Le géant de la biotechnologie
Serono, dont le nouveau siège doit être inauguré cet
automne à Sécheron, à quelques centaines de mètres…
du lac, a trouvé la réponse.
Le chauffage au bois étant exclu (manque
de ressources disponibles), le solaire aussi (des prix encore trop élevés),
l'utilisation de l'eau du lac s'est vite imposée pour l'entreprise
qui veut «pratiquer une politique volontariste en matière
de développement durable, avec comme objectif d'utiliser 70% d'énergies
renouvelables», explique Bernard Pittet, directeur financier
du projet Horizon Serono. Le responsable ne donne pas de chiffres sur le
coût du projet. Mais il admet qu'«il aurait été
beaucoup moins coûteux d'utiliser de l'énergie traditionnelle.»
Les études de faisabilité démarrent
en 2000. Et s'avèrent concluantes. En juillet 2002, le Service cantonal
de l'énergie (ScanE) se penche sur la question. Avec tant d'attention
qu'il y voit un potentiel pour tout le secteur du lac aux organisations
internationales. En effet, pourquoi ne pas profiter des travaux que doit
effectuer Serono (station de pompage, poses de canalisations…) pour
prévoir large? En 2004, le concept Serono - Genève Lac Nations
(GLN) naît. Il reçoit la bénédiction de l'EPFL
et de l'Union Européenne: une participation - 2 millions €
- au programme européen TetraEner pour promouvoir la recherche et
le développement technologique. L'an dernier, l'Association suisse
pour l'aménagement national lui a en outre décerné
son prix.
L'installation qui fonctionne déjà
partiellement possède des capacités de pompage deux fois
plus élevées par rapport aux besoins de Serono (10 pompes
au lieu de 5). L'Etat a participé à hauteur de 2 millions
pour les coûts supplémentaires occasionnés par le projet
GLN.
Si quatre pompes de Serono fonctionnent déjà,
les 5 dévolues au projet GLN sont encore à sec. «Aujourd'hui,
nous sommes en phase d'étude du projet définitif»,
explique Jean Brasier, ingénieur aux Services Industriels de Genève
qui prendront en charge les travaux d'aménagement et commercialiseront
l'énergie auprès des clients.
35 millions d'investissement de SIG
Si le projet se faisait, il coûterait 35 millions
de francs suisses (environ 20 millions €). Mais l'investissement ne
se réalisera que si 70% des capacités de la station de pompage,
dévolues à SIG, sont préalablement engagées.
En d'autres termes, les travaux ne débuteront que lorsque les contrats
seront signés, une opération qui commence maintenant. «Pour
l'heure, la quasi-totalité des organisations internationales nous
ont fourni une lettre d'intention favorable», précise
Philippe Kloter, responsable des «clients grands comptes» à
SIG.
«SIG est prête à prendre le
risque sur trente ans», ajoute Jean Brasier. Si la Genève
internationale opte pour l'énergie renouvelable du Léman
local, les travaux pourraient commencer à la fin de l'année.
Et les premières calories lacustres arriver à l'été
2008.
L’eau de Serono pourrait servir à arroser les parcs
L'installation de Serono pourrait intéresser
le Service des espaces verts et environnement de la Ville (SEVE). Une prise
d'eau a été réservée à cet effet à
une centaine de mètres de la rive et à environ deux mètres
sous terre. Pour l'usage courant qu'en ferait le SEVE, soit l'arrosage
de tous les parcs (Barton, Perle-du-Lac, Mon Repos) et éventuellement
aussi le quai Wilson, il faudra installer une pompe et une station de surpression.
Au cas où le Jardin botanique serait également intéressé,
il faudrait choisir une pompe plus puissante et créer le raccordement
en passant par le passage sous la route de Lausanne, précise Michel
Honegger, architecte paysagiste au SEVE.
L'eau serait captée au retour du circuit:
elle serait ainsi un peu moins froide qu'à son arrivée des
profondeurs du lac. Sur l'autre rive, le parc La Grange et une partie du
parc des Eaux-Vives sont également arrosés avec de l'eau
du lac (pompée presqu'en surface), et cela depuis une petite dizaine
d'années. Facturée par les SIG, elle coûte néanmoins
beaucoup moins que l'eau potable du réseau (1,26 franc le m3).
Ce qui n'est pas négligeable. C'est la raison pour laquelle Michel
Honegger estime que le retour sur investissement de l'installation de la
Rive droite, si elle devenait réalité, serait de moins de
dix ans.
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suite:
Si toute la zone, y compris les organisations internationales,
adopte l'eau du lac pour leur arrosage, au moins 400.000 kWh/an d'énergie
grise et le traitement chimique de 400.000 m3 d'eau par an pourraient
être économisés. (ln)
Repères
* En construction depuis mai 2003, le nouveau siège
du Groupe Serono à Sécheron doit accueillir ses premiers
employés cet automne. A la fin de l'année, il abritera un
millier de collaborateurs, pour une surface de 40.000 m2 de
laboratoires et de bureaux.
* Le bâtiment d'acier et de verre est conçu
par le bureau d'architectes Murphy/Jahn de Chicago (Sony center à
Berlin). Le résultat c'est trois nouveaux bâtiments reliés
par un atrium et un forum et trois anciens restaurés. Soit 25.000
m2 de surfaces vitrées . Outre les bureaux et les labos,
le site abritera une salle de sport et une crèche.
* Si GLN se réalise, ce système (Serono
inclut) permettra de réduire les émissions de CO2
de 4.800 tonnes par an, d'économiser annuellement 1.500 tonnes d'énergie
non renouvelable (mazout) soit 20% de ce qui est consommé sur la
zone. En même temps, avec 6 nouveaux éco-bâtiments,
les surfaces chauffées augmenteront de 220.000 m2 (60%).
En outre, la consommation d'électricité par les pompes à
chaleur pour produire du chaud est compensée par les économies
d'électricité qui auraient été nécessaires
à produire du froid. (amb)
Comment utiliser l’énergie du Léman?
Si le projet se réalise, Serono et la zone
du projet Genève-Lac-Nations (GLN) puiseront dans le lac les compléments
de chaleur nécessaires en hiver et de fraîcheur en été
pour maintenir les températures intérieures entre 20 et 26
°C.
L'eau est pompée à une profondeur
d'environ 35 mètres, là où la température est
stable (excepté quelques jours par an, où se produit un inversement
des couches d'eau, dû par exemple à une forte bise en septembre),
et à près de 2 kilomètres de la côte. Une ancienne
conduite des Services industriels de Genève a été
utilisée pour cela.
L'eau du lac est légèrement chlorée
afin de ne pas encombrer les circuits de moules zébrées ou
d'algues lacustres indésirables. Mais pas au point d'être
potable. A son arrivée dans les sous-sols de Serono, elle transmet,
via un échangeur, sa température au circuit interne et fermé
du bâtiment. Il n'y a donc pas d'utilisation de l'eau du lac,
mais seulement de sa température. Il en sera de même dans
les bâtiments des organisations internationales intéressées.
L'eau est ensuite rejetée par un diffuseur
dans le Léman à 25 mètres de la rive, à une
profondeur d'environ 5 mètres. La différence de températures
entre l'eau pompée et l'eau rejetée ne peut pas dépasser
5 à 6 °C. Des études d'impact montrent que le puisage
de l'eau et son refoulement ne devraient pas avoir d'impact sur le biotope
lacustre et éviteront la formation de sédiments.
L'été dernier, la station de pompage
souterraine a été installée dans le parc Barton, en
bordure du lac. Elle comporte 5 pompes pour Serono et 5 pour GLN. Le débit
nécessaire à Serono est de 2.200 m3/h. Avec GLN,
il peut atteindre 4.900 m3/h. Le concept a été
validé par l'EPFL.
Ce type de refroidissement et de chauffage, dit
à basse température, a nécessité une architecture
spécifique du nouveau bâtiment de Serono. Outre de très
hauts standards énergétiques, la température y sera
distribuée par des dalles dites actives. Ce sont elles qui diffuseront
fraîcheur et chaleur. Pour des besoins de confort en hiver, un complément
pourra être effectué avec des chaudières au gaz et,
en été, par un groupe de froid fonctionnant à l'électricité. |