«Droit à l'énergie à tous les humains du 21ème siècle: faire face à un accroissement considérable de la demande» |
«Le discours consistant à dire: on n'a qu'à se priver, on va prendre le vélo, ne signifie rien parce que ceux qui tiennent ce discours sont des gens nantis; (…) dire à la Chine, l'Inde, l'Indonésie de ne pas faire les mêmes bêtises que nous, de vivre sainement, boire de l'eau, etc., je crois que c'est un discours éthiquement condamnable» |
Si on peut être étonné, dans un tel contexte global (besoins primordiaux et financiers, ressources énergétiques et humaines, pollutions, etc.) de l'absence totale de référence à une véritable aberration, je veux parler de la "Dette", le "principe de précaution" a lui, été (à peine) effleuré. Même si la liste suivante risque de ressembler à une liste "à la Prévert" - vache folle, amiante, sang contaminé, trou d'ozone, organismes génétiquement modifiés (OGM), pollutions de l'air ou de l'eau et… déchets nucléaires" -, tous ces "événements" partagent deux caractéristiques frappantes: ils sont les conséquences du progrès des sciences et des technologies, et malgré cela, ils sont mal maîtrisés, mal mesurés et comportent une inquiétante part d'incertitude [150]. Alors, faut-il attendre des preuves absolues (mais cela existe-t-il?…) pour limiter… les dégâts [151]? Il sera alors sans doute trop tard: le principe de précaution recommande de réagir avant.
Mais contrairement à une crainte très souvent exprimée, nous n'en sommes pas encore au moment où ce principe, largement appliqué, bloquerait toute la "machine": on en est plutôt au moment où, comme il n'est absolument pas appliqué, on prend souvent toutes sortes de mesures insuffisantes… Alors agir comment? On s'en doute, ce "principe" n'apporte pas de solution précise, mais un facteur apparaît essentiel: regagner la confiance du public et çà, l'orateur s'en est "évidemment" saisi avec son: «Une nouvelle vague - de l'énergie nucléaire - (vers les années 2020-2030) ne pourra survenir qu'à travers une révolution technologique assurant son acceptabilité»[152]…
Le succès de cette technologie suffira-t-il seul à contribuer à une meilleure acceptation de la communauté à toute l'industrie nucléaire? Et si la technique "nouvelle" sera effectivement plutôt novatrice, n'avons nous toujours pas à «faire face aux défis de demain avec des idées d'hier et des institutions d'avant-hier» [153]?
De par la faible part du nucléaire dans l’énergie mondiale, il est possible de résumer ainsi le jugement d'une grande part de la communauté scientifique: le débat sur le recours ou non à cette énergie est NEGLIGEABLE d’un point de vue global (même si son rôle futur est toujours âprement discuté), point effleuré dans la conférence, mais pour nous préparer à une toute autre conclusion: «hors du "nucléaire nouveau", point de salut»! Et pourtant, paradoxalement, aucun doute là-dessus: considérer le très long terme de la gestion de la planète, bien au-delà de notre propre temps historique, "l'aventure nucléaire" nous y a introduit, nous y force et nous y forcera: si elle a ainsi inauguré une nouvelle classe de problèmes, elle a été et restera une sorte de… laboratoire - trop rapidement défaillant - en matière de risques, de problèmes sociétaux et de démocratie des choix industriels.
Cependant, en déclarant que l'utopie technoscientifique n'est pas la seule issue à la survie de l'humanité, il ne s'agit évidemment pas de vouloir «remplacer les experts - actuellement trop souvent expert en… communication - par des assemblées populaires, mais d'admettre que le "public a sa propre rationalité», comme le dit Claude Gilbert, politologue au CNRS et de dire que «la légitimité des actions collectives ne peut reposer uniquement sur des considérations scientifiques, (… donc) DEBATTRE, débattre, etc. sans négliger le "risque" de récupération de démagogues ou de groupes de pression» [154].
Il faut relever que la notion de doute et d'incertitude en matière
de gestion des risques est complètement différente selon
qu'elle perçue par des scientifiques - dont la démarche a
en quelque sorte le doute comme moteur de l'analyse et de l'expérimentation
- ou par l'opinion publique pour la quelle il est un état de chose
qui pousse à la méfiance. On dit que la justice est aveugle,
on le dit aussi souvent de la science, mais l'homme (et la femme!) de la
rue lorsqu'il est aveugle, trébuche; cette incohérence doit
aussi être une des tâches du politique et les paragraphes "démocratie"
ont tenté d'en apporter un éclairage, sinon une réponse.
«Il faut faire des recherches sur toutes les énergies, recherches soumises actuellement au court terme et handicapées par le bas prix du pétrole, améliorer la prospection pétrolière, améliorer les rendements (des moteurs de voitures), combattre l'effet de serre en augmentant la part de H2, en attendant la (venue de la) pile à combustible dans les 15 ans, avec un rendement de 80%» |
Toute solution passe "naturellement" par la diversité. Il faudra passer de quelques "grands programmes" à des projets plus modestes mais plus nombreux, ainsi que tenir compte de l'ouverture des marchés: «il n'y a pas de réponse globale à des problèmes globaux, il y a des solutions diversifiées selon les géographies, les économies, les ressources et… les événements! En 2100, vous n'aurez ni un tout-nucléaire ni un tout-charbon, mais une dizaine de sources énergétiques, distribuées à même échelle : du charbon, du pétrole, du soleil, etc. Vous n'êtes pas non plus tout-renouvelable, parce que vous ne savez pas faire. En 2100, on doit avoir 60 % de renouvelable et 40 % de fossile» [155]:
Le CME ajoute d'ailleurs que «45% des ER seront couverts par l'exploitation moderne de la biomasse, le reste se partageant entre le solaire (thermique et PV) 20%, éolien 15%, géothermie 7%, petite hydraulique 9% et 3% de l'énergie marémotrice et océanique thermique, le reste provenant de l'hydroélectrique; avec une surprise, ce n'est plus majoritairement dans les PVD, mais aux USA (30%), dans la CE (15%) et au Japon (10%) que sont attendues les capacités de production additionnelles: en effet, même si les ressources exploitables sont le plus souvent localisées dans les PVD, ce n'est pas là qu'est attendue la diffusion des techniques déjà suffisamment mûres et le développement des autres; dans les deux cas, politique et financement publics sont indispensables, conditions vraisemblablement jamais réunies: les pays riches qui possèdent la technologie n'ont pas grand intérêt à la céder gratuitement» [157].
Si cette dernière remarque est hélas assez juste, elle montre que les experts du CME assimilent toujours pénurie d'énergie et bon usage de l'énergie: c'est ainsi (vouloir) oublier les ressources provenant par exemple du remplacement des simples lampes à pétrole (30 fois plus d'énergie que dans les lampes "économes") et des camions et taxi-brousse (souvent 2 fois plus d'essence que leurs homologues modernes bien entretenus). De la même façon entre deux types de télévisions en couleurs haute définition (TVHD): l'une de technologie japonaise, à cristaux liquides, qui consomme 20 watts, et l'autre de technologie européo-américaine, à tube cathodique amélioré, de 500 watts, ce que nous consommions en 1950 avec nos TV en noir et blanc.
Si cela était encore nécessaire, la figure ci-dessus met bien en évidence la faible participation du nucléaire au niveau mondial et donc la possibilité "d'en sortir" sans bouleversements majeurs, pour peu qu'une volonté politique le souhaite et… le décide. On voit aussi, ce qui sans cette figure est moins évident, non seulement la participation montante du solaire (sous toutes ses formes), mais surtout celle de la biomasse (idem).
Une seule certitude: l'avenir énergétique sera, dans sa conception même, complètement autre que ce que nous connaissons, par la multiplication des filières (les systèmes combinés en sont un exemple), des opérateurs et des interconnexions (par les systèmes décentralisés). A ce sujet, la filière nucléaire, au contraire, de par sa centralisation, sa rigidité et sa complexité souffre d'une grande vulnérabilité.
Une condition concernant la "recherche tous azimuts": encore faudrait-il ne pas "piper" les budgets! Par exemple pour la France:
Premier aspect, le constat alarmant (sans être surprenant!) selon laquelle, sur les subventions aux énergies en France en 1995, 1% des crédits publiques de R&D était consacré aux ER [158], 1% aux économies d'énergie, 6% au pétrole et au gaz et… 90% au nucléaire (84% au nucléaire de fission et 6% à la fusion)! (statistique Ademe):
Second aspect, sur le budget de la R&D, 3,9 MdF sur 6,9 sont dédiés au militaire [159]…
Et puis question prix, nous devons rester conscient que s'ils se forment par confrontation de l'offre et de la demande, ils ne sont que partiellement liés aux coûts techniques: ils sont maintenus artificiellement bas (non internalisation, concurrence sauvage, pillage des réserves, etc.) et de plus ils fluctuent sous l'influence complexe de facteurs d'ordres stratégique, politique et même psychologique (rumeurs de conflits et… de découvertes).
Encore une fois, priorité est malheureusement donnée au pétrole par accélération de la prospection; encore une fois (tout juste…) évoqué le combat contre l'augmentation de l'effet de serre qui serait résolu (on a vu que non [160]) par le nucléaire; encore une fois la simple évocation de «l'amélioration des rendements», sans aucun détail alors que, répétons-le, la lutte sur le front de l'efficacité énergétique est non seulement à la base de toutes les recherches actuelles mais la cause et/ou le signe le plus tangible de la non-corrélation consommation / PIB / bien-être… C'est aussi la stratégie qui, en permettant de limiter la consommation d'énergie, rendra crédible une participation importante des ER au bilan global (50% en moyenne) sans créer d'impacts et… de concurrences insupportables.
Un résumé de cette conférence ne pourrait-il donc pas être:
«"On" ne sait pas quelle sera l'énergie du 21ème siècle mais ne nous en faisons pas, la (techno)science trouvera ("bien") des solutions, de nouveaux moyens pour repousser les menaces: espérance d'un… "Rubbia ex machina"[161] » ?! |