Des chercheurs du laboratoire Argonne
aux USA ont résolu une énigme datant de près de 20
ans. A cette époque, le monde de la physique du solide était
en effervescence à cause de la découverte des supraconducteurs
à haute température critique. Problèmes: alors que
la supraconductivité des autres cuprates résultait en majorité
d'un dopage en trous positifs dans leur structure, celle des R2CuO4
résultait d'un dopage en électrons d'une part et ces cuprates
nécessitaient d'être chauffés au cours de leur synthèse
d'autre part. Pourquoi?
Structure d'un supraconducteur Pr1-xLaCexCuO4. Un feuillet
d'oxydes de terres rares alterne avec un feuillet de CuO2 (Crédit:
Laboratoire Argonne).
Rappelons que la supraconductivité est
la propriété d'un matériau de conduire de l'électricité
sans résistance en dessous d'une température critique. Jusque
vers 1986, cela nécessitait de refroidir un matériau adéquat
presque au zéro absolu.
Or, si le même phénomène
pouvait se produire à température ambiante, cela révolutionnerait
notre technologie en permettant de stocker et de conduire de l'électricité
sans perte à volonté. On en est loin, c'est pourquoi toute
compréhension du mécanisme de supraconductivité à
haute température, comme dans les LBCO et autres cuprates, est potentiellement
important. Pour le moment, le record de température est d'environ
130°K, c'est encore loin des 273,12°K de notre 0°C!
Personne ne comprenait pourquoi l'étape
de chauffage était nécessaire pour les cuprates R2CuO4
(où R indique la présence des éléments Nd,
Pr, La, Ce ). Celle-ci ne semblait altérer ni la formule chimique
ni la structure cristalline. |
Passait encore le fait qu'un dopage en électrons de la structure
soit important car, ce qui compte, ce n'est pas le signe de la charge mais
le fait qu'il y ait des charges libres. Elles sont obtenues en modifiant
légèrement la structure de l'isolant initial utilisé
pour synthétiser un supraconducteur. Mais pourquoi diable fallait-il
aussi chauffer?
Une équipe composée pour l'essentiel
de membres du laboratoire Argonne et des Universités du Tennessee
et Brigham Young s'est alors attelée à la tâche en
utilisant les puissantes techniques de diffractions par rayons X et neutrons.
Le résultat a été la publication suivante dans Nature
Materials, où l'explication du phénomène est donnée.
Le commentaire de Stephan Rosenkranz, un des
chercheurs impliqué est le suivant «Notre découverte
ouvre la porte à la compréhension du mécanisme derrière
le phénomène de supraconductivité pour les matériaux
dopés avec des électrons» et il ajoute «Nous
n'avions pas réalisé que les interconnexions entre ce phénomène
et la structure des cuprates étaient si subtiles. Mais maintenant,
nous comprenons ce qui détermine leur supraconductivité et
sur quels paramètres jouer».
Un groupe a donc utilisé la diffraction
par rayons X pour étudier très précisément
la répartition des atomes de cuivre, alors qu'un autre groupe dans
l'équipe s'est concentré sur les atomes d'oxygène
avec la diffraction des neutrons. Conclusion: Lors du chauffage,
il apparaît de subtiles et fines corrélations dans des changements
de places de ces atomes dans la structure cristalline du cuprate. C'est
la structure cristalline obtenue qui se trouve être parfaite pour
produire un état supraconducteur. De plus, le phénomène
est réversible. En modifiant à nouveau les « défauts
» obtenus par le chauffage, on peut ramener le matériau dans
une structure impropre à la supraconductivité. C'était
ces subtiles modifications de la position des atomes qui avaient jusqu'ici
échappé à toutes détections!
http://arxiv.org/ftp/cond-mat/papers/0701/0701345.pdf |