Paris, le 5 avril 2000. Le Centre national d'information indépendante
sur les déchets (CNIID) a rendu public ce matin un rapport du ministère
de l'Environnement faisant état d'une contamination des cendres
d'incinérateurs par les dioxines. Alors que le ministère
communique beaucoup sur les dioxines sortant des cheminées d'incinérateurs,
ce rapport sorti et consciencieusement enterré en mars 1997 apporte
la preuve que les incinérateurs rejettent également des dioxines
par les cendres toxiques qu'ils produisent (1).
« Pendant que tout le monde a le nez en l'air
à admirer les vrai-faux chiffres des dioxines sortant des cheminées
d'incinérateurs, le ministère de l'Environnement évacue
chaque année ni vu ni connu des centaines de milliers de tonnes
de cendres toxiques contaminées aux dioxines pour fabriquer des
routes ou servir de remblai. » a déclaré Pierre-Emmanuel
Neurohr, directeur du CNIID. « Or, depuis trois ans, le ministère
de l'Environnement sait que ces cendres sont contaminées aux dioxines...
» (2).
Bien qu'une circulaire de mai 1994 interdise leur
utilisation « à moins de 30 m d'un cours d'eau », ces
cendres sont officiellement et depuis cette date considérées
comme globalement "valorisables" en travaux routiers, et peuvent donc être
maniées sans aucune précaution particulière par des
engins de chantier.
Cette "valorisation", qui consiste, si on veut bien
parler français, à éparpiller des cendres contaminées
à la dioxine, prend des formes diverses et variées et se
pratique dans à peu près toutes les régions de France.
Ainsi, dans l'Est de la France (Meuse), l'incinérateur de Tronville
brûle des déchets ménagers et des déchets hospitaliers.
Il a trouvé un débouché pour ses cendres à
la dioxine car il expérimente actuellement un « chantier-pilote
»Š en déversant des centaines de tonnes à proximité
du village de Tronville sur des chemins forestiers. Cela doit certainement
"valoriser" les promenades du dimanche. En Bretagne, l'incinérateur
de Pluzunet a même fourni ses cendres à la dioxine à
des agriculteurs.
En région parisienne, qui a pratiquement
tout misé sur l'incinération, l'Observatoire régional
des déchets d'Ile-de-France (Ordif) estime que l'incinération
produit plusieurs centaines de milliers de tonnes de cendres, dont la majeure
partie est "recyclée" pour fabriquer des routes. Là non plus,
aucune prise en compte de leur contamination par les dioxines. Dans le
sud de la France, à Sète, l'incinérateur est littéralement
en train de disparaître sous ses propres déjections. Des montagnes
de cendres se sont formées, mais personne n'a été
informé du fait qu'elles contiennent des dioxines.
Officiellement, à peu près la moitié
de ces cendres à la dioxine est envoyée dans de simples décharges
d'ordures ménagères, sans plus de précautions, mais
les industriels font actuellement pression pour développer au maximum
la "valorisation" dans la fabrication de routes. En effet, la mise en décharge
coûte plusieurs centaines de francs par tonne, tandis que s'en débarrasser
auprès d'entreprises de travaux publics est gratuit. Avec plus de
3 millions de tonnes de cendres produites chaque année par les incinérateurs
français, les bénéfices espérés approchent
le milliard de francs.
M. Neurohr a demandé solennellement à
Dominique Voynet « d'arrêter immédiatement tout déversement
dans la nature de ces cendres à la dioxine » et rappelé
la nécessité de la mise en place d'un moratoire sur la construction
d'incinérateurs de déchets afin de ne pas faire empirer une
situation déjà critique.
Pour plus d'information, contacter Pierre-Emmanuel
Neurohr au 01 55 78 28 60 ou au 06 12 11 04 51. Le CNIID peut fournir les
coordonnées des associations de terrain confrontées aux cendres
à la dioxine.
(1) Etude des caractéristiques intrinsèques de certains
déchets des usines d'incinération d'ordures ménagères
et de déchets industriels spéciaux, Ministère de l'Environnement
et Tiru, mars 1997.
(2) Alors qu'un incinérateur peut légalement rejeter
600 ng (nanogramme ou 10-9 g) de dioxines par sa cheminée par tonne
brûlée, ce sont 2500 ng qui sont éparpillées
par le biais des cendres pour chaque tonne brûlée.