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Les céramiques supraconductrices se
comportent-elles comme des métaux ou des isolants? Cette question
tourmente bien des physiciens depuis la découverte de ces matériaux
très spéciaux qui conduisent l'électricité
sans résistance. Mais des chercheurs de l'Université de Sherbrooke
(CAnada) semblent enfin avoir élucidé le mystère.
À environ -150 ºC, les électrons au sein de certaines
céramiques adoptent des comportements étranges: ils se mettent
à voyager par paires et conduisent l'électricité sans
la moindre perte. À des températures plus clémentes,
les électrons se séparent de leurs conjoints et les matériaux
redeviennent de très mauvais conducteurs électriques, un
peu comme la faïence.
Les céramiques étudiées
par le professeur Louis Taillefer, de l'Université de Sherbrooke,
et ses collaborateurs possèdent cette propriété très
recherchée. Elles sont constituées de cristaux d'une grande
pureté faits d'un mélange complexe d'yttrium, de baryum,
de cuivre et d'oxygène (YBaCuO, dans le jargon). Afin de sonder
leur nature profonde, les chercheurs les ont soumises à des champs
magnétiques extrêmement puissants au Laboratoire national
de champs magnétiques pulsés de Toulouse, en France.
Après cinq ans d'efforts, ils ont enfin
pu enregistrer dans les céramiques de minuscules fluctuations –
appelées oscillations quantiques – dans la résistance qu'ils
opposent au passage du courant. «Ces oscillations sont la signature
la plus claire du comportement des électrons dans un métal»,
explique Louis Taillefer. Et voilà une partie de l'énigme
enfin résolue: les céramiques supraconductrices se comportent
comme des métaux.
La nouvelle a voyagé dans le milieu
scientifique avec autant de facilité que les électrons dans
un supraconducteur. Deux semaines après la soumission du manuscrit
à la revue Nature, il était accepté.
Et la découverte a d'autres implications.
L'état supraconducteur constitue une phase de la matière
qui dépend de la température, un peu comme la glace et l'eau.
Mais en sondant les YBaCuO, l'équipe a identifié une toute
nouvelle phase de la matière située entre l'état supraconducteur
très froid et l'état de «mauvais conducteur»
à plus haute température. Une marge thermodynamique étroite
dans laquelle des dizaines de chercheurs vont bientôt se précipiter
afin de faire progresser cette science. «On creusait dans une
mine de charbon et on vient de trouver une veine d'or, dit Louis Taillefer.
On va maintenant commencer à exploiter le filon.»
Grâce aux oscillations quantiques, le
chercheur espère apprendre comment fabriquer de meilleurs matériaux
supraconducteurs et, qui sait, accomplir un jour le grand œuvre de cette
discipline: créer des supraconducteurs qui fonctionnent à
température de la pièce. Des lignes à haute tension
sans aucune perte de courant aux ordinateurs quantiques, en passant par
les trains à lévitation magnétique, les applications
de la supraconductivité se compteront alors par centaines.
Le dompteur d'électrons fous
Le 27 février 2007, Louis Taillefer
a entendu le chant des électrons! Cette découverte, la plus
importante de ce physicien qui détient déjà la Bourse
Steacie, la Médaille Herzberg et le Prix Marie-Victorin, a fait
l'objet de deux publications dans la revue Nature, cette année.
Depuis, il en a perdu le sommeil. Nuit et jour, il cherche à percer
le mystère de la supraconductivité.
Québec Science: Que s'est-il passé le 27 février
2007?
Louis Taillefer: Depuis la découverte des supraconducteurs,
il y a eu beaucoup de spéculation sur leur nature profonde. Isolants
ou métaux? Nos observations ont permis de trancher. Maintenant,
on sait que les supraconducteurs se comportent comme des métaux.
On a aussi découvert des choses très surprenantes. Par exemple,
que la densité des électrons y est 10 fois plus faible que
ce qu'on soupçonnait. Tout cela ouvre la porte à une meilleure
compréhension du comportement des électrons.
Pour expliquer ce que tout cela va changer,
j'aime faire une analogie avec les transistors et les semi-conducteurs
que les physiciens étudiaient au début du XXe siècle.
En 1947, la compréhension que l'on avait du comportement des électrons
dans un semi-conducteur était assez fine pour concevoir le transistor,
qui est en fait un sandwich de semi-conducteurs. Ce fut le début
d'une véritable révolution technologique qui nous a menés
jusqu'à la mise au point du moteur de recherche Google!
Notre connaissance actuelle des nouveaux
supraconducteurs à «haute température» équivaut
à ce qu'on savait des semi-conducteurs avant les années 1940.
On comprend mal le comportement des électrons dans ces matériaux
et pourquoi ces derniers sont supraconducteurs jusqu'à -150°C.
QS Bien malin qui saurait dire si on pourra un jour conserver les
propriétés des supraconducteurs à température
ambiante.
LT Depuis notre observation des oscillations quantiques, au printemps
2007, les choses sont allées très vite; le brouillard des
20 dernières années se dissipe enfin! J'estime que, d'ici
un an, on devrait avoir fait toute la lumière ou presque sur le
comportement des électrons dans ces matériaux. Ensuite, il
faudra découvrir quel paramètre ajuster pour atteindre la
température ambiante. Si on réussit, la révolution
technologique sera aussi importante que celle qui a suivi le développement
du transistor. |
Ce qui rend la supraconductivité
si intéressante, c'est la cohérence des électrons.
C'est un phénomène qui rappelle celle de la lumière.
Comparons une ampoule incandescente et un faisceau laser. Dans le cas de
l'ampoule, la lumière est moins puissante, parce qu'il n'y a pas
de cohérence entre les photons: ils partent dans toutes les directions
selon différentes fréquences. Mais avec le laser, le faisceau
est cohérent, donc beaucoup plus puissant. Si on applique cela dans
le domaine du transport des électrons, le fil de cuivre est comme
la bonne vieille ampoule, alors que le supraconducteur serait le laser.
Dans le transistor, qui nous a rendu de
si fiers services, il n'y a pas de cohérence entre les électrons,
alors qu'avec la supraconductivité, on entre dans la filière
cohérente de l'électronique.
QS Et si on rêvait à ce qu'on pourra peut-être
un jour accomplir avec toute cette puissance?
LT Notre imagination est beaucoup trop limitée pour prédire
ce qui arrivera si on peut atteindre la supraconductivité à
température ambiante. Parmi les avantages qu'on cite souvent, il
y a le transport de l'électricité sans perte d'énergie
ou les trains à lévitation magnétique, ou l'ordinateur
quantique; mais c'est beaucoup plus que cela. La supraconductivité
peut nous mener à la téléportation ou à la
simultanéité à distance! On pourra amener le monde
quantique à l'échelle humaine. Pour le moment, on cherche
encore à comprendre, mais nous allons bientôt trouver la clé.
Je le sens!
A better understanding of material could bring
'endless applications'
CAMBRIDGE, Mass.--MIT physicists have taken a step toward understanding
the puzzling nature of high-temperature superconductors, materials that
conduct electricity with no resistance at temperatures well above absolute
zero.
If superconductors could be made to work at
temperatures as high as room temperature, they could have potentially limitless
applications. But first, scientists need to learn much more about how such
materials work.
Using a new method, the MIT team made a surprising
discovery that may overturn theories about the state of matter in which
superconducting materials exist just before they start to superconduct.
The findings are reported in the February issue of Nature Physics.
Understanding high-temperature superconductors
is one of the biggest challenges in physics today, according to Eric Hudson,
MIT assistant professor of physics and senior author of the paper.
Most superconductors only superconduct at
temperatures near absolute zero, but about 20 years ago, it was discovered
that some ceramics can superconduct at higher temperatures (but usually
still below 100°K, or -173°C).
Such high-temperature superconductors are
now beginning to be used for many applications, including cell-phone base
stations and a demo magnetic-levitation train. But their potential applications
could be much broader.
"If you could make superconductors work
at room temperature, then the applications are endless," said Hudson.
Superconductors are superior to ordinary metal
conductors such as copper because current doesn't lose energy as wasteful
heat as it flows through them, thus allowing larger current densities.
Once a current is set in motion in a closed loop of superconducting material,
it will flow forever.
In the Nature Physics study, the MIT researchers
looked at a state of matter that superconductors inhabit just above the
temperature at which they start to superconduct.
When a material is in a superconducting state,
all electrons are at the same energy level. The range of surrounding, unavailable
electron energy levels is called the superconducting gap. It is a critical
component of superconduction, because it prevents electrons from scattering,
thus eliminating resistance and allowing the unimpeded flow of current.
Just above the transition temperature when
a material starts to superconduct, it exists in a state called the pseudogap.
This state of matter is not at all well understood, said Hudson.
The researchers decided to investigate the
nature of the pseudogap state by studying the properties of electron states
that were believed to be defined by the characteristics of superconductors:
the states surrounding impurities in the material.
It had already been shown that natural impurities in a superconducting
material, such as a missing or replaced atom, allow electrons to reach
energy levels that are normally within the superconducting gap, so they
can scatter. This can be observed using scanning tunneling microscopy (STM).
The new MIT study shows that scattering by
impurities occurs when a material is in the pseudogap state as well as
the superconducting state. That finding challenges the theory that the
pseudogap is only a precursor state to the superconductive state, and offers
evidence that the two states may coexist.
This method of comparing the pseudogap and
superconducting state using STM could help physicists understand why certain
materials are able to superconduct at such relatively high temperatures,
said Hudson.
"Trying to understand what the pseudogap
state is is a major outstanding question," he said.
Lead author of the paper
is Kamalesh Chatterjee, a graduate student in physics. MIT physics graduate
students Michael Boyer and William Wise are also authors of the paper,
along with Takeshi Kondo of the Ames Laboratory at Iowa State University
and T. Takeuchi and H. Ikuta of Nagoya University, Japan.
The research was funded by the National Science
Foundation and the Research Corporation.
Written by Anne Trafton, MIT News Office
Contact: Elizabeth Thomson
thomson@mit.edu
617-258-5402
Massachusetts Institute of
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