ANNEXE 6
"Complexités" de l'effet de serre
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Sommaire
I / La dernière chance du "Sud"
II/ Poleward shifts in geographical ranges of butterfly species associated with regional warming
III/ Des nuages méconnus en haute atmosphère, un signe de plus que notre atmosphère est très malade?
IV/ Réchauffement et ralentissement
V/ Electricité nucléaire / Effet de serre: la pub qui trompe
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I / La dernière chance du "Sud"

La section «Sciences de la Terre et de la planète » de l'Académie des sciences vient de publier la carte végétale de la Terre d'il y a huit mille cinq cents ans, lors du dernier optimum climatique (période chaude). Elle risque fort de faire l'effet d'une petite bombe pour les relations internationales.

Ce document, réalisé par Nicole Petit-Maire, géologue au CNRS d'Aix-en-Provence, suggère en effet les chamboulements géopolitiques qui pourraient survenir très rapidement si le réchauffement global dû aux émissions industrielles de gaz carbonique prévu par les climatologues pour les décennies à venir devait se confirmer.

Pour la géologue d'Aix, cette carte est d'autant plus fiable qu'il ne s'agit pas d'une modélisation théorique de ce que pourrait être l'avenir, mais d'une situation réelle, révélée par la lecture des archives géologiques. Elle explique: «La carte du dernier optimum climatique décrit bien l'acpect écologique de la Terre il y a huit mille cinq cents ans, lorsque la température moyenne était de 2 degrés supérieure à la moyenne actuelle. Ce réchauffement naturel, que la planète a connu par le passé, pourrait fortement ressembler au réchauffement probablement lié, lui, à la présence de l'homme, prévu pour les prochaines décennies.»

Or si, in fine, tel est bien le cas, les pays situés dans les régions péridésertiques, par exemple au Sahel, pourraient bénéficier d'une situation climatique avantageuse, avec à terme la reconquête de ces espaces par une végétation de type arboré favorable au développement de la vie. C'était le cas il y a huit mille cinq cents ans, époque où des pasteurs faisaient paître leurs troupeaux en plein Sahara! A l'inverse, la zone céréalière actuelle, notamment en Europe occidentale, y compris aux Etats-Unis, serait moins propice qu'aujourd'hui à l'agriculture.

«Il s'agirait évidemment d'une catastrophe pour les pays qui perdraient cette ressource », commente Jean Dercourt, géologue à l'université Paris-V et secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences. Autre crainte exprimée par l'auteur dans l'article qui accompagne la carte: l'extension probable des maladies parasitaires transmises par les mollusques et les insectes (malaria, bilharziose, filariose, etc.) jusqu'au sud de l'Europe.

L'augmentation de la température du globe, qui va de concert avec l'amplification de l'effet de serre, promet donc un conflit d'intérêts marqué entre, d'une part, ceux pour qui le réchauffement serait une aubaine - en général le Sud, mais aussi la Sibérie ou l'Alaska - et d'autre par les futurs perdants, c'est-à-dire essentiellement les pays industrialisés. Si ces informations sont aussi fiables que l'espère Nicole Petit-Maire, les premiers grincements de dents vont très vite se faire entendre. «Quelques scientifiques africains qui ont pris connaissance de ce travail commencent déjà à se demander pourquoi ils soutiendraient les résolutions internationales tendant à limiter l'émission des gaz à effet de serre dans l'atmosphère », témoigne Jean Dercourt.

A n'en point douter après ces révélations, l'argumentaire développé par les pays industrialisés sur les méfaits du dioxyde de carbone et du méthane en prend un sacré coup. On peut se demander quel devra être le niveau des compensations pour faire avaler la pilule aux pays du Sud. Dans la gigantesque partie où l'humanité est engagée, les atouts sont donc près de changer de main.

Olivier HERlEL
LE POINT, No 1380, 27 février 1999
II/ Poleward shifts in geographical ranges of butterfly species associated with regional warming

CAMILLE PARMESAN, NILS RYRHOLM, CONSTANTÍ STEFANESCU, JANE K. HILL, CHRIS D. THOMAS, HENRI DESCIMON, BRIAN HUNTLEY, LAURI KAILA, JAAKKO KULLBERG, TOOMAS TAMMARU, W. JOHN TENNENT, JEREMY A. THOMAS & MARTIN WARREN

Mean global temperatures have risen this century, and further warming is predicted to continue for the next 50-100 years. Some migratory species can respond rapidly to yearly climate variation by altering the timing or destination of migration, but most wildlife is sedentary and so is incapable of such a rapid response. For these species, responses to the warming trend should be slower, reflected in poleward shifts of the range.

Such changes in distribution would occur at the level of the population, stemming not from changes in the pattern of individuals movements, but from changes in the ratios of extinctions to colonizations at the northern and southern boundaries of the range. A northward range shift therefore occurs when there is net extinction at the southern boundary or net colonization at the northern boundary.

However, previous evidence has been limited to a single species or to only a portion of the species range. Here we provide the first large-scale evidence of poleward shifts in entire species ranges. In a sample of 35 non-migratory European butterflies, 63% have ranges that have shifted to the north by 35-240 km during this century, and only 3% have shifted to the south.

Nature 399, 579 - 583 (1999)

III/ Des nuages méconnus en haute atmosphère, un signe de plus que notre atmosphère est très malade?

Les chercheurs sont préoccupés par l’apparition de plus en plus fréquente d’un phénomène météo rare, les nuages noctilucents. Ce sont des nuages qui se forment à très haute altitude dans l’atmosphère, à 80 km et plus, là où la température descend sous les –100 degrés. Observés pour la première fois en 1880, on en voit de plus en plus souvent, à des latitudes de plus en plus basses. C’est un signe de plus que notre atmosphère ne se porte pas bien.

Les nuages noctilucents sont très minces. Ils ne s’aperçoivent nettement qu’au coucher ou au lever du Soleil, quand le sol est encore sombre, mais que ses rayons atteignent déjà la haute atmosphère. Ils sont constitués de minuscules cristaux de glace s’accumulant autour de petites poussières de météorites et autres particules en suspension près de l’espace. Ils ne se forment que dans des régions très froides, généralement au-dessus du 50e ou du 60e parallèle, dans les deux hémisphères. Bien qu’associés au froid, les nuages noctilucents seraient plus fréquents à cause des gaz à effet de serre, car si la vapeur d’eau qui monte du sol ne dépasse pas une quinzaine de km d’altitude, le méthane, lui, parvient à atteindre les couches supérieures de l’atmosphère. Et là, les conditions extrêmes le brisent en diverses molécules – dont l’eau. Or, des cultures comme celle du riz et l’élevage bovin libèrent beaucoup plus de méthane aujourd’hui qu’il y a 100 ans.

Autre accusé: encore le CO2 car il refroidit la haute atmosphère. Celle-ci serait beaucoup plus fraîche aujourd’hui qu’il y a de 20 à 50 ans. Tout ce froid aide à la formation de nuages noctilucents. On en a récemment aperçu à la frontière du Colorado et du Nouveau-Mexique, bien en-dessous du 50e parallèle…

Philippe Gauthier
pgauthier@cybersciences.com
Source : ABCNews
site Internet Québec Science

IV/ Réchauffement et ralentissement

La Terre ralentit d'une demi-milliseconde par siècle en raison du réchauffement global.

Grâce aux horloges atomiques, inventées dans les années 1950, les astronomes savent que la Terre ralentit. Contrairement à la conception platonicienne qui a prévalu durant 20 siècles, la Terre ne peut plus être considérée comme une horloge idéale.

Pour sa plus grande part, ce ralentissement résulte de la dissipation de chaleur dans la Terre lors des marées, mais d'autres causes plus subtiles interviennent. En étudiant les variations de la direction des vents dus au réchauffement global, Rodrigo Abarca del Rio, du Laboratoire LEGOS du CNES, à Toulouse, a montré que le réchauffement global ralentit la Terre d'une demi-milliseconde par siècle, soit près d'un tiers du ralentissement total.

Pour la Science, No 263, septembre 1999

V/ Electricité nucléaire / Effet de serre: la pub qui trompe
    «Durant le mois de Juillet, EDF a réalisé une grande campagne de publicité dans la presse écrite (nous avons été oubliés) sur la faiblesse des émissions de gaz à effet de serre liées à la production nucléaire d'électricité. S'il est exact que les centrales nucléaires émettent peu de gaz à effet de serre, elles contribuent en revanche puissamment et directement au réchauffement de la planète. La production d'électricité nucléaire possède en effet un rendement extrêmement médiocre. Pour que vous puissiez disposer d'un kWh chez vous, il faut en griller quatre dans une centrale. Les trois kWh que vous n'utilisez pas partent dans la nature : dans ces immenses tours de refroidissement, avec leur panache de vapeur qui ornent les centrales, et dans les fleuves, dont les eaux en aval d'une centrale nucléaire sont plus chaudes de quelques degrés.
    L'électricité que nous consommons représente 29 millions de tonnes équivalent pétrole (tep), d'après l'Agence internationale de l'énergie (chiffres 1994), produits à 80 % grâce au nucléaire. Mais la production d'énergie des centrales nucléaires pèse, elle, 93 millions de tep (toujours d'après l'AIE). Cela veut dire que 70 millions de tep partent en chaleur dans les fleuves et dans l'atmosphère du fait du nucléaire. Soit l'équivalent de 80 % des 84 millions de tonnes de pétrole que nous brûlons chaque année, ou de 45 % des 159 millions de tep de gaz, pétrole, essence, électricité... consommés par l'ensemble des ménages et des entreprises. Comme contribution à la lutte contre l'échauffement de la planète, on peut faire mieux.»
Alternatives EconomiquesNo 140, septembre 1996