X/ Théories de Cesare Marchetti

 
«Idée empruntée à la biologie: acheter un produit, c'est accepter une idée qui se propage comme une épidémie (et cette) loi épidémique correspond à beaucoup de situations, taille des enfants (et même) systèmes sociaux dont on ne voit pas comment les faire dévier d'une espèce de programme, d'une horloge interne» 

«Dépendance séculaire de la consommation d'énergie depuis 1850 (…), son futur (n'est) justifié (que) par son passé: doublement en 50 ans»

Loi "naturelle", fatalité?! Mais ce serait alors simplement la démonstration - supplémentaire et inutile -, que nous ne sommes qu'à la fin de la longue chaîne commencée avec les mammifères ou même les micro-organismes: ce n'est évidemment pas faux biologiquement mais l'humanité se mesure-t-elle seulement au constat de son évolution ? Il est vrai que souvent, elle ne se mesure plutôt à ses déchets, dans tous les sens du mot!

Encore une forme d'assimilation introduite ici (subtilement mais abusivement) entre deux systèmes, l'économie et la biologie: alors que le cycle ‘‘énergétique’’ de la vie est un système fermé où il n’y a ni profit ni même véritablement déchet - et à la limite, il n’y a plus ‘‘environnement’’ -, le cycle du système économique est un système ouvert qui lui, a besoin d’un environnement pour les matières premières et les déchets.

Au sujet de cette différence,  il apparaît une confusion entre les notions ‘‘complexe’’ et ‘‘compliqué’’, ou plutôt nous avons essayé de reproduire (pour - oser - croire remplacer?) la complexité de la nature par des réalisations humaines compliquées: la nature est infiniment complexe, nous ne pouvons pas en expliquer tous les éléments et pourtant il est très facile d’expliquer ses fonctionnements - par exemple le cycle du bois ou même celui de l’eau; à l’inverse, la technologie est très compliquée, nous pouvons en expliquer tous les éléments mais nous sommes incapables d’expliquer ses... dysfonctionnements [143 ] (par exemple l’énergie nucléaire!).

"Systèmes économiques"… Caché sous ces termes se trouve un des concepts clés de plus en plus utilisés, mais ce langage n’est pas innocent car il déforme la perception de manière technique. Considérer un système selon le langage des ingénieurs et des gestionnaires amène à tenter de fixer un minimum de composantes fondamentales et de démontrer leur interdépendance en rapports exclusivement numériques, à décrire les organismes avec une simplicité mécaniste. Le mot «environnement» est ainsi amené à se conformer à cette tendance: à l’inverse du mot  «nature», comme il ne contient aucune vie, il paraît finalement n’être plutôt que comme la somme des limites qui contrarient la dynamique du système économique.

Continuons… Avoir fait figurer à la file, sur des courbes "paramétrisées", toutes sortes d'oeuvres de l'esprit - musique, peinture, recherches scientifiques, Rubbia…-, a d'abord été voulu pour faire sourire (ce qui s'est passé, mais pas forcément parce que l'auditoire était d'accord…): mais comment a-t-on sélectionné? Peut-on quantifier la qualité de la vie?!:

historique de substitution des sources d'énergiesà comparer avec
        (numérisation du transparent de la conférence)
(J.M. Weingart "The Helios Strategy", mai 1981
source Bulletin SEV/VSE, No10/99, mai 1999)
A noter, dans la 1ère, la coupure des prévisions pour le solaire...

Question: quel serait le résultat d'une "courbe de Marchetti" sur le prix du pétrole? En effet, depuis 1860, l'analyse montre qu'il n'y a pas de tendance à la hausse, qu'il y a un prix moyen autour de 15 dollars constants le baril et que les chocs de 1973 et 79 peuvent tout à fait être considérés comme des accidents - en effet, ils ont été déclenchés par des chocs politiques - qui se sont résorbés…

Il est également intéressant de noter dans ces courbes la quasi disparition de l'énergie de la biomasse qui représenterait moins de 1% maintenant: d'où on ne peut qu'en conclure la non prise en compte de la multitude de gens qui l'utilisent dans le monde entier (environ les 2/3…), par exemple en Inde et en Afrique subsaharienne, où le bois de feu [144 ] représente plus de 70% de la consommation énergétique. Nous y retrouvons l'assimilation (avec comme but inavoué, la non apparition dans ces courbes) des ER au seul solaire photovoltaïque…

Notes:

«La poussée d'attention due à Three Mile Island (TMI) et Tchernobyl n'a duré que peu de temps et il est amusant (!?) de voir que le nombre d'articles recensés dans le Spiegel est de sept semaines et après on n'en parle plus»
Quelle "inquiétante" analogie faite selon laquelle les citations d'articles sur Tchernobyl ont suivi la même courbe de Marquetti!:
nombre d'articles sur Tchernobyl selon le Spiegel

Outre le fait que le recueil d'informations n'a été fait que dans un seul journal dans les semaines qui ont suivi (le monde se limite-t-il à la seule Allemagne?!), c'est ignorer délibérément toutes les publications qui continuent de s'en préoccuper, toutes les réflexions internationales depuis l'accident et tous les "sites" Internet qui fourmillent de données et de réflexions continues à ce sujet [146 ].

Note:
Est-il possible de suggérer que le peu d'influence, sur les courbes énergétiques, des guerres, révolutions, etc. - phénomène évoqué - est en grande partie à imputer à l'immense effort de guerre avant et de reconstruction après, amplifié par le fait certain que ces événements ont entraîné de nombreuses découvertes: la meilleure réponse à donner à tous ceux qui affirment l'impossibilité de réorienter rapidement notre économie est de rappeler que nos pays ont été deux fois capables (dans ce siècle), de mobiliser en quelques mois 40% de leurs capacités productives pour la guerre [ 147 ]!



Annotations:
[143]  Idées empruntées à Pierre Lehmann, physicien, lors d'une conférence de l'APAG
Retour au texte
[144]  Pour ne pas rester que dans ces pays: de tous les modes de chauffage, c'est aussi celui qui crée le plus d'emplois et surtout des emplois locaux; pour une municipalité, c'est un moyen de faire du développement local et de motiver les habitants
Retour au texte
[145]  "Les étapes de la croissance économique ", 1960, version française chez Economica, 1997; mais à sa suite, R.Vernon introduira le cycle de vie pour décrire le cycle de vie d'un produit. Avec la vision développée par Colin Clark, l'ensemble constitue ce qu'il est convenu d'appeler le paradigme Clark-Rostow-Vernon
Retour au texte
[146]  Deux exemples:
1) le numéro spécial de la revue " Campus " de l'Université de Genève, dédié à cette problématique: " Au delà de l'ultime catastrophe, de Tchernobyl à Mururoa", No 30, octobre 95 - janvier 96.
2) le numéro 173/174 de la Gazette Nucléaire, dont une grande part est consacré à ce sujet par des scientifiques sur place...
Retour au texte
[147]  Michel Beaud, Alternatives Economiques, hors-série "Mai 1968 - mai 1998", p.39
Retour au texte