger (681,8 t/an) ne fournit que 598,3 t/an d’assemblages UNE sur les 1 032 t/an (58%) chargées dans les réacteurs d’EDF.

Ainsi, de 2016 à 2023, moins de 6 assemblages sur 10 utilisés par EDF ont été fabriqués en France. Plus de 4 assemblages sur 10, soit 433,7 t/an (42%), ont été importés.

  1. Conclusion

La France se trouve sous une triple dépendance en matière de combustible nucléaire :

  • Elle est totale pour l’approvisionnement en uranium ;

  • Elle est partielle, mais importante, pour l’enrichissement de l’uranium en isotope 235U. Plus d’un quart (28,8%) de l'uranium enrichi sous forme d’UF6 qui a approvisionné l’entreprise française Framatome de 2016 à 2023, provenait de l’étranger.

  • Elle est partielle, mais importante, pour la fabrication d’assemblages combustibles. Plus d’un assemblage sur deux de 2010 à 2015 et près de quatre assemblages sur dix de 2016 à 202 3, ont été fabriqués à l’étranger.

Dans cette triple dépendance, la Russie occupe une position importante.

1. Voir le rapport de Global Chance La triple dépendance française en combustible nucléaire par Jean-Claude Zerbib et Bernard Laponche – Octobre 2024.

https://global-chance.org/LA-TRIPLE-DEPENDANCE-FRANCAISE-EN-COMBUSTIBLE-NUCLEAIRE-Mise-a-jour-le-17-octobre-2024