EOLIEN REMIS EN CAUSE
Le potentiel de l'énergie éolienne est remis en cause par un rapport parlementaire
(Source: Le Monde, 5/11/2001)

Ce texte préconise d'investir dans le solaire et les biocarburants...
    L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques vient de rendre public un rapport sur les énergies
renouvelables. Ses conclusions sur l'énergie éolienne tranchent avec les orientations prises par la France et l'Union européenne. Les
auteurs de cette étude préconisent plutôt un recours au solaire et aux biocarburants. Les partisans de l'éolien critiquent vivement ces
conclusions.
    "L'éolien n'est pas en France, ni dans aucun pays développé, la solution miracle." Telle est la conclusion du rapport que vient
de rendre public l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Un jugement qui tranche avec la
stratégie adoptée, dans ce domaine, par l'Union européenne et par la France.
    Pour satisfaire au protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'Union européenne a choisi de
privilégier le recours à "l'électricité verte", c'est-à-dire à l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables, principalement l'énergie
éolienne. Une directive récente prévoit d'accroître de 14 % à 22 %, d'ici à 2010, la part des énergies renouvelables dans la
consommation d'électricité des Quinze. En ce qui la concerne, la France s'est engagée à porter cette part, qui est aujourd'hui de
15 % (pour l'essentiel grâce aux grands barrages hydroélectriques), à 21 % d'ici dix ans. Et, pour atteindre cet objectif, les pouvoirs
publics et EDF misent prioritairement sur l'éolien.
    Or, estiment les auteurs du rapport, Claude Birraux, député (UDF) de Haute-Savoie et Jean-Yves Le Déaut, député (PS) de
Meurthe-et-Moselle, "la France ne peut se contenter d'une focalisation sur l'électricité renouvelable et encore moins d'une
monospécialisation sur l'éolien". Sans rejeter le recours à cette filière, les rapporteurs notent que l'obligation de coupler les
éoliennes à des moyens classiques de production d'énergie, pour les relayer en l'absence de vent, limite d'autant le bénéfice attendu
sur les émissions de gaz carbonique.
    En outre, soulignent les deux députés, les investissements exigés sont considérables : "Le coût des 14.000 mégawatts éoliens
installés nécessaires pour satisfaire à la directive européenne sera de l'ordre de 120 milliards de francs." Dans ces conditions,
mieux vaut miser sur l'énergie solaire thermique et sur les biocarburants, car, affirment-ils, "la rentabilité d'un programme
ambitieux dans ces domaines sera considérablement plus élevée ".

"UNE PRIORITÉ ABSOLUE"
    Cette argumentation s'appuie sur un constat simple, mais insuffisamment pris en compte, selon eux, par les pouvoirs publics. Parmi les
grands secteurs consommateurs d'énergie en France, "le résidentiel-tertiaire et les transports connaissent une explosion", tandis
que l'industrie a réussi à stabiliser ses besoins, la part de l'agriculture étant négligeable.
    Dans le secteur résidentiel comme dans le secteur tertiaire, le chauffage et la fourniture d'eau chaude constituent le principal poste de
consommation énergétique, à hauteur respectivement de 80 % et de 60 %. Le développement du solaire thermique, particulièrement
bien adapté à ces besoins, apparaît donc aux rapporteurs comme "une priorité absolue". Ils estiment que 20 millions de tonnes
équivalent pétrole pourraient être ainsi économisés, à l'horizon 2010-2015, dans les secteurs résidentiel et tertiaire.
    Une économie de même grandeur pourrait aussi être réalisée selon eux dans les transports, par l'utilisation massive de biocarburants
(diester de colza ou de tournesol, éthanol...). Au total, "l'économie réalisée chaque année pourrait atteindre 40 millions de
tonnes équivalent pétrole, soit 60 milliards de francs, sur une facture énergétique qui a atteint 150 milliards de francs en
2000". Avec comme résultat "une réduction de 30 % de nos émissions de gaz carbonique".
    Aussi l'Office parlementaire, qui a approuvé le rapport à l'unanimité, conseille-t-il de lancer deux grands programmes nationaux. Le
premier sur le développement du solaire thermique, avec comme objectif d'atteindre une production de 1 million de m2 de
capteurs solaires en 2010. Le second sur la production de biocarburants, grâce à l'affectation de 4 millions d'hectares à des cultures
énergétiques.
    Ces objectifs, insistent les rapporteurs, supposent tout à la fois une volonté politique, des incitations fiscales et une implication des
industriels. Mais ils exigent aussi "un changement d'échelle des efforts de recherche et développement consentis jusqu'à ce
jour". La France fait, il est vrai, figure de lanterne rouge en matière de recherche publique sur les énergies renouvelables.
    Au cours des quinze dernières années, elle y a consacré 130 millions de dollars, soit un investissement deux fois et demi inférieur à
celui du Royaume-Uni et dix fois moindre que celui de l'Allemagne. Et le fossé est abyssal avec les Etats-Unis et le Japon, qui
dépensent annuellement 200 millions de dollars. "Dans la quasi-totalité des filières d'énergies renouvelables, la recherche
publique française souffre d'un retard", déplorent les parlementaires. Or "le gain attendu du solaire thermique et des
biocarburants justifie un accroissement massif de la recherche".

Pierre Le Hir