Une politique volontariste pour réduire
les besoins en pétrole
En 1973, le Brésil
lance le programme Proalcool à la suite du premier choc pétrolier.
Il s'agit de promouvoir l'alcool de canne à sucre comme substitut
au pétrole pour réduire d'autant la facture énergétique.
Volontariste, l'Etat brésilien force les producteurs sucriers par
le moyen de subventions directes, à investir dans des installations
assurant la transformation des résidus issus de la production de
sucre de canne en éthanol. Pour développer la demande, le
Brésil surtaxe parallèlement les autres carburant : à
la pompe, le conducteur brésilien fait le plein d'alcool pour la
moitié du prix d'un plein de diesel ou de super (respectivement
1,25, 1,9 et 2 reais pour les prix à la pompe). Cette politique
énergétique est un succès indéniable : 22%
du parc brésilien roule à l'alcool aujourd'hui, ce qui contribue
à rendre le Brésil autosuffisan! t à 70% de ses besoins
énergétiques en matière de transport par la route.
Un biocarburant à la source de problèmes
écologiques et sociaux
Mais le succès politique
risque de compromettre le développement durable du Brésil.
Tout d'abord, ce choix énergétique est un désastre
écologique. Chaque litre d'éthanol produit treize litres
de résidus hautement polluants et rejetés dans les cours
d'eau. Or, comme le résume Artur Tavares Costa Carvalho, Directeur
d'une usine de production de sucre et d'éthanol, " l'Etat nous a
déjà beaucoup subventionné pour que nous développions
les installations de fabrication d'éthanol. On a fait des progrès
en créant des bacs de rétention des eaux. Mais il est clair
qu'aujourd'hui, ce problème des effluents n'est ni la priorité
de l'Etat, ni celle de bon nombre de producteurs. " Désastre social
ensuite. Pour dynamiser la production, l'Etat a toujours été!
bon payeur. Un tel débouché a incité les grands propriétaires
à plant er toujours plus de canne à sucre, ce qui a mécaniquement
nécessité toujours plus de terres. La culture de la canne
à sucre a ainsi servi de motif pour expulser les petits paysans
faisant de la culture vivrière à proximité des plantations.
Ce sont des centaines de milliers de familles qui sont ainsi allées
gonfler les favelas avec pour corollaire l'apparition de graves problèmes
sociaux : pauvreté, faim, violence. Enfin, faute d'investissements
dans les plantations, les coupeurs de canne journaliers travaillent à
la main, au jour le jour et souvent sans contrat, pour un salaire de misère
de 300 reais par mois ( soit 90 euros) alors que des études officielles
montrent qu'il faudrait au moins 800 reais pour seulement survivre aujourd'hui
au Brésil.
Un biocarburant qui laisse les consommateurs
sceptiques
Malgré son prix attractif,
les consommateurs ne plébiscitent pas l'alcool à la pompe,
à! l'exception des entreprises de transport routier qui y voient
une manière d'optimiser le coût des trajets de leurs camions.
En pratique, à l'exception de quelques véhicules fleurons
de l'industrie brésilienne, dans la droite ligne de la Gurgel 280,
rares sont les véhicules de tourisme qui roulent à l'éthanol.
Le marché du véhicule neuf est essentiellement entre les
mains de constructeurs étrangers. Ils ne fonctionnent pratiquement
jamais au biocarburant. Pour Roberto Assan, loueur de voitures, " La qualité
de l'alcool est trop inégale d'un producteur à un autre,
donc d'une pompe à l'autre. Ces fluctuations altèrent considérablement
la durée de vie d'un moteur. Je ne peux pas prendre ce risque. J'achète
des véhicules de facture étrangère, pour garantir
le standing de mon offre et je n'achète que des véhicules
roulant à l'essence. "