RESEAU SOL(ID)AIRE DES ENERGIES !
Les "ER" au service du développement
MAROC

Source ADIT, juin 2006
Les énergéticiens planchent sur le futur du secteur

    Durant deux jours, le Haut commissariat au Plan, en compagnie d'experts nationaux et internationaux, ont planché sur le thème de la «Prospective énergétique du Maroc : enjeux et défis». L'objectif était, au terme de ce séminaire qui a eu lieu les 9 et 10 juin, d'élaborer des scénarios au niveau énergétique. Il s'inscrit «dans la réflexion prospective conduite par le Haut commissariat au Plan, sous le Haut patronage de S.M. le Roi Mohammed VI, sur le Maroc 2030», explique Ahmed Lahlimi Alami, Haut commissaire au Plan.
 

    Jamais autant l'énergie n'a été une question au centre de l'inquiétude des gouvernements et des opinions publiques. Avec la flambée des cours du pétrole, la maîtrise de l'énergie, le développement des énergies renouvelables, celui du nucléaire et, enfin, le renforcement de la recherche dans le domaine des nouvelles technologies, sont devenus des sujets centraux dans les stratégies de développement des nations et de la communauté internationale. Outre la place qu'occupe la sécurité énergétique, le débat est aujourd'hui orienté vers quel type d'énergie pour demain.

Comment intégrer les énergies durables dans l'activité économiques?
     Le Maroc n'a pas de pétrole. Il consomme 15 millions de TEP dont 60% en pétrole. Il en importe 95%, ce qui pèse lourdement sur ses équilibres économiques et financiers. Ses achats d'or noir représentent 20% des importations globales et constituent près de 50% du déficit commercial. Les subventions accordées pour le soutien des prix intérieurs des produits pétroliers avoisinent l'équivalent de 25% des dépenses d'investissement du budget général de l'Etat, dont un tiers pour le gaz.
    C'est la rançon de la lutte contre l'usage abusif du charbon de bois qui assure 20% de la consommation énergétique nationale, au prix d'une dégradation du patrimoine forestier de l'ordre de 5.000 hectares par an.
    «Ces contraintes pèsent sur les chances actuelles du développement durable, alors que la consommation énergétique nationale de 0,4 TEP par habitant est encore bien limitée puisque inférieure aux besoins potentiels de croissance économique et de niveau de bien-être social et de développement humain», indique le Haut commissaire.
    L'amélioration des niveaux de vie qui est attendue, notamment dans le monde rural, devrait de toute évidence s'accompagner d'une accélération de la consommation des ménages. Des études avaient montré que, de 1985 à 2001, malgré un développement humain limité, les dépenses des ménages en électricité et en butane ont augmenté de 9,1% par an, soit un rythme deux fois plus élevé que celui de la dépense par habitant.
    Pour faire face à cette situation, le Maroc mise, en premier lieu, sur les effets d'une politique de réforme institutionnelle du secteur et de libéralisation du marché énergétique. Les réformes sont engagées depuis 1994. L'opérateur public ne contribue plus aujourd'hui que pour 32% de la production d'électricité alors que le secteur des hydrocarbures et celui de la distribution de l'électricité sont complètement libéralisés. Par ailleurs, de par sa position géographique, le Maroc est devenu membre du forum euro-méditerranéen et a facilité la réalisation d'interconnexions électriques et gazières permettant, dans un cadre de complémentarité des ressources et des réseaux, d'optimiser les investissements et de mieux sécuriser l'approvisionnement.
    Le tout a été accompagné de réformes tarifaires et fiscales concernant les produits pétroliers et l'électricité.
    D'autre part, la recherche et l'exploitation pétrolière ont bénéficié, au cours de la période 2000-2005, d'un contexte dynamique nouveau grâce, notamment, à l'amendement, dans un sens particulièrement libéral, du Code des hydrocarbures. Les investissements dans l'activité de recherche pétrolière ont ainsi quadruplé en moins de 5 ans, et le nombre de sociétés opérant dans le domaine de l'exploration et de la production pétrolière, multiplié par 2,5. «Les investissements sur la prochaine décennie devraient atteindre 15 à 18 milliards de dollars. C'est la contribution du secteur énergétique au plan Emergence», souligne Abdellah Alaoui, président de la Fédération de l'énergie.
    Outre les espoirs fondés sur les indices prometteurs relevés par les prospections en cours, le Maroc, grâce à une meilleure gestion de ce secteur, ne manque, d'ores et déjà, pas de marges potentielles pour réduire sa dépendance énergétique ; et ce, grâce à une conversion plus efficace des combustibles fossiles, la cogénération combinant la production d'électricité et de chaleur, et une utilisation des combustibles fossiles à faible teneur en carbone qui peuvent en constituer des vecteurs appréciables.
    Un gisement important d'économie réside sûrement dans la réduction de la consommation dans le domaine des transports, particulièrement par le rajeunissement du parc, l'introduction de véhicules à faible intensité énergétique, l'utilisation du GPL (gaz de pétrole liquéfié) et surtout le renforcement du transport en commun.
    En outre, le Maroc dispose, pour l'avenir, d'un potentiel de production non négligeable, constitué surtout par un gisement important en énergies renouvelables évalué à 6.000 MW d'origine éolienne, 5 kWh/m2/j d'origine solaire et 200 sites pour l'exploitation de systèmes mini-hydrauliques.

Il dispose, de surcroît, de 93 milliards de tonnes de schistes bitumineux, d'un potentiel en économie d'énergie estimé à 15% de la consommation des secteurs industriels et tertiaires, et d'un potentiel d'hydrocarbures que laissent espérer les structures géologiques de son sous-sol.
    Enfin, les opportunités offertes par le développement du nucléaire présentent un autre potentiel à explorer. Malgré la complexité et le coût des technologies requises par cette forme d'énergie, notre pays se doit cependant d'inscrire, dès à présent, sa réflexion et ses études dans cette perspective considérée aujourd'hui par plusieurs pays, de plus en plus, comme incontournable. Le débat doit être ouvert estime les spécialistes.
    Dans le contexte international, fortement perturbé et d'une visibilité douteuse, le Maroc se doit de penser son avenir et de préparer ses options pour les scénarios d'un futur souhaitable et possible. La vision du futur énergétique ne peut, cependant, s'envisager sans être insérée dans le cadre plus large des impératifs du modèle de société démocratique, juste, tolérante et ouverte auquel aspire le pays. Les choix technologiques, les rapports économiques, sociaux et culturels devraient avoir un impact évident sur le mode de gestion de ce secteur ; mode de gestion qui, à son tour, doit nécessairement se répercuter, d'une manière forte, sur l'évolution des niveaux de disparité géographique et sociale que le pays doit résorber.
    La montée en puissance du rôle du consommateur mondial, ses exigences croissantes en matière d'environnement et de traçabilité des produits auraient, par ailleurs, une aussi évidente influence sur le choix du contenu en énergie des biens exportables et donc sur les options du tissu économique de la société de demain.

Plus de 15 milliards de dollars d'investissements dans l'énergie en 10 ans
    Le patronat marocain a évalué à 15 milliards de dollars les investissements nécessaires en matière énergétique dans les dix années pour permettre au Maroc d'assurer sa croissance. "Les projets d'investissements pour les grands chantiers en matière énergétique devraient se monter à plus de 15 milliards de dollars en 10 ans", a affirmé Moulay Abdellah Alaoui, président de la Fédération de l'énergie de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM-patronat).
    "Notre ambition est d'avoir à l'horizon 2015 une seconde raffinerie de pétrole pour combler le déficit marocain et contribuer à la satisfaction énergétique de l'Afrique subsaharienne", a-t-il dit lors d'un séminaire qui se tenait vendredi et samedi à Casablanca. Il a confié que les investissements concernaient également "le renouvellement et le déploiement de nouvelles centrales électriques (...) et la construction de conduites pour le gaz naturel liquéfié". Le Maroc consomme 15 millions de TEP (Tonnes équivalent pétrole), dont 60% de pétrole qu'il importe en totalité.
    A l'horizon 2030, il doit disposer de 60 millions de TEP pour atteindre un niveau de consommation énergétique équivalant à la moyenne internationale actuelle, a indiqué le Haut commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi Alami. Sa facture énergétique est lourde. Ses achats de pétrole représentent 20% des importations globales et constituent près de 50% du déficit commercial. Les intervenants à ce colloque sur "La prospective énergétique du Maroc, enjeu et défis", ont mis l'accent sur la nécessité pour le Royaume de se tourner vers des énergies alternatives et sur des coopérations régionales. "Il y a un gisement important en énergies renouvelables évaluée à 6.000 mégawatts d'origine éolienne, un rayonnement solaire de 5 kWh/m2/jour, plus de 200 sites pour l'exploitation de systèmes mini-hydrauliques et le pays dispose en plus de 93 milliards de tonnes de schistes bitumineux", a souligné M. Alami.
    Mohamed Smani, directeur de l'Association marocaine pour la recherche et développement, a insisté sur le fait que "le Maroc devait programmer son entrée dans le nucléaire car c'est une technologie propre". "Dans le bouquet énergétique futur, nous devons aussi donner la priorité au solaire et à l'éolien et contribuer à mettre au point des technologies pour développer la biomasse", a-t-il ajouté. Il a également suggéré d'extraire 600 à 700 tonnes d'uranium par an à partir de l'acide phosphorique marocain.
    Le Maroc possède les premières réserves de phosphates au monde et en exploite 28 millions de tonnes par an. Pour cet expert, l'exploitation du schiste bitumineux doit être l'occasion de créer un véritable "partenariat scientifique, technologique et industriel" avec l'Europe.
    Cette opinion est partagée par Pierre Delaporte, ancien président du Conseil d'administration d'Electricité de France. "Il faut un partenariat privilégié avec le Maroc que je trouve bien plus proche des Européens que les Turcs", a-t-il dit.