Lorsque Dumon Agro (DA), un grainetier flamand, a commencé à organiser la construction d'une nouvelle installation de séchage, il tenait à intégrer l'énergie solaire dans sa conception afin de réduire les coûts de fonctionnement. L'entreprise était certaine que la technologie nécessaire existait mais elle ne savait où la trouver.
Avec l'aide du réseau des CRI, DA s'est mis en rapport avec un producteur de bulbes de fleurs et une entreprise d'ingénierie des Pays-Bas qui avait récemment collaboré à la construction d'une unité de démonstration dans laquelle un tiers de la chaleur était fournie par l'énergie solaire. La nouvelle salle de séchage de DA, qui a obtenu un soutien financier du gouvernement flamand dans le cadre d'un programme régional visant à encourager l'utilisation des énergies renouvelables, permettra à l'entreprise d'économiser de l'argent tout en contribuant aux efforts européens visant à réduire les émissions de C02 et autres gaz à effet de serre.
Etendus au soleil
Le séchage de produits agricoles tels que les graines fourragères
exige de grandes quantités de chaleur à basse température.
Dans les climats chauds, comme dans le sud de l'Europe et le nord de l'Afrique,
les agriculteurs se contentent d'étendre leurs denrées à
l'extérieur pour les faire sécher et laissent le soleil et
le vent faire le reste. Dans le nord de l'Europe, cette option n'est pas
viable. Mais l'aménagement des lieux et des équipements de
pointe dans la construction peut mettre à contribution l'énergie
solaire pour fournir au moins une partie de la chaleur requise.
La première démarche de DA en vue d'acquérir la technologie dont elle avait besoin fut d'approcher son agence de développement régional la plus proche. L'agence GOM West Vlaanderen ne pouvait offrir une réponse immédiate, mais elle transmit la demande au CRI Flandre, Vlaams Innovatie Adviescentrum (VIA). "Lorsque nous avons reçu cette demande concernant la technologie solaire, nous avons pu y répondre immédiatement car nous avions eu vent d'un projet de démonstration aux Pays-Bas qui semblait correspondre exactement à ce que Dumon Agro recherchait"; raconte Karel Derveaux, de VIA.
La technologie fonctionne de la même manière que l'isolation assurée par les plumes d'un oiseau : en chauffant l'air piégé entre deux couches. Avec l'appui financier d'une organisation gouvernementale néerlandaise, NOVEM (1), le producteur de bulbes De Noordt avait aménagé une cavité sous le toit de l'une de ses salles de séchage et transformé l'ensemble du toit en un vaste collecteur d'énergie solaire. L'air extérieur est attiré dans la cavité où il absorbe la chaleur du toit avant d'être évacué par un conduit et de rejoindre un courant d'air chauffé artificiellement.
Au cours de la saison de séchage 1996/97, 38% de la chaleur nécessaire dans la pièce a été produite par énergie solaire, un total de 152 gigajoules d'énergie, représentant une épargne d'environ 5445 m3 de gaz naturel. De Noordt a estimé que l'amortissement de son investissement prendrait une douzaine d'années. Mais le coût d'investissement de tels appareils de chauffage d'air devrait être inférieur maintenant que leur conception a pu être testée et affinée.
Partenariat transfrontalier
Grâce à NOVEM et au CRI Pays-Bas, M. Derveaux s'est assuré
que la technologie satisferait effectivement les besoins de DA avant de
lui transmettre les coordonnées nécessaires. Une fois faites
les présentations, des délégués de Dumon Agro
ont visité la ferme de démonstration hollandaise, et ce qu'ils
ont pu y voir les a fortement encouragés. Ils ont aussi pris contact
avec Ecofys, l'entreprise d'ingénierie qui avait conçu et
fabriqué le système expérimental, et effectué
une étude complémentaire.
Assisté par GOM, DA a obtenu pour son projet un financement de l'Administration flamande des ressources naturelles et de l'énergie (ANRE), qui aide les entreprises à élaborer des projets de démonstration dans le secteur de l'énergie, conformément aux politiques de l'Union européenne encourageant l'adoption de technologies d'énergies renouvelables.
Avec le soutien d'Ecofys et son conseil spécialisé en conception, l'entreprise a entamé la plus grande partie du travail de conception et d'ingénierie elle-même, et le personnel a rendu de fréquentes visites à la ferme de démonstration aux Pays-Bas. DA a également obtenu l'aide de la VUB, l'Université libre de Bruxelles, et de VITO (1), une importante organisation de recherche flamande.
Réduire les coûts de production et l'émission
de C02
La nouvelle salle, qui porte la capacité totale de séchage
de DA à 7650 m3, a été inaugurée officiellement
par le ministre flamand de l'Economie, Fric van Rompuy, en juillet dernier.
Son toit est composé de plaques noires qui absorbent naturellement
la chaleur du soleil. A peu près à 50 centimètres
en dessous du toit se trouve une cavité dans laquelle l'air est
chauffé rapidement à environ 20oC au-dessus de la température
ambiante avant d'être transféré dans les silos de séchage.
Toute
chaleur supplémentaire nécessaire, par exemple, le soir,
est produite avec du gaz propane. L'année prochaine, les performances
du "toit solaire" seront mesurées par VITO de façon a déterminer
exactement quelle quantité d'énergie il permet
d'économiser.
Outre qu'il constitue un excellent exemple de transfert technologique entre des Etats membres européens, ce projet flamand promet de dynamiser la compétitivité de l'industrie du séchage agricole de la région. Les cultivateurs du nord de l'Europe pourront enfin profiter de cette source d'énergie "gratuite" que leurs collègues méditerranéens utilisent depuis des siècles.
(1) NOVEM et VITO sont tous deux membres du réseau OPET géré par le programme “Innovation et PME" en collaboration avec le programme Joule-Thermie.