RESEAU SOL(ID)AIRE DES ENERGIES !
Les "ER" au service du développement
Controverses sur la dessalinisation...

· Koweït.
Longtemps tributaire de puits artisanaux et d'importations en provenance d'Irak pour s'approvisionner en eau potable, le Koweït dispose aujourd'hui de plusieurs usines qui produisent plus de 400 millions de litres d'eau dessalée par an (selon la technique de distillation thermique instantanée - système «flash»), couvrant 75% des besoins du pays. MAIS grosses consommatrices d'énergie, les stations de dessalement ne sont accessibles qu'aux États disposant d'importantes ressources, notamment pétrolières, comme ceux de la péninsule Arabique qui, avec une quarantaine d'usines, produisent plus de la moitié de l'eau dessalée du monde.
· Source ADIT septembre 2004, Dessalement de la mer : très cher eldorado
    Les techniques existent. Et les industriels affûtent leurs armes pour se disputer un marché colossal, estimé à 50 milliards de dollars sur dix ans.

    Face à un problème majeur comme le manque d'eau, rien ne vaut les idées simples. Comme celle qui consiste à dessaler la mer. Scénario de science-fiction ? «Pas du tout, rappelle Manuel Schiffler, expert à la Banque mondiale. Le principe est même ancien. Quinze mille sites industriels de dessalement sont déjà opérationnels à travers le monde, avec des capacités répondant aux besoins de 160 millions de personnes, à raison de 200 litres par jour et par habitant.» Et les enjeux du secteur font rêver. 2,4 milliards d'individus vivent près de ces mers. Et avec des réserves en eau de la planète constituées à 97,5% d'eau de mer (contre 2,5% d'eau douce), dessaler paraît aussi magique que produire de l'or avec du vent.
    Le hic, c'est que le procédé consomme une énergie considérable, entre 3 et 15 kWh/m3 d'eau pour les usines les plus anciennes. Pour se faire une idée, 12 kWh sont nécessaires pour monter un mètre cube au sommet du mont Blanc... Seuls les pays riches ou ceux du Moyen-Orient, où se concentrent les deux tiers des sites de dessalement, peuvent donc envisager sans frémir les installations les plus gourmandes en énergie.

L'industrie nucléaire en embuscade
    Pour les autres, le problème du dessalement est d'abord technique. Deux procédés se partagent à égalité le marché : celui de la distillation, le plus ancien, qui rappelle notre premier cours de chimie - on chauffe l'eau, qui s'évapore et se libère ainsi du sel ; celui des membranes - dit aussi d'«osmose inversée» -, où l'eau salée, projetée par des pompes à haute pression, est épurée à travers des systèmes de filtres successifs. Chaque option a ses inconvénients. Côté distillation, le coût de la chauffe est parfois prohibitif. Du côté des filtres, ces sacrées membranes ont tendance à laisser champignons, moisissures, algues et autres joyeusetés se développer sournoisement. Dans les deux cas, quand le système fonctionne, l'ironie veut que l'eau à l'arrivée soit si pure qu'il faut en quelque sorte la «salir» en lui surajoutant, en fin de cycle, des sels minéraux comme le calcium ou le magnésium.

    D'autres technologies sont en cours de développement. «Nous travaillons sur l'utilisation de réacteurs nucléaires de 600 mégawatts - idéale pour des pays comme le Maroc ou la Tunisie par exemple - capables d'apporter conjointement énergie et dessalement», souligne Franck Carré, directeur du programme Systèmes nucléaires du futur à la Direction de l'énergie atomique. Au Japon, des centrales utilisent déjà ce procédé avec succès. Au CNRS de Nancy, Viviane Renaudin a inventé une méthode de distillation récupérant la chaleur par systèmes d'échangeurs à plaques. Le principe sera prochainement testé grandeur nature dans une usine à Aspesia, en Italie.

La plus grande usine du monde en Israël
    Firmes canadiennes, américaines, japonaises, allemandes et françaises se disputent ce nouvel eldorado. «C'est un marché qui croît très vite, de l'ordre de 10% par an, avec un montant global attendu de 50 milliards de dollars sur dix ans», souligne Bruce Durham, responsable du projet Ressources alternatives au sein de Veolia Water. La compagnie dirigée par Henri Proglio a développé environ 800 sites dans le monde, produisant ainsi 3 millions de mètres cubes, moitié par procédé à membranes, moitié par distillation. A Ashkelon, au sud de Tel-Aviv, Veolia Water a ainsi conçu la plus grande usine de dessalement du monde (plus de 100 millions de mètres cubes), qui devrait produire 10% de l'ensemble de la consommation israélienne par osmose inversée. Un autre projet pharaonique est en cours de développement à Abu Dhabi.
    «Le dessalement dépasse le seul cadre de l'eau de mer, rappelle Bruce Durham. Un tiers de notre production concerne des eaux salées qui proviennent soit de rivières, soit de nappes phréatiques salinées.» Ainsi le plus grand projet en Europe d'usine de dessalement concerne-t-il... Londres et les eaux de la Tamise au moment où elles se jettent dans la mer. En Belgique, qui connaît une pénurie inquiétante d'eau, d'autres projets de dessalement sont en cours de développement. Parfois, cette technique peut apporter une aide ponctuelle : à Rogliano, village corse saturé pendant la période estivale et menacé de pénurie en 2002, on fit ainsi appel à une unité mobile de dessalement par osmose inversée. Les touristes buvaient de l'eau de mer épurée et reminéralisée...
    Un autre élément se veut rassurant : le coût de production en eau, malgré une pénurie croissante, a baissé d'un facteur 27 en vingt ans. «Entre l'utilisation des surcapacités des centrales électriques pour dessaler les eaux, la création de nappes phréatiques artificielles, la gestion de l'évaporation et le retraitement des eaux usées, il y a dans l'avenir de formidables possibilités d'action», souligne Bruce Durham. Mais comme chacun sait, l'optimiste considère que le verre est toujours à moitié plein...

Par Eric Lalaure