SOLAR CLUB CERN
http://cern.ch/solar-club/

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2003
24 mars 2004
Salle du Conseil CERN Meyrin

"RAPPORT MORAL"

Introduction

    J’ai beaucoup hésité entre préparer ce rapport longtemps à l’avance ou improviser – au prix de pas mal d’insomnies… - et j’ai finalement décidé d’être dépendant de l’actualité; je ne sais pas si «bien m’en a pris» - c’est vous qui jugerez!
    J’ai sélectionné deux éléments de cette actualité; premier élément «naturellement», l’escalade internationale de la violence (Ahghanistan, Irak, Madrid et finalement Israël); vous me direz tout de suite: «mais quel rapport avec les énergies renouvelables et surtout au CERN ?» N’ayez crainte, il en sera question… Second élément: un courrier de Jacques Dupin – ici présent, qui va présenter le conférencier dans quelques minutes -, courrier envoyé juste hier à plusieurs d’entre nous, avec comme titre : «L'électricité solaire photovoltaïque, énergie de paix», paru dans le COURRIER, en mai 2003 à l’occasion des votations suisses.
    Ma première réaction a été de me dire: «vais-je vraiment leur parler du même sujet, au risque de les lasser?!»
    J’avoue être resté la tête pleine de perplexité toute la journée d’hier, mais ce matin, je me suis souvenu d’un proverbe malien, rapporté par mon fils Etienne - que certains de vous ont connu: «On ne ramasse pas une pierre avec un seul doigt»… On est apparemment loin du solaire? Et bien non! Je me suis d’abord dit «plus on est de fous, plus on rit» (parce qu’il faut être encore un peu fou – en tout cas en France – pour parler des énergies renouvelables!...), puis: «on ne peut promouvoir le solaire tout seul, il faut plusieurs, une multitude de voix» et puis aussi le rire, cela éclaire, et la lumière est la prérogative infinie du soleil ! Finalement je dirais: «on n’accueille pas le soleil avec une seule main» et pour terminer «on n’appelle pas le soleil qu’avec la voix», agissons!

@

    Comme son nom l'indique, un rapport moral se devrait de comporter ou au moins conclure par une "morale"…
    Une AG présente sa part de technique et la nôtre ne dérogera pas à la règle, en particulier à cause ou plutôt grâce à la conférence qui va suivre au sujet de laquelle nous pourrons un jour dire «j’y étais !». Aussi suis-je rapidement passé sur les activités techniques du Club pour faire une sorte de rapport moral des énergies renouvelables (ENR’s) et en ayant laissé au nouveau président la tâche de parler du futur du SOLAR Club.
    J’ai donc personnellement choisi de parler du futur des ENR’s, mais d’un aspect lié au contexte mondial, toutefois sans me risquer à faire de la prospective, risque que je laisse à Daniel Lincot.
    On peut tourner passivement les pages de l’histoire, on peut aussi écrire dans le livre de l’histoire, y inscrire son passage et mieux encore son engagement. Les «Cernois» et en particulier ceux qui lisent le magazine Graviton ont pu participer à mes réflexions, mais aussi est-ce pour les autres que j’ai distribué le «liminaire», distribué à l’entrée, qui était d’ailleurs inclus dans vos invitations et que je rappelle ici:

Liminaire

    Il est permis d’être frappé du peu d’écho auprès des médias et du grand public et surtout du peu de suivis politiques des différentes conférences internationales sur les grands problèmes internationaux, dont (entre autres!) la dégradation de l’environnement due pour une grande partie à la consommation énergétique, que ce soit dans les transports, l’industrie, les services, la vie quotidienne.
    Si «l’Occident» semble bénéficier de l’explosion des connaissances en particulier par la révolution informatique, on peut craindre que la majorité de l’humanité n’aille à la catastrophe; car si une part grandissante du Nord est «branchée», l’ordinateur a élargi le fossé séparant les «riches» (essentiellement des Blancs et des Asiatiques) de ceux qui le sont moins (essentiellement des Noirs) et cette situation continuera tant que ces pays manqueront de… branchements d’électricité, de lignes téléphoniques et d’infrastructures, tous moyens – facilités par les énergies renouvelables - qui profiteraient à l’amélioration prioritaire du niveau de vie, en quittant la lutte quotidienne pour la… survie.
    Cette introduction pour souligner que le Club, principalement ouvert au monde par Internet, s’interroge (le site essaie peu à peu de s’en faire écho) et tente aussi d(e s)’informer «sur le terrain», la vitalité et l’invention n’étant pas du seul domaine des pays riches, loin de là ! Il y a naturellement de multiples autres défis, mais ne rien faire dans notre domaine de compétence ou d’intérêt participerait à détruire les chances d’aller vers plus d’harmonie et de compréhension internationale, voire de paix mondiale.

Quoi de pire que d’être des témoins sans… témoignage ?
@

Je ferai donc un très rapide résumé de mon dernier article paru dans le Graviton en 2002 (mais commencé quelques jours avant le 11 septembre 2001…), tout en signalant que les deux prochains sont les deux parties d’un thème intitulé: Du développement de la violence à la violence du développement , – le premier déjà envoyé à l’imprimerie qu’on pourrait sous-titrer «Entre Guerre et Paix» et mon ultime qu’on pourrait sous-titrer: «Entre développement et durabilité»[1]je me permets d’ailleurs de rappeler que le grand Nicholas Georgescu-Roegen, décédé il y a 10 ans, avait qualifié le Développement Durable de «charmante berceuse»!...[2] (Ivo Rens, présent, de la faculté de droit de Genève et qui connaît particulièrement bien ses écrits, me corrigera si je me trompe…)

Des énergies du désespoir aux énergies de paix
Les énergies renouvelables comme instruments de paix

    Les trois caractéristiques essentielles définies par le CME (Conseil Mondial de l'Energie) pour l'énergie du futur sont: disponibilité - accessibilité - acceptabilité . Quelles sont les énergies en mesure d’y répondre? Les énergies renouvelables ("ER") sont  parfaitement capables de satisfaire les trois critères ci-dessus et les seules en mesure de répondre au vide de solidarité et de sociabilité découlant de l'absence de débats entre citoyens et "experts" sur l'approvisionnement énergétique.
    Pour les autres formes d’énergies, il faut rappeler la fragilité de la sophistication, la vulnérabilité de la centralisation de l’énergie, alors que la globalisation de l’économie implique la généralisation de concentrations et sa multiplication d’accidents (pouvant aller jusqu’à… l’extermination de la civilisation humaine!).

Contre les inerties fossiles, les énergies nouvelles !

    En effet, le soleil met à notre disposition une gigantesque centrale thermonucléaire qui présente l’avantage de donner son énergie tout en gardant ses déchets et qui ne tombe jamais en pannes (suivez mon regard...)! Son plus gros handicap ne serait-il pas, au contraire des énergies non renouvelables, qu'étant disponible pour toujours et pour tous, il ne peut être centralisé et monopolisé? Les gouvernements n'aiment donc guère privilégier une telle énergie, capable de favoriser l'indépendance de régions (au sens géopolitique) qui n'ont, à leurs yeux, que trop tendance à rechercher leur autonomie.
    Ne serait-il donc pas temps de redécouvrir les énergies renouvelables en tant que ressources de chaque région et de chaque pays? Pourquoi faut-il s'obstiner à vouloir résoudre depuis l'occident et de la même manière, la problématique énergétique de pays tellement différents? Dans des contextes différents, des problèmes globaux exigent une adaptabilité des solutions, adaptabilité à rajouter à la trilogie du CME citée plus haut.
    Mais qu’il me soit permis de douter des volontés disponibles tant que nous n'aurons pas compris qu'en fait la fameuse formule de Clausewitz - «War is merely a continuation of politics by other means» se traduit hélas souvent à l'envers: «La politique est la continuation de la guerre avec d'autres moyens»!

Économie politique

    Personne ne peut plus nier la nécessité de modifier durablement nos comportements («la politique, ce n’est pas seulement comment on vote mais comment on vit», Jacques Rubin) et pourtant quels sont les conseils que nos dirigeants nous donnent? Recommencez à consommer! Ceci revient à associer le gaspillage et ses multiples conséquences à un geste civique!
    La croissance durable est une utopie impossible à tenir et les politiques qui se fondent sur ce concept sont irréalistes, voire dangereuses, en parant au plus pressé avec des recettes d'autrefois. Courte démonstration: une augmentation de 2% par an, qui semble bien modeste et raisonnable, correspond à une véritable explosion quand on raisonne à long terme: le doublement étant obtenu en moins de 35 ans, avec multiplication par 8 au bout d'un siècle et par 64 après seulement deux siècles! Vouloir toujours plus, c'est donc suicidaire!
    Vous voulez de l'énergie à n'importe quel prix? Vous voulez du confort sans éthique? Vous en aurez! Mais comment fournir de l'énergie à ce prix sans violence? Est-ce cela qu'on appelle «l'inévitable prix à payer» ou «risque acceptable») pour le “progrès”? Le rêve de toute-puissance et le confort des nantis ne sont que ceux des inerties!

Conclusions

    Le défi n’est donc pas seulement technologique, il est éminemment politique. Actuellement, la moitié du potentiel scientifique et technique mondial (consacré pour moitié aux recherches spatiales, militaires et nucléaires…) est utilisée pour développer des techniques qui ne peuvent pas intéresser les habitants des pays pauvres, c’est-à-dire plus de la moitié du globe. En renonçant à répéter les erreurs du passé, en développant des techniques plus simples et accessibles, les énergies renouvelables pourraient participer à réaliser le développement durable et donc jouer le rôle de stabilisateur social en étant instruments de paix.
    J'espère avoir pu et su souligner la nécessité d'un "autre regard", alternatif aux habitudes actuelles techniques, économiques et surtout politiques. Après avoir tenté de cerner le fait que le pétrole est l'essence de la guerre, outre celui de nos moteurs et de l’économie, souhaitons que le "principe de précaution" nous apprenne à reconnaître… "l'essence" de notre destin humain qui, par manque d'humanité, ne nous laisse d’autre choix que l'humanitaire, sorte "d'après-vente" de la guerre.
    Même si la paraphrase est facile, comment ne pas penser que sans énergies renouvelables, le monde ne se renouvellera pas?
    Je fais appel à Albert Jacquard pour un début de conclusion, tout en gardant à l'esprit que le fait scientifique est évolutif : «Le (…) scientifique (…) donne l'alerte lorsqu'il voit se répandre des contrevérités ou quand il assiste à des actes inacceptables. (…) [et] ne pas accepter l'inacceptable, c'est [finalement] entrer en politique».
    Quid du CERN, du SOLAR Club, des énergies renouvelables et de la PAIX, me rappellerez-vous?!
La fin de ma conclusion leur sera dédiée: c’est avec un grand espoir qu’à «l'instar du CERN, créé par l'UNESCO[] après les affres de la seconde guerre mondiale afin de ressusciter une coopération scientifique européenne plus que moribonde, le synchrotron SESAME[3] est appelé à parachever ce rêve dans une toute autre région, ô combien explosive, le Moyen-Orient, théâtre du conflit israélo-arabe. De prime abord, installer une telle infrastructure dans un lieu si propice à la guerre apparaît dénué de bons sens, voire insensé. Ce rapport relate les événements à l'origine de SESAME (…) et en indique les retombées scientifiques, technologiques et économiques[4] Vous serez certainement intéressé de connaître le sous-titre du projet: «La Science au service de la Paix» ! (voir document)
    J’en termine donc – enfin – en disant ne pas être le seul à craindre que, suite à l’incroyable initiative (et je pèse mes mots…)  d’Israël, la superbe… «Initiative de Genève» pour la Paix soit... enterrée. Au delà donc de toute considération politique ou religieuse, je me demande, je vous demande donc s’il n’y aurait pas une piste semblable, une voie, une multitude de voix pour proposer une coopération scientifique pour un Centre de Recherche International pour les Energies Renouvelables - CRIER! - (dans un lieu naturellement à choisir selon les mêmes exigences que pour Sésame…)?!
 
 

Alors: «Les ENR’s, continuation de la politique avec d'autres moyens»?!

Toujours SOL(id)AIREMENT vôtre !



L’orateur lève la main:
    "Il est traditionnel d’applaudir, je demande que vos applaudissements le soient à la “façon madrilène”, en référence aux victimes d’une guerre qui a eu pour objet des armes de destruction massive (finalement apparemment inexistantes!?) mais aussi des ressources énergétiques non-renouvelables (in fine infiniment trop pregnantes)…"



[1] Site web: http://cern.ch/solar-club/Graviton/enerPAIX.html
retour au texte
[2] Site web: http://www.unige.ch/sebes/textes/1993/93JGrinevald.html
retour au texte
[3] "Synchrotron-Light for Experimental Science and Applications in the Middle East", implanté au sein de l’Université Appliquée d’Al-Balqa à 25 km d’Amman en Jordanie.
retour au texte
[4] Source ADIT, Agence pour la Diffusion de l'Information Technologique, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), placée sous la double tutelle du Ministère des Affaires Étrangères et du Ministère de la Recherche. L'ADIT a notamment pour mission de collecter, traiter et diffuser les informations technologiques et économiques internationales issues du réseau mondial des services scientifiques de toutes les Ambassades de France; site web: http://www.adit.fr
retour au texte