RÉSEAU SOL(ID)AIRE DES ÉNERGIES !
Résumés de publications environnementales internationales

1980
140 dessins CONTRE le nucléaire
Coordination nationale antinucléaire, secrétariat du comité Malville de Lyon
    Il n'y a pas un seul endroit au monde où la décision de recourir au nucléaire a été prise d'une façon démocratique.
    Chez nous, les décisions très importantes ont été confiées aux experts et à l'industrie, alors que, dans le même temps, E.D.F. disposait et dispose encore du monopole de l'information. Avec l'appui inconditionnel de l'Etat et l'aide de moyens gigantesques, elle peut imposer sa propagande: campagnes d'affichage, droit de faire de la propagande à l'intérieur des écoles, envois de brochures à tous les gens habitant autour d'une future centrale atomique, envois gratuits et abondants de livres, de brochures, de diapos à tous les professeurs de biologie, de physique et de chimie, spots télévisés, encarts publicitaires dans les journeaux, émissions de radio et de télévision complaisantes... et tout ceci louant les mérites et la nécessité du nucléaire.
    Voilà, comment à coup de millions, on achète l'opinion des gens; voilà comment à coup de millions, on fait de la "démocratie".
    Face à tout cela, de nombreux scientifiques ont fait entendre leurs voix, puis des comités antinucléaires se sont organisés et enfin de nombreuses organisations ont soulevé le problème. En dépit des moyens d'information et d'actions dérisoires, et d'une répression accrue, ils ont déjà provoqué une importante prise de conscience et forcé les promoteurs du programme nucléaire à prendre un certain nombre de mesures de sécurité qu'ils n'auraient sans doute pas prises si l'opinion publique n'avait pas été sensibilisée.
    La question du nucléaire n'est pas qu'une question technique. C'est une question qui touche toute la population et c'est un question que toute personne de bon sens peut comprendre et décider. Voilà pourquoi, aussi longtemps que l'on poursuivra la réalisation des programmes nucléaires et la déformation systématique de l'information, partout des gens lutteront contre l'énergie atomique.

Pour de plus amples informations, contacts ou aides:
Coordination nationale antinucléaire. Secrétariat : comité Malville de Lyon c/o C.E.P. BP 6 St-Jean 69245 Lyon cedex 1.
    La coordination nationale antinucléaire est l'expression de la volonté des comités antinucléaires locaux de lutter ensemble contre un programme nucléaire civil et militaire d'envergure nationale, décidé centralement. C'est aussi pour eux un moyen de manitenir des liens avec les antinucléaires des autres pays.

Préface d'Haroun Tazieff
    Il est évident qu'avoir compris d'abord, maîtrisé ensuite la désintégration nucléaire est l'une des plus merveilleuses réussites de l'intelligence humaine. C'est aussi l'une des plus effroyables. Non seulement parce que cette réussite a permis Hiroshima et Nagasaki, et qu'elle en permettra des milliers d'autres auprès desquels Nagasaki et Hiroshima sembleront des incidents mineurs, mais aussi parce que l'abus de l'électronucléaire «pacifique» auquel l'EDF condamne la France conduit inéluctablement à une catastrophe économique et à l'état policier.
    Et je ne fais qu'évoquer, sans plus, les catastrophes écologiques et biologiques qui s'abattront sur la région qu'un séisme de force IX ou de force X frappera, à coup sûr, dans les siècles sinon dans les décennies, voir les années à venir. Car nos centrales nucléaires sont construites pour résister à un choc de force VII ou VIII. Ce qui signifie qu'une secousse IX pour le moins les fêlera et que les vents aussitôt dissémineront de terrifiants aérosols radioactifs cependant que les pluies lessiveront des solutés tout aussi effroyables.
    Ce n'est cependant pas la crainte de ces cataclysmes physiques qui a fait du partisan, modéré certes, mais partisan tout de même que j'étais du nucléaire, son adversaire résolu, adversaire né en 1974 du plan Messmer. Ce qui m'a choqué le plus et m'a fait ouvrir les yeux, c'est la succession assez peu croyable de contre-vérités de la propagande officielle pour le dit programme Messmer. Tout d'abord ce clou que l'on a fini par enfoncer dans le crâne du Français moyen: «il n'y a pas d'alternative au tout-nucléaire». Ensuite, que chauffer à l'électricité était la meilleure des façons de se chauffer, de chauffer sa cuisinière et de faire chauffer l'eau de sa baignoire. Que le kWh d'origine nucléaire était non seulement économique mais moins onéreux de ceux produits d'autre façon. Qu'une « tranche » nucléaire reviendrait à 1.1 milliard de francs. Qu'Eurodif coûterait 7 milliards...
    Alors que le coût final d'une tranche dépassait en 1979 trois milliards et demi et que celui d'Eurodif dépassera 35 milliards! Cinq fois plus... Alors qu'au Japon, où l'on ne ment pas à ce propos, le kWh nucléaire coûte de 4.3 à 7.2 cents contre 3.3. à 6.2 cents pour le kWh géothermique. Alors que chauffer à l'électricité c'est - le principe de Carnot l'exigeant - gaspiller les trois quart de l'énergie thermique utilisée pour produire, dans la centrale, la vapeur qui fait tourner les alternateurs, et que prôner le chauffage électrique à coup de propagande et de très coûteuse publicité (payée par le contribuable) c'est à la fois gaspiller outrageusement et mentir: pour chauffer, plutôt que de retransformer en thermies le précieux quart rescapé des quatre quarts d'énergie primaire mise en jeu, il est quatre fois plus économique de chauffer directement au fluel, au charbon, voire à l'uranium, sans passer par l'électricité. Enfin cette contrevérité culottée des propagandes de l'Etat français: il n'y a pas d'autre façon de s'en sortir que le nucléaire. Alors qu'il y en a une bonne demi-douzaine; premièrement freiner d'abord, supprimer ensuite, les gaspillages délibérés d'énergie (chauffage électrique et chauffages exagérés, fabrication de camelotes, emballages perdus, emballages excessifs, emballages de plastiques, voitures particulières au lieu de transports collectifs pour se rendre au travail sinon en promenade et en vacances, transports routiers au lieu de transports fluviaux et ferroviaire, etc.) ; deuxièmement, utilisation du charbon, étranglé il y a vingt ans sous de fallacieux prétextes; troisièmement, utilisation de toutes les possibilités encore offertes par les eaux courantes pour fabriquer de l'hydro-électricité; quatrièmement, développement de l'énergie solaire; cinquièmement, développement de l'énergie engendrée par la fermentation des déchets végétaux, dits biomasse; sixièmement, développement des autres énergies nouvelles, éolienne, marémotrice etc.; septièmement, développement de la géothermie. Les USA, l'URSS, le Japon, entre autres, se sont lancés dans ces voies. Pas la France, ou si peu, tellement à contrecoeur, et depuis si peu de temps. Or l'avenir il est là. Non pas dans l'enrichissement des plus riches et des myopes des groupes financiers, qui cherchent à gagner quelques centaines de milliards de plus avec leurs monopoles, pétroliers et nucléaires, quelques centaines de milliards encore avant qu'il ne leur faille admettre les autres solutions énumérées ci-dessus.
    Mais tout ceci níest rien à côté de ce que l'électronucléaire représente de plus redoutable: l'Etat policier qu'il engendre. Des militaires casqués, masqués et supérieurement armés qui matraquent des manifestants pacifiques, voire pacifistes, où le nombre des femmes, des enfants et des gens âgés excède celui des hommes, est-ce, ou n'est-ce pas du totalitarisme autoritaire? Or cela s'est passé à Creys-Malville d'abord, à Plogoff ensuite. Où il ne s'agissait que de manifestation d'autorité face à des manifestants inoffensifs. Il n'y avait là-bas rien à protéger ni rien à défendre. (Les polices françaises servent d'ailleurs de moins en moins à protéger la population, sinon à protéger un certain «ordre».) Que seront les actions policières lorsqu'il faudra protéger non les citoyens mais le très complexe, le très redoutable, le très coûteux, le très vulnérable système électronucléaire du très monstrueux programme Messmer? Ce sera un «ordre nouveau» comme celui dont nous avons été délivré, par miracle, en 1944.
H. TAZIEFF
9 mai 1980

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