III / Energies renouvelables
Ah, les ER!… Elles
font l'objet des discours les plus extrêmes: leurs zélateurs
en font parfois la panacée et reproduisent inconsciemment le discours
qu'ils contestent chez leurs adversaires, ceux-ci se fondant uniquement
sur l'analyse des marchés, ne voient dans les ER qu'un appoint marginal
au bilan énergétique dans un avenir prévisible et
reportent chaque année plus loin la date de ces solutions émergentes
(tiens, nous retrouvons à nouveau cette tentative de montrer - péjorativement
- que si certaines énergies ne sont pas rentables, "certains autres"
ne sont pas solvables).
a) Inconvénients
«le facteur limitant des énergies renouvelables
(particulièrement du solaire - et toujours sans signaler que seul
le PV est envisagé…), la surface nécessaire: 8 km²
de PV pour produire 1 GW» |
1 GW… thermique est-il précisé sur le transparent
mais pas oralement, pour ne pas trop insister sur le piètre
rendement de la filière nucléaire [29]qui
est finalement du même ordre que celle du PV (pourtant encore) émergeant,
c'est-à-dire environ 24% [30]… sans compter
les pertes de transport ou de retraitement [31].:
(transparent de la conférence)
«et encore, cette surface est-elle donnée pour l'Arizona,
alors pour la Suisse il faut bien compter au moins un facteur 5 ou 6». |
Erreur ! Le rapport maximum
sur terre est de 2 avec le… Sahara! Et il n'est que de 1.6
avec l'Arizona: Genève, 1200 kWh/ m2 et Phoenix,
2000 kWh/m2 [32]:
Variation du rayonnement solaire hivernal en fonction de la latitude,
en Wh/m2
Voir en Annexe 1 un élément
de réflexion pour Genève fourni par la Faculté des
Sciences, extrait du magazine Campus intitulé "Energie solaire,
une promesse qui réchauffe", et dont l'introduction commence
justement par "La situation semble particulièrement favorable
à Genève"!
Et ce n'est pas seulement
vrai à nos latitudes:
-
«A photovoltaic plant has been built to demonstrate the production
of solar electricity at latitudes of 60°N. The plant is situated at
Kopparnas, 50km west of Helsinki on the south coast of Finland. The annual
insolation at this latitude is about 20% less than annual insolation in
Central Europe (…)The monthly energy produced by the panels in summer-time
lies between 3,500 - 4,000 kWh, while the energy produced in winter-time
(December) is only about 100 kWh. In March and October the monthly photovoltaic
energy production is about 1,000 kWh
-
Et un avantage dont on ne parle jamais: «Local
benefits of photovoltaics grid support include increased substation transformer
life and reduced operating costs, reduced electrical line losses, increased
availability of transmission capacity, and improved power quality to the
local customers. The reduced voltage imbalances are especially helpful
to the Kerman area's agricultural customers who can expect more reliable
performance from their large pumps and processing equipment. PG&E is
continuing to quantify the various benefits. The system reduces the substation
transformer hot-spot temperature by up to 4°C, which can defer a transformer
upgrade for up to 4 years and provide an economic benefit of $400,000.
Reduced wear on the transformer's load tap changer also provides economic
benefit.» [33]
Notons l'insidieuse répartition de ce tableau qui associe
les énergies fossiles et nucléaire avec leur consommation
en matière, mais les ER avec la surface "consommée":
cela résulte de la reconnaissance inavouée (inavouable?)
que les énergies non renouvelables se trouvent sous
forme
de réserve inexorablement limitée et que les ER
se
présentent sous forme de flux indéfiniment renouvelable…
Il est vrai que ce n'est pas nouveau: les "électriciens" aiment
bien comparer la surface d'une centrale nucléaire avec celle d'une
centrale PV de même puissance et pour bien montrer le caractère
"déraisonnable" du PV, en Suisse ils ont "planté" 500 kW
dans les pâturages de Mont-Soleil, sans (vouloir) voir qu'on
pouvait construire une centrale de même puissance, par exemple sur
la marquise de la gare de Lausanne sans utiliser un seul cm² du sol
helvétique…
Mais ça change: Shell et BP considèrent
maintenant que les ER pourront dépasser les 50% de l'énergie
mondiale en 2050 [34]…
Les ER occupent trop d’espace? Eléments de réponse:
-
Un exemple type est celui du barrage d’Assouan: si l’on
représente la zone inondée suite à sa construction
par un carré de 20 cm, la surface qui suffirait en panneaux photovoltaïques
pour produire la même quantité d’électricité
serait alors représentée par un carré de 5 cm [35]
-
La totalité des besoins en électricité
des USA pourrait être satisfaite par des panneaux photovoltaïques
déployés sur une surface de 59000 km², ce qui représente
entre une et deux fois (selon le rendement) la superficie des seuls champs
de tir et de bombardement de l’US Air Force [36].
-
Le remplacement de toutes les centrales nucléaires par des panneaux
photovoltaïques occuperait la surface des seuls lacs de barrages…
(selon une récente étude de la Banque Mondiale).
-
Pour le nucléaire: 150 à 200 hectares, plus la zone
de dégagement, «si possible 2 à 3 fois plus vaste»
pour 4 tranches de 900 MWe, ce qui fait 6 MW/h. Encore faudrait-il
rajouter l'emprise des mines, des réacteurs de recherche,
de tout le cycle de retraitement, des centrales obsolètes à
démanteler, des sites de stockage et, cerise sur le gâteau,
la surface d'influence, véritable emprise "invisible", de
l'immense transfert international des déchets, aussi bien sur terre,
sur mer, qu'aérien…
-
Pour l'éolien: la compagnie électrique écossaise,
National Wind Power a inauguré en septembre 1997, une ferme éolienne
de 300 hectares - mais dont un seul est occupé par les éoliennes,
le reste étant totalement utilisable: pâturages, plantations,
etc. - de 34 "moulins" (tel est le terme utilisé) de 500 kW, soit
17
MW/h…
Paradoxalement, un grand absent dans l'exposé:
l'éolien,
pourtant en évolution fantastique de 25 % par an, contre 1 % pour
le charbon, 1 % pour le pétrole… et en décroissance pour
le nucléaire [37]:
(Source 1998: Bernard Chabot, "Energies renouvelables et développement durable", Systèmes Solaires No 124
Pour une réactualisation détaillée: http://www.ifremer.fr/dtmsi/colloques/ademe/eol/pdf/comm/ademe.pdf
)
Ah si! Lors de la discussion finale, un auditeur a cru bon de rabâcher
"l'information" (véhiculée par le lobby nucléocrate)
selon laquelle «on trouve des tas d'oiseaux morts au pied des
éoliennes», chose totalement démentie par les faits:
voir pour cela l'Annexe 2.
b) Avantages
«Son mérite essentiel ne vient
pas qu'elle (l'énergie solaire) soit renouvelable - car malheureusement
çà n'intervient pas dans les préoccupations des gens
- mais qu'elle n'est pas liée à un réseau» |
Ce jugement rappelle indirectement que le nucléaire est inéluctablement
maître et esclave de ce réseau et qu'il ne fera que l'amplifier
[38].
Il faudra bien, même au "Nord", revoir la conception même de
réseau de distribution électrique où, au lieu d'avoir
le producteur à un bout et le consommateur à l'autre, on
peut être relié au réseau à la fois comme consommateur
et producteur: pourquoi exclusivement réserver les qualités
des ER ailleurs que "chez nous"?
«La connexion au réseau est d'autant
moins rentable que les usagers sont dispersés et pauvres. Dans certains
pays, le coût d'un raccordement est multiplié par 10 (ou plus)
quand le nombre de foyers, par kilomètre de ligne passe de quelques
dizaines à quelques unités. Dans ces mêmes pays, les
consommations trop faibles des usagers raccordés en moyenne
300 kWh/an augmentent les coûts d'exploitation des réseaux,
ces coûts étant rapportés au kilowattheure livré
: ceci résulte du poids excessif des coûts d'investissement
et d'entretien des lignes électriques, des frais d'Administration
et des pertes en ligne (qui sont supérieures à 15 % dans
50 % des pays en développement !).
Les autorités responsables société
d'électricité, gouvernements, banques internationales
sont donc fondées à privilégier l'électrification
conventionnelle des zones à population dense, et notamment des zones
urbaines. Mais il apparaît alors des effets pervers bien identifiés
: accroissement de l'exode rural vers les villes, gonflant les banlieues
et bidonvilles qui deviennent ingérables et dont les habitants sont
trop pauvres pour se connecter au réseau même s'il passe au-dessus
de leur tête. (par exemple, parmi les 800 000 habitants de Bamako,
75 % ne sont pas abonnés à l'électricité).
D'où aussi la stagnation du pourcentage de populations rurales électrifiées»[39].
Qu'on arrête aussi de croire que les développements seraient
(trop) longs pour répondre aux besoins: entre éoliennes danoises
(et allemandes) ou maisons bioclimatiques (encore) allemandes, plusieurs
pays possèdent déjà un avantage compétitif
qui s'avérera essentiel au siècle prochain. Mais voilà,
sous la pression de mouvements sociaux plus puissants, leurs entrepreneurs
ont pris de l'avance dans la maîtrise de technologies "écologiques"…
«Enfin, il faut tordre le coup à une
idée reçue qui voudrait que l’énergie solaire soit
valable dans le sud mais d’aucun intérêt dans le nord, c’est
faux, totalement faux et c’est même l’inverse qui est vrai. Sans
entrer dans des calculs complexes, nous pouvons pointer les faits suivants
: le nombre d’heures d’ensoleillement est plus élevé dans
le sud que dans le nord ce qui fait que vous pourrez par exemple couvrir
70% de vos besoins en chauffage dans le sud alors que dans le nord vous
ne couvrirez que 40% de vos besoins; mais les besoins sont eux complètement
différents: là où il faut de 6 à 8 mois de
chauffage dans le nord, il n’en faut que 2 à 3 mois dans le sud.
La quantité d’énergie que vous économisez dans le
nord est donc de 40% d’une longue période de chauffage, ce qui représente
plus que les 70% d’une petite période de chauffage que vous économisez
dans le sud. Les pays d’Europe du nord ne s’y sont pas trompés,
ce sont eux qui développent le plus le chauffage solaire. A l’inverse,
un système de chauffage solaire installé dans le sud de l’Espagne
serait impossible à amortir puisque les besoins de chauffage sont
pratiquement nuls»[40].
C'est pour cela que le solaire s'est particulièrement développé
dans des pays comme l'Autriche où 25% des maisons sont équipées
de capteurs solaires, en Suisse (1 km2 de capteurs déjà
installés) ou dans le petit Danemark, où il y a pourtant
cinq fois plus de capteurs qu'en France. Quant aux
piscines anglaises, elles sont systématiquement "solarisées"
depuis plus de dix ans [41].
En fait, réflexion impromptue, le plus gros "handicap" du
soleil ne serait-il pas qu'étant disponible pour toujours et
POUR TOUS, il est… anti-inflationniste, anti-centralisé, "anti-monopolisable",
anti-…tout?! Et ça, "ça gêne": les
Etats n'aiment guère mettre en avant une énergie décentralisée,
par exemple capable de favoriser l'indépendance des régions
qui n'ont à leurs yeux, que trop tendance à rechercher leur
autonomie. La région est pourtant une entité géographique,
administrative et politique qui est à l'échelle convenable
pour développer des programmes de maîtrise de l'énergie
[42]. Ne serait-il pas temps de redécouvrir
l'énergie solaire en tant que ressource de chaque pays, de chaque
région? Pourquoi faut il s'obstiner à vouloir résoudre
depuis Paris et de la même manière les problèmes énergétiques
de régions aussi différentes que la Bretagne et la Corse
?
Annotations:
[29] Paul Valéry: "Il n'est point
de rêverie opposable au théorème de Carnot"
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[30] On pensait d'ailleurs que le rendement
des photopiles ne pouvait pas dépasser 25 à 27 %, mais c'était
un raisonnement avec des cellules planes. Une équipe de recherche
de Harvard, aux USA, a mis au point un laser qui permet d'obtenir des photopiles
en forme de "chou-fleur" avec des micro-cônes qui permettent d'obtenir
de manière expérimentale des rendements de 60 %; reste à
transformer cela en procédé industriel. (source : Courrier
International, 18 février 1999)
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[31] Remarque importante: évolution
du volume des déchets du retraitement pour 1 tonne de combustible
usé à retraiter, à comparer avec 2 m3 pour le stockage
en l'état !:
- 3 m3 de déchets (prévus lors de la conception);
- 1 m3 (déchets de bitumage et recyclage des rejets liquides);
- 0,5 m3 (mise en service de l'atelier de compactage des coques au
1er semestre de l'an 2000), sans commentaire! (Source: exposé de
Mr. Pouilloux COGEMA-La Hague, in G@zette Nucléaire 173/174, 1999,
page 13, éditée par le GSIEN - Groupement des Scientifiques
pour l'Information sur l'Energie Nucléaire -, Orsay)
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[32] Et il y a bien plus de variations en
fonction du rapport rayonnement diffus/rayonnement direct qui peut atteindre
10!
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[33] International Information on Renewable
Energy, http://www.caddet-re.org/
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[34] Les grands groupes énergétiques
prennent le virage des énergies renouvelables, alors que le lobby
nucléaire accroît sa pression en France pour sauver ce qui
peut encore l'être de la filière. Shell estime que les énergies
renouvelables représenteront 5 à 10 % des besoins mondiaux
en 2025 et 50 % en 2050. Et la multinationale anglo-néerlandaise
veut s'assurer 10 à 15 % d'un gâteau qu'elle évalue
à 250 milliards de dollars (135 milliards pour l'éolien,
90 milliards pour la biomasse et 25 milliards pour le solaire photovoltaïque).
Ainsi, Shell crée une cinquième division (Shell international
Renewables) et prévoit d'investir 3 milliards de francs dans ce
secteur au cours des cinq prochaines années. La firme ne part pas
de zéro : elle produit déjà des cellules photovoltaïques
aux Pays-Bas avec une capacité de 5 mégawatts par an et a
acquis 120 000 hectares de forêts pour l'exploitation énergétique
de la biomasse (Alternatives Economiques, No 156, février
1998)
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[35] Stephen Karekesi, FWD (Foundation for
Woodstove Dissemination, Kenya)
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[36] Electric Power Research Institute, CA
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[37] Worldwatch Institute, Washington.
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[38] Denis de Rougement déclarait que
le pouvoir d'Etat est «systématiquement en faveur de ce
qui est grand, centralisé, dangereux et cher» !
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[39] Les limites des réseaux centralisés,
Fondation Energies pour le Monde
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[40] Yves Accard, site Internet "future energy",
op.cit.
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[41] Les Verts, "Le nucléaire et
la lampe à pétrole", l'Esprit frappeur, p. 126
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[42] B. Laponche et al, Maîtrise
de l'énergie pour un monde vivable, ICE, 1997, p. 41
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