Seulement voila, nous ne nous sentons pas directement concernés, car nous ne souffrons pas directement des conséquences de ce comportement . Quoique… 1996: inondations en Inde, 1997: inondations en Chine, 1998: ouragan Mitch, Honduras - Nicaragua, 1999: ouragan Andrew USA, cet automne, torrents de boue au Venezuela et pluies diluviennes dans le midi de la France, tempêtes en novembre en France puis en décembre dans toute l’Europe occidentale [1]; et l’OMM (Office Météorologique Mondial, basé à Genève) qui affirme que depuis un siècle, les 7 années les plus chaudes se sont situées dans les 10 plus récentes, avec comme signe, la fonte des glaciers, la diminution de la surface de la banquise arctique - 3’000 km²/an soit environ la Belgique plus le Luxembourg - et encore plus, celle de son épaisseur, passée de 3m à 1m80 en 30 ans -, l’Antarctique ayant suivi le même sort, où 30’000 km² sont partis à la mer[2]. Il est de coutume d'appeler tout cela «catastrophes naturelles»; naturelles, dites-vous?!
Mais au fait, que vient donc faire l’énergie dans cette galère? Au-delà de la désormais certitude que notre consommation d'énergie est la première source de pollution planétaire, posons-nous quelques autres questions: galère... un bateau... le Titanic qui a heurté un iceberg, serait ce une piste, à défaut de la voie... d’eau du "dernier" tanker de cette malheureuse Bretagne? D'accord, mais pourquoi dépenser tant d’énergie pour parler d’eau et… d’énergie? Voici un élément de réponse: selon une formule d’une fondation internationale: "Sans énergies, pas d’énergie"[3]. Rappelons donc qu’après l’eau (d’importance stratégique et donc au coeur des négociations entre de nombreuses parties du globe, souvent les mêmes que celles du pétrole - ne faut-il pas le plus souvent de l'énergie pour obtenir de l'eau?!), l’énergie conditionne l’implantation et la vie des humains, tout en étant capable de bouleverser le climat de manière irréversible.
Attendons-nous donc, si l'on continue à ne pas vouloir contrôler nos comportements (politiques, institutionnels et... particuliers), à l'aggravation des migrations de population, à d'énormes problèmes de santé en particulier dans les villes, le tout conduisant à de graves conflits armés extérieurs mais aussi intérieurs. Car c’est la même logique (?!) qui - entre autres - importe les ressources naturelles des pays du Sud que celle qui jette les objets après leur usage, la même qui nous fait nous lamenter sur notre devenir sans se soucier de celui des pays auxquels on les achète, quand il n’y aura plus de ressources fossiles.
Cette débauche d’énergie obère ainsi notre futur. Et même s’il est rassurant de voir que la solidarité n’est pas un vain mot et qu’elle est indispensable en cas de crise, comme nous l’avons vécu, il est permis de douter que cette aide "conjoncturelle" puisse se concrétiser en aide "structurelle", surtout vers le " Sud ": le "Nord" ne voudra-t-il pas plutôt conserver son avance [4], oubliant l’intérêt évident à court terme pour le premier mais aussi, "égoistement", celui à long terme pour le second? Ses "transferts technologiques" ne se limitent-ils pas bien souvent à l’exportation de technologies plus ou moins dépassées, au lieu d'une appropriation et diffusion des technologies les plus efficaces, tel par exemple le "leap frogging"[5]?
La modernisation et le progrès comportent certes des aspects positifs indéniables, mais dans ce contexte particulier, ils ont une conséquence néfaste: alimenter notre croyance dans un mythe particulièrement tenace et prégnant, même au CERN d'une «production, en toute sécurité, d'énergie propre et presque sans limite », voire quasiment gratuite[6]. Nous en reparlerons sûrement, dans ce qui pourrait devenir une chronique "gravitationnelle" de l'énergie!
Oui, la recherche est indispensable, mais dans ce domaine et plus précisément celui de la fourniture en énergie, elle se réduit souvent à simplement satisfaire une demande effrénée qui aura, quoi qu'on dise et fasse, ses limites imposées par celles de la planète - à moins d'envisager d'en changer; un scientifique réputé[7] ne déclarait-il pas récemment: "Nous contrôlerons de mieux en mieux la planète, en maîtrisant ses courants de convections et la tectonique de ses plaques pour éviter (c'est moi qui souligne) les tremblements de terre"! (mais prévoir est-ce prédire?!) et surtout: "les super-esprits que nous serons devenus ne trouveront-ils pas la parade à l’extinction du soleil, nous pourrions rallumer l’astre en le bombardant, nous déplacer sur une autre planète, attirer une étoile à nous, voire envoyer la Terre sur une autre orbite"?
Il est vrai que proposer une réflexion sur ce problème alors que les chocs pétroliers sont loin et que le prix du pétrole semble immuable pourra paraître iconoclaste; mais sinon ce serait laisser croire qu’il n’y a comme seule alternative que le choix entre risques climatiques et nucléaires! Et également qu’il s’agirait d’une simple "problématique-îlot" au milieu d’un océan de problèmes plus urgents, entre autres, pauvreté, exclusion et... emploi: car se serait oublier qu’énergie, environnement et développement sont immuablement liés.
Alors, "après nous, le déluge!" ou arriverons-nous à nous solidariser[8]? Ne nous contentons pas de laisser le seul futur répondre…
Bibliographie:
Benjamin Dessus, Energie, un défi planétaire,
Belin, 1999
Yves Renaud, Le
défi de l’énergie au 21ème siècle ,
communication interne, CERN, 1999