Jamais autant l'énergie n'a été
une question au centre de l'inquiétude des gouvernements et des
opinions publiques. Avec la flambée des cours du pétrole,
la maîtrise de l'énergie, le développement des énergies
renouvelables, celui du nucléaire et, enfin, le renforcement de
la recherche dans le domaine des nouvelles technologies, sont devenus des
sujets centraux dans les stratégies de développement des
nations et de la communauté internationale. Outre la place qu'occupe
la sécurité énergétique, le débat est
aujourd'hui orienté vers quel type d'énergie pour demain.
Comment intégrer les énergies durables dans l'activité
économiques?
Le Maroc n'a pas de pétrole. Il consomme
15 millions de TEP dont 60% en pétrole. Il en importe 95%, ce qui
pèse lourdement sur ses équilibres économiques et
financiers. Ses achats d'or noir représentent 20% des importations
globales et constituent près de 50% du déficit commercial.
Les subventions accordées pour le soutien des prix intérieurs
des produits pétroliers avoisinent l'équivalent de 25% des
dépenses d'investissement du budget général de l'Etat,
dont un tiers pour le gaz.
C'est la rançon de la lutte contre l'usage
abusif du charbon de bois qui assure 20% de la consommation énergétique
nationale, au prix d'une dégradation du patrimoine forestier de
l'ordre de 5.000 hectares par an.
«Ces contraintes pèsent sur les
chances actuelles du développement durable, alors que la consommation
énergétique nationale de 0,4 TEP par habitant est encore
bien limitée puisque inférieure aux besoins potentiels de
croissance économique et de niveau de bien-être social et
de développement humain», indique le Haut commissaire.
L'amélioration des niveaux de vie qui est
attendue, notamment dans le monde rural, devrait de toute évidence
s'accompagner d'une accélération de la consommation des ménages.
Des études avaient montré que, de 1985 à 2001, malgré
un développement humain limité, les dépenses des ménages
en électricité et en butane ont augmenté de 9,1% par
an, soit un rythme deux fois plus élevé que celui de la dépense
par habitant.
Pour faire face à cette situation, le Maroc
mise, en premier lieu, sur les effets d'une politique de réforme
institutionnelle du secteur et de libéralisation du marché
énergétique. Les réformes sont engagées depuis
1994. L'opérateur public ne contribue plus aujourd'hui que pour
32% de la production d'électricité alors que le secteur des
hydrocarbures et celui de la distribution de l'électricité
sont complètement libéralisés. Par ailleurs, de par
sa position géographique, le Maroc est devenu membre du forum euro-méditerranéen
et a facilité la réalisation d'interconnexions électriques
et gazières permettant, dans un cadre de complémentarité
des ressources et des réseaux, d'optimiser les investissements et
de mieux sécuriser l'approvisionnement.
Le tout a été accompagné de
réformes tarifaires et fiscales concernant les produits pétroliers
et l'électricité.
D'autre part, la recherche et l'exploitation pétrolière
ont bénéficié, au cours de la période 2000-2005,
d'un contexte dynamique nouveau grâce, notamment, à l'amendement,
dans un sens particulièrement libéral, du Code des hydrocarbures.
Les investissements dans l'activité de recherche pétrolière
ont ainsi quadruplé en moins de 5 ans, et le nombre de sociétés
opérant dans le domaine de l'exploration et de la production pétrolière,
multiplié par 2,5. «Les investissements sur la prochaine décennie
devraient atteindre 15 à 18 milliards de dollars. C'est la contribution
du secteur énergétique au plan Emergence», souligne
Abdellah Alaoui, président de la Fédération de l'énergie.
Outre les espoirs fondés sur les indices
prometteurs relevés par les prospections en cours, le Maroc, grâce
à une meilleure gestion de ce secteur, ne manque, d'ores et déjà,
pas de marges potentielles pour réduire sa dépendance énergétique
; et ce, grâce à une conversion plus efficace des combustibles
fossiles, la cogénération combinant la production d'électricité
et de chaleur, et une utilisation des combustibles fossiles à faible
teneur en carbone qui peuvent en constituer des vecteurs appréciables.
Un gisement important d'économie réside
sûrement dans la réduction de la consommation dans le domaine
des transports, particulièrement par le rajeunissement du parc,
l'introduction de véhicules à faible intensité énergétique,
l'utilisation du GPL (gaz de pétrole liquéfié) et
surtout le renforcement du transport en commun.
En outre, le Maroc dispose, pour l'avenir, d'un
potentiel de production non négligeable, constitué surtout
par un gisement important en énergies renouvelables
évalué à 6.000 MW d'origine éolienne, 5 kWh/m2/j
d'origine solaire et 200 sites pour l'exploitation de systèmes mini-hydrauliques. |
Il dispose, de surcroît, de 93 milliards de tonnes de schistes
bitumineux, d'un potentiel en économie d'énergie estimé
à 15% de la consommation des secteurs industriels et tertiaires,
et d'un potentiel d'hydrocarbures que laissent espérer les structures
géologiques de son sous-sol.
Enfin, les opportunités offertes par le développement
du nucléaire présentent un autre potentiel à explorer.
Malgré la complexité et le coût des technologies requises
par cette forme d'énergie, notre pays se doit cependant d'inscrire,
dès à présent, sa réflexion et ses études
dans cette perspective considérée aujourd'hui par plusieurs
pays, de plus en plus, comme incontournable. Le débat doit être
ouvert estime les spécialistes.
Dans le contexte international, fortement perturbé
et d'une visibilité douteuse, le Maroc se doit de penser son avenir
et de préparer ses options pour les scénarios d'un futur
souhaitable et possible. La vision du futur énergétique ne
peut, cependant, s'envisager sans être insérée dans
le cadre plus large des impératifs du modèle de société
démocratique, juste, tolérante et ouverte auquel aspire le
pays. Les choix technologiques, les rapports économiques, sociaux
et culturels devraient avoir un impact évident sur le mode de gestion
de ce secteur ; mode de gestion qui, à son tour, doit nécessairement
se répercuter, d'une manière forte, sur l'évolution
des niveaux de disparité géographique et sociale que le pays
doit résorber.
La montée en puissance du rôle du consommateur
mondial, ses exigences croissantes en matière d'environnement et
de traçabilité des produits auraient, par ailleurs, une aussi
évidente influence sur le choix du contenu en énergie des
biens exportables et donc sur les options du tissu économique de
la société de demain.
Plus de 15 milliards de dollars d'investissements dans l'énergie
en 10 ans
Le patronat marocain a évalué à
15 milliards de dollars les investissements nécessaires en matière
énergétique dans les dix années pour permettre au
Maroc d'assurer sa croissance. "Les projets d'investissements pour les
grands chantiers en matière énergétique devraient
se monter à plus de 15 milliards de dollars en 10 ans", a affirmé
Moulay Abdellah Alaoui, président de la Fédération
de l'énergie de la Confédération générale
des entreprises du Maroc (CGEM-patronat).
"Notre ambition est d'avoir à l'horizon
2015 une seconde raffinerie de pétrole pour combler le déficit
marocain et contribuer à la satisfaction énergétique
de l'Afrique subsaharienne", a-t-il dit lors d'un séminaire
qui se tenait vendredi et samedi à Casablanca. Il a confié
que les investissements concernaient également "le renouvellement
et le déploiement de nouvelles centrales électriques (...)
et la construction de conduites pour le gaz naturel liquéfié".
Le Maroc consomme 15 millions de TEP (Tonnes équivalent pétrole),
dont 60% de pétrole qu'il importe en totalité.
A l'horizon 2030, il doit disposer de 60 millions
de TEP pour atteindre un niveau de consommation énergétique
équivalant à la moyenne internationale actuelle, a indiqué
le Haut commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi Alami. Sa facture énergétique
est lourde. Ses achats de pétrole représentent 20% des importations
globales et constituent près de 50% du déficit commercial.
Les intervenants à ce colloque sur "La prospective énergétique
du Maroc, enjeu et défis", ont mis l'accent sur la nécessité
pour le Royaume de se tourner vers des énergies alternatives et
sur des coopérations régionales. "Il
y a un gisement important en énergies renouvelables évaluée
à 6.000 mégawatts d'origine éolienne, un rayonnement
solaire de 5 kWh/m2/jour, plus de 200 sites pour l'exploitation de systèmes
mini-hydrauliques et le pays dispose en plus de 93 milliards
de tonnes de schistes bitumineux", a souligné M. Alami.
Mohamed Smani, directeur de l'Association marocaine
pour la recherche et développement, a insisté sur le fait
que "le Maroc devait programmer son entrée dans le nucléaire
car c'est une technologie propre". "Dans le bouquet énergétique
futur, nous devons aussi donner la priorité au solaire et à
l'éolien et contribuer à mettre au point des technologies
pour développer la biomasse", a-t-il ajouté. Il a également
suggéré d'extraire 600 à 700 tonnes d'uranium par
an à partir de l'acide phosphorique marocain.
Le Maroc possède les premières réserves
de phosphates au monde et en exploite 28 millions de tonnes par an. Pour
cet expert, l'exploitation du schiste bitumineux doit être l'occasion
de créer un véritable "partenariat scientifique, technologique
et industriel" avec l'Europe.
Cette opinion est partagée par Pierre Delaporte,
ancien président du Conseil d'administration d'Electricité
de France. "Il faut un partenariat privilégié avec le Maroc
que je trouve bien plus proche des Européens que les Turcs", a-t-il
dit. |