Des conflits d'intérêt entre le progrès et l'écologie
Dans notre vie quotidienne, nous ne sommes normalement
pas plus conscients de la façon dont les différentes formes
de production d'énergie déterminent le monde dans lequel
nous vivons que de la relation qui existe entre un approvisionnement en
énergie peu coûteux et la prospérité économique.
Tout ceci n'est pourtant pas gratuit, car la production d'énergie
entraîne en règle générale de lourds préjudices
pour l'environnement.
Ce conflit détermine de plus en plus la politique
de recherche en matière d'énergie. Aucune solution «définitive»
sous la forme de technologies de production d'énergie non polluantes
n'est en vue. Mais des visions existent, qui laissent entrevoir un «futur
énergétique» plus respectueux de l'environnement en
s'appuyant sur diverses technologies innovantes de conversion et d'économie
d'énergie.
La production photovoltaïque de courant
Chaque année, le soleil envoie, sous forme
de lumière et de chaleur, une quantité énorme d'énergie
sur la surface de la terre ; cette quantité d'énergie représente
près de 6000 fois la consommation énergétique actuelle
de la population mondiale.
Mais ceci ne doit pas occulter le fait que pour
l'Europe centrale, le soleil envoie par mètre carré, environ
120 watts en moyenne annuelle sur 24 heures. Cela fixe les limites de l'utilisation
de l'énergie solaire. De grandes surfaces ou des méthodes
sophistiquées pour augmenter la densité d'énergie
sont nécessaires. Se pose ensuite bien sûr le problème
de la conversion. Si l'on ne veut pas seulement utiliser la chaleur, mais
aussi produire directement du courant électrique, il est nécessaire
de disposer d'éléments photoélectriques ou de cellules
solaires. Pour tous les procédés qui visent à convertir
directement la lumière solaire en énergie électrique,
le terme de photovoltaïque s'est imposé.
Ce type de production de courant est certes encore
récent, mais depuis longtemps déjà, il n'est plus
réservé à des applications particulières. Que
ce soit sur le toit d'une maison individuelle ou dans une grande installation
de plusieurs mégawatts, les installations photovoltaïques sont
techniquement réalisables et ont aussi de bonnes chances de devenir
rentables.
La recherche suisse à la pointe du combat
Des chercheurs de renom s'emploient à améliorer
l'exploitation de l'énergie solaire. La recherche fondamentale est
en grande partie soutenue par l'Etat. Ces dernières années,
des esprits inventifs ont obtenu des résultats étonnants
dans les laboratoires des universités et d'autres instituts de recherche
suisses.
Le Professeur Michael Graetzel a inventé
avec son équipe de l'EPF de Lausanne une cellule à colorants
permettant la conversion directe de la lumière solaire en courant.
Presque au même moment, un communiqué de victoire venant de
Neuchâtel a été rendu public: le Professeur Arvind
Shah a pu obtenir un rendement exceptionnel avec une cellule en silicium
dit amorphe ou microcristallin. Enfin, les travaux de Jens Gobrecht et
de ses collaborateurs ont porté leurs fruits: à l'Institut
Paul Scherer de Villingen (Argovie), une équipe dirigée par
le Professeur Meinrad K. Eberle a réussi à produire avec
des cellules monocristallines à faibles pertes une quantité
nettement plus importante de courant à partir de la lumière
solaire.
Le soleil rivalise avec les autres sources sources d'énergie
Un nouveau record a été obtenu avec
les installations photovoltaïques reliées au réseau
suisse: le rendement spécifique moyen des installations a atteint
pour la première fois 890 kilowattheures par kilowatt installé
de puissance de crête (kWh/ kWp). Cet excellent résultat est
vraisemblablement dû surtout à un ensoleillement supérieur
à la moyenne. Au total, 130 nouvelles installations solaires photovoltaïques
ont été connectées au réseau électrique
suisse en 1997. Ceci représente une progression de plus de 60% par
rapport à l'année précédente. Sur la même
période, les puissances installées ont augmenté de
plus de 50% pour atteindre une puissance de crête de 1200 kilowatts.
Fin 1997, plus de 950 installations photovoltaïques d'une puissance
totale de 7,4 mégawatts de puissance de crête fournissaient,
sur l'ensemble du territoire suisse, un courant respectueux de l'environnement
au réseau électrique public.
La qualité des installations en ce qui concerne
les pannes des convertisseurs continu-alternatif avait, avec une disponibilité
de 97%, enregistré une légère baisse par rapport à
l'année précédente, mais se maintenait à un
niveau élevé. Pour ce qui est de la puissance installée
par habitant, la Suisse occupe la première place au niveau international.
Mais l'objectif fixé par le programme fédéral «Energie
2000» est encore loin d'être atteint. Jusqu'à présent,
seulement 15% de la puissance de 50 mégawatts prévue d'ici
à l'an 2000 est installée.
Un sondage réalisé au printemps 1998
dans les 78 centrales électriques a montré que l'intérêt
pour l'énergie solaire était grand. Un million de clients
ont aujourd'hui la possibilité d'acheter auprès de leur fournisseur
de courant de l'électricité solaire ou écologique.
15’000 personnes profitent de cette offre et achètent au moins pour
une partie de leurs besoins en électricité (en moyenne entre
150 et 200 kWh) du courant solaire ou écologique au prix de revient.
L'importance de l'exploitation thermique et photovoltaïque
de l'énergie solaire pour un approvisionnement en énergie
sans incidence sur l'effet de serre est indiscutable. Avec des puissances
installées de 200 mégawatts pour l'exploitation thermique
et de 8 mégawatts pour l'exploitation photovoltaïque, l'infrastructure
est encore trop petite pour peser sur le marché de l'énergie.
Les taux de croissance à deux chiffres des dernières années
dans les composants pour l'exploitation thermique – enregistrés
qui plus est dans une période de forte récession – incitent
à l'optimisme. Cette dynamique du marché, complétée
par des mesures d'encouragement ciblées et la suppression simultanée
d'obstacles latents et manifestes à tous les niveaux, constitue
la base de contributions importantes de cette technique de production d'énergie
écologique.
La photosynthèse
Lorsqu'il est question d'exploitation de l'énergie
solaire et de fines couches servant de convertisseurs d'énergie,
la photosynthèse entre également en jeu. 99% de la biomasse
doivent leur existence à ce phénomène. Il est tentant
de la rendre exploitable, d'autant plus que les plantes sont en mesure
de transformer jusqu'à 36% de la lumière disponible en énergie
électrique pour les processus chimiques suivants ; mais on pourrait
également tirer profit de la production photobiologique d'hydrogène.
Cependant, des procédés réalisables et surtout rentables
appartiennent encore à un futur très lointain.
L'énergie éolienne
La croissance exponentielle de l'énergie
éolienne se poursuit dans le monde entier. Des marchés en
expansion en Europe (Danemark, Allemagne, Espagne, Portugal, Grèce,
Grande-Bretagne, France, Irlande), en Amérique du Sud, en Chine
et en Inde constituent la base de ce secteur économique encore récent.
L'énergie éolienne apporte dès aujourd'hui – en tant
que source d'énergie renouvelable – une contribution importante
à un développement durable.
En Suisse, l'énergie éolienne s'est
développée un peu plus lentement. Dans le cadre d'une étude
de potentiel, des emplacements concrets ont été déterminés,
qui sont parfaitement adaptés à l'utilisation de l'énergie
éolienne, tout en respectant le souci de protection du paysage.
Selon cette étude, 1500 centrales éoliennes pourraient être
installées en Suisse et pourraient produire 1600 GWh (34% des besoins
actuels en électricité), à un coût de production
compris entre 20 et 30 centimes / kWh.
Le Mont-Crosin, dans le Jura Bernois, choisi par
la société Juvent S.A., est l'un des meilleurs emplacements
pouvant être envisagés en Suisse pour l'exploitation de l'énergie
éolienne en raison de son exposition, de sa desserte et de la qualité
du paysage. Malgré cette excellente position, il faut constater
aujourd'hui, après un fonctionnement sans incident des trois puissantes
turbines pendant un an et demi, que les possibilités d'énergie
éolienne dans notre pays, situé au coeur du continent, sont
très réduites. L'énergie éolienne se révèle
être, selon l'expérience acquise par la société
Juvent S.A., un attrayant produit de niche. Comme le montre l'exemple de
la Juvent S.A., elle implique des contraintes élevées, qui
ne peuvent être satisfaites que dans des conditions favorables et
avec des moyens importants. Il convient donc de relativiser - pour la Suisse
-, à la lumière de ces résultats, les attentes euphoriques
et les études de potentiel trop éloignées de la réalité.
Les petites usines hydroélectriques et les
centrales éoliennes fournissent aujourd'hui 890Gwh d'électricité
et de chaleur – plus que ce que l'on pense généralement.
Grâce à leur potentiel, ces trois technologies pourraient
jouer un rôle plus important dans l'approvisionnement énergétique
de la Suisse. Ceci vaut en particulier dans l'optique des objectifs d'exploitation
d'énergies renouvelables fixés par le programme «Energie
2000».
Pompes à chaleur et production combinée de chaleur
et d'électricité
La production combinée de chaleur et d'électricité
est l'un des moyens d'exploiter de façon optimale l'énergie
avec des centrales thermiques conventionnelles. Il est possible avec des
moteurs thermiques, également dans des petites installations proches
du consommateur, d'exploiter les avantages de la production combinée
de chaleur et d'électricité sans grandes déperditions
de chaleur dues à la distribution et sans transport d'énergie.
Des moteurs Diesel ont été proposés dans ce but dès
les années trente et les centrales thermiques en montage-bloc fonctionnant
selon ce principe ont amplement fait leurs preuves. La gamme de puissance
va de 5 à 7000 kW. Les entreprises municipales et l'industrie utilisent
largement ce type de centrales.
Les énergies de substitution restent marginales
Seuls 5% des quantités énormes de
chaleur utilisées pour le chauffage – la moitié des besoins
suisses en énergie – sont produits selon un principe correspondant
aux possibilités techniques actuelles d'exploitation efficace de
l'énergie primaire (pompes à chaleur, centrales thermiques
en montage-bloc, chauffage urbain). Fin 1990, 34’000 pompes à chaleur
fonctionnaient en Suisse, pour une production de chaleur annuelle de 1100GWh.
En 1997, c'étaient déjà 50 000 appareils qui produisaient
chaque année 1600GWh de chaleur. Cette tendance correspond parfaitement
à l'esprit d'«Energie 2000»: 2450GWh de chaleur de plus
qu'en 1990 doivent être produits d'ici l'an 2000 – en utilisant l'énergie
ambiante. L'électricité nécessaire au fonctionnement
des pompes à chaleur doit être économisée ou
produite par des centrales à production combinée de chaleur
et d'électricité.
Dix pour cent de la production d'ici 2010
Les centrales à production combinée
de chaleur et d'électricité pourraient produire en 2010,
avec une puissance électrique installée de 1530 MW, 5’500GWh
de courant et 10’000GWh de chaleur. Ceci correspond à 10% de la
production de courant et de 11% de la production de chaleur. Le gaz naturel,
le fioul, le gaz liquéfié, le biogaz, le gaz de curage, le
gaz produit dans les dépôts d'ordures et le bois sont parfaitement
adaptés – il est vrai, dans des proportions différentes –
pour épuiser ce potentiel. Ainsi, le gaz naturel pourrait contribuer
à 51% à la production de courant, le fioul à 35%,
les biogaz et le bois à 7% chacun. Les ordures ménagères
ne figurent pas dans cette liste des sources d'énergie adaptées
aux centrales à production combinée de chaleur et d'électricité,
bien
qu'on puisse parler, pour les usines d'incinération d'ordures, d'une
«véritable» combinaison de chaleur et d'électricité,
donc d'une production de courant combinée à une production
de chaleur.
L'énergie nucléaire à un tournant
Actuellement, 43% du courant suisse proviennent
de centrales nucléaires. Ce seul chiffre illustre l'importance de
l'énergie nucléaire en Suisse. L'énergie nucléaire
constituera également dans le futur une option de production de
courant. C'est de cette réalité que découlent les
grands axes de la recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire:
La recherche en matière de sécurité – tant au niveau
technique et scientifique que réglementaire – permet d'assurer un
fonctionnement sans incident et un entretien orienté vers la sécurité
des centrales nucléaires existantes. La fusion nucléaire
est également un sujet de recherche auquel on accorde un important
potentiel sur le long terme. Les travaux de recherche sur la fusion s'intègrent
tous dans des programmes internationaux.
La pile à combustible
Accumulateurs et piles à combustible – deux
«vieilles» technologies qui suscitent de grandes espérances.
De nombreux faits indiquent que ces producteurs de courant et des éléments
accumulateurs améliorés pourraient être produits et
utilisés dans quelques années à l'échelle industrielle
(c'est déjà le cas aujourd'hui pour certains produits). Dans
le cas de la pile à combustible, on recherche une production de
courant propre et silencieuse avec un rendement optimisé, dans le
cas des accumulateurs, une augmentation de la puissance volumique et dans
les deux cas une réduction des coûts de production.
On attribue un potentiel d'avenir important à
la technique des piles à combustible, qui consiste à produire
du courant et de la chaleur par voie électrochimique. Si une seule
installation importante, d'une puissance électrique de 200 kW, fonctionne
aujourd'hui en Suisse, on prévoit d'installer des systèmes
d'une puissance cumulée de 10 MW dans les dix ans à venir.
Dans vingt ans, les piles à combustible pourraient fournir un GW.
La possibilité d'utiliser du gaz naturel comme combustible fait
partie des plus de cette technologie.
D'autres avantages de la pile à combustible
sont l'exploitation élevée du combustible, le silence de
fonctionnement et l'absence de vibrations ainsi que le fait que la production
d'énergie a lieu sans formation d'oxyde d'azote, ce qui n'est pas
le cas dans les chaufferies et les moteurs thermiques.
Les petites centrales hydroélectriques
Les petites centrales hydroélectriques fournissent
6% de la production suisse de courant – ce malgré le fait que dans
les années 50 de petites centrales aient été mises
hors service. Un changement de cap a conduit à la remise en service
de nombreuses petites centrales hydroélectriques, dont la puissance
a augmenté d'environ 4,5 MW.
La géothermie
Une méthode élégante pour produire
de l'énergie, mais qui demande beaucoup de moyens et n'est pas réalisable
partout, consiste à utiliser les eaux souterraines naturellement
chauffées par la chaleur de la terre.