La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°3

L'URANIUM ENRICHI

     A ce niveau, la situation n'est guère brillante, l'usine industrielle française d'Eurodif commencera à fournir, début 1979, mais on sait déjà qu'elle sera insuffisante au début de 1985. Aussi faudra-t-il passer par des contrats internationaux (si on trouve!) du type suivant:
     «Quant aux dernières conditions imposées par l'USAEC (Commission américaine de l'énergie atomique) au début de l'année 1973, elles sont réellement draconiennes.
     - Désormais, l'uranium enrichi que requiert l'alimentation d'un réacteur déterminé devra être commandé huit ans avant la livraison de la première charge.
     - Un acompte de 33% sera versé par fraction au cours des trois années précédant la première livraison.
     - Enfin, l'USAEC aura le droit de refuser toute commande dès lors que sa capacité de production aura été saturée»

(Journal Officiel du 24.9.1974, p. 1291)
     « - un délai de dix ans pour la résiliation sans paiement de dédit; l'USAEC peut par contre résilier le contrat lorsque une autre source d'enrichissement est disponible aux Etats¬Unis
S. Orlowski et B. Huber
Commission des Communautés
Européennes (1974)
LE COUT DU COMBUSTIBLE

     Tout ceci permet d'aborder le problème des coûts du combustible et des évolutions prévisibles:
     «Le marché actuel de l'uranium est caractérisé par une forte hausse des prix, qui persiste depuis le milieu de 1973, et par une pénurie de l'offre. En effet, il n'y a guère qu'au Canada et aux Etats-Unis que des quantités substantielles sont disponibles pour la vente.
     En Afrique du Sud, les mines existantes ou en construction sont saturées jusqu'au milieu des années 1980 par des contrats de fourniture. L'Australie a suspendu en 1973 l'autorisation de contrats d'exportation nouveaux jusqu'à la définition d'une nouvelle politique des ressources naturelles et énergétiques.
     L'offre canadienne est basée sur un prix minimum indexé de 12,5 dollar 1974/lb U3O8 qui est renégociable, si le prix du marché mondial le dépasse. Notons qu'au Canada la conclusion des contrats d'exportation a été soumise à l'approbation d'un comité mandaté par le Gouvernement qui veille en particulier à ce que le prix ne soit pas inférieur au niveau jugé satisfaisant par le Gouvernement.

suite:

     Aux Etats-Unis, l'attitude d'attente persiste. En effet, les prix demandés par les producteurs excèdent d'environ 20% les prix offerts par les consommateurs, qui sont de 10, 12, 15 et 17 dollars/lb U3O8 respectivement pour des fournitures en 1976, 78, 81 et 82.

S. Orlowski et B. Huber
Commission des Communautés
Européennes (1974)


     «En 1975, le marché de l'uranium naturel a nettement été un marché de vendeurs caractérisé par une augmentation rapide et continue des prix. On ne décèle actuellement aucun indice laissant prévoir une stabilisation des prix (...).
     Il reste à espérer que la situation se clarifiera et que le marché se stabilisera au cours de l'année 1976.
     Etant donné la situation actuelle du marché, l'Agence estime qu'il n 'est pas utile de donner des indications plus précises sur les prix pratiqués dans les contrats de fourniture qui lui ont été soumis. Elle se limite donc à souligner qu'au début de 1975 des contrats ont encore pu être conclus au prix de 12 dollars la livre d'U3 0$ (x) et que vers la fin de l'année le prix atteignait déjà 25 dollars. Au cours de l'année 1975, le prix de l'uranium a donc doublé et tout laisse supposer que cette tendance va se poursuivre

     Cependant, l'aspect économique est le plus important. Mentionnons la forte augmentation du coût de construction des centrales et les prix du combustible qui, si la hausse rapide se poursuit, pourraient remettre en question la rentabilité de l'énergie nucléaire.

Agence d'approvisionnement d'Euratom
Rapport annuel 1975
(Enerpresse, no 1633)
     On ne peut être plus clair; le kWh «nucléaire» va rejoindre au galop le kWh «fuel», selon un certain mécanisme «libéral» bien connu.
     «En l'absence de surgénérateurs, l'augmentation du prix de l'uranium pourrait ainsi très vite absorber une forte partie ou même la totalité de la différence qui existe actuellement entre le coût du kWh d'origine nucléaire et celui d'origine fossile
P. Zaleski (Directeur de Technicatome)
et J. Chermanne (voir plus haut)
p.4

ET LES SURGENERATEURS?

     Rappelons tout d'abord notre opposition aux surgénérateurs pour de sérieuses raisons (voir Gazette N°1). Nous n'abordons ce sujet ici que dans la mesure où ses promoteurs s'appuient sur la crise de l'Uranium pour en montrer la nécessité.
     Les surgénérateurs n'apporteraient, à moyen terme, qu'un léger relâchement des contraintes, mais la tendance à la hausse ne serait pas modifiée.
     Le graphique ci-dessous, établi par l'USAEC[1] pour les Etats-Unis, donnera
la mesure de leur efficacité à moyen terme mieux que ne le ferait un long discours. L'auteur concluait son article par un cri d'alarme et un appel aux investissements miniers.


1. Le C.E.A. américain (NDLR).

     De plus, des doutes sérieux pèsent sur la compétitivité des surgénérateurs. Il n'est que de lire:
     «Cependant, la  compétitivité dc ces réacteurs rapides, singulièrement par rapport aux centrales équipées de réacteurs PWR, n'est pas encore démontrée et certains ont pu se faire les détracteurs des réacteurs rapides en avançant que leur coût d'investissement resterait excessif».
J. BAUNIER
Chef de la Section Estimations
Economiques deTechnicatom
(RGN, mars-avril 1976)
     Ajoutons enfin que le combustible des surgénérateurs est le plutonium. Or, les difficultés de retraitement sont telles que l'on a toute raison de penser que cette source ne sera jamais réellement disponible (revoir Gazette N°1)
p.5


ETATS-UNIS: DISPONIBILITE D'URANIUM PAR RAPPORT AUX BESOINS

L'échelle des ordonnées est en millions de tonnes d'U3O8

QUELLES INDUSTRIES CONTROLENT LA FABRICATION DU COMBUSTIBLES?


     Mines, extrait d'un article présenté par EDF:

Raffinage et conversion

     «Une seule société est chargée en France de la conversion et du raffinage de l'uranium, c'est COMURHEX (Société pour la conversion de l'uranium en métal et en hexafluorure) dont le capital est détenu à 51% par PUK, 39% CFA et 10% ST GOBAIN TECHNIQUES NOUVELLES.
     Les lingots d'uranium métal livrés par MALVESI sont acheminés sur Annecy (et accessoirement sur Romans) où s’effectue la fabrication des éléments combustibles des réacteurs graphite gaz.
     Une partie de l'hexafuorure d'uranium est enrichie à Pierrelatte (pour les besoins militaires essentiellement), le reste étant envoyé aux USA et en URSS pour y être enrichi.

Fabrication du combustible

     Voici comment s'opère actuellement la fabrication des éléments combustibles de la filière PWR: tout d'abord l'hexafluorure d'uranium enrichi est converti en oxyde d'uranium par la BNFL en Grande Bretagne (British Nuclear Fuel Limited équivalent en G.B. du CEA). Dès 1977, cette conversion sera faite par la FBFC dans ses installations de Romans. Puis on procède à la fabrication des pastilles d'UO2 enrichi, ainsi qu'à l'assemblage de ces pastilles dans 1es tubes dans les installations de la FBFC à Romans et à Dessel.»

J.C. Chrétien
L'industrie nuc1éaire française
Note EDF (Relations Publiques)
 

LES SOCIETES ET LEURS ACTIVITES



     Il ressort principalement de ce tableau que PUK (Pechiney Ugine Kuhlmann), trust international, et le groupe Rotschild, contrôlent à peu près tout le cycle d'extraction et de concentration, de raffinage et conversion, de fabrication du combustible nucléaire. Dans ce dernier domaine, le groupe PUK est sans concurrents. La publicité est partout dans le cycle, partout dans le monde. Péchiney-Ugine-Kuhlmann ne cache pas ses ambitions monopolistiques en la matière.

p.6

p.7

CONCLUSIONS
 

     Alors ne faut-il pas dire, avec Mr. Paul GARDENT, Directeur Général des Charbonnages de France, dans un numéro récent de la Revue de l'Energie (n°282, avril 1976):

     «Quant au nucléaire, la simple évocation d'une hausse possible de ses coûts en monnaie constante dénote un mauvais genre. Bien sûr le prix de l'uranium a triplé depuis 1973 et pourrait tripler encore dans les dix prochaines années. Mais l'uranium compte si peu dans les prix de revient. Pour le reste, les baisses de coût, cela n'arrive qu'aux Américains. Dans les premières années de la décennie 1970, il y avait aux USA, une trentaine de châteaux de la Belle au Bois dormant, centrales nucléaires à moitié construites et arrêtées pour un temps indéterminé, pour des raisons écologiques et surtout financières, en raison de la hausse incessante des devis. La crise du pétrole a provoqué une certaine relance, mais l'année 1975 a vu la deuxième phase de la débâcle. Le coût du kW installé est passé de 300 dollars en 1972 à 700 dollars aujourd'hui, et l'on ne s'attend pas à moins de 1.100 dollars en 1985. Sur 204 centrales commandées ou prévues, 18 ont été annulées définitivement, et 128 repoussées à une date ultérieure. Le nombre des centrales nouvelles commandées est tombé à 5 en 1975 et on en prévoit zéro en 1976. Parmi les causes de hausse des coûts, la plus récemment apparue est un vieillissement rapide; les maladies de sénescence précoce suivent presque immédiatement les maladies de jeunesse. Mais il est bien connu que la technologie américaine n'est pas fiable. Ce n'est évidemment pas le cas de la nôtre.

     Sans doute quelques signes d'inquiétude se manifestent aussi, ici ou là, dans le monde. En R.F.A., M. Matthoefer, ministre fédéral de la recherche scientifique, vient de déclarer que «personne ne croyait plus aujourd'hui en Allemagne que le programme de 45.000 MW de centrales prévu pour 1985 serait réalisé... l'énergie nucléaire, bien que moins chère (que le charbon) est sans doute beaucoup plus coûteuse qu'on ne le croyait». Le Japon, malgré sa dramatique dépendance énergétique, vient de réduire de 60.000 MW à 30-35.000MW son objectif nucléaire 1985. Ces peuplades sont connues pour la timidité de leur politique industrielle. Quant à la Grande-Bretagne, elle a pratiquement arrêté tout lancement de projet nucléaire nouveau, enlisée, la malheureuse, dans une filière sans espoir.

     Ainsi dans les perspectives actuelles des grands pays industrialisés, la production d'électricité sera assurée en 1985 à partir d'énergie nucléaire dans les proportions suivantes:
République Fédérale d'Allemagne: 40%
Royaume-Uni: 19%
Benelux: 41
Italie: 39-44%
Ensemble CEE: 41-42%
USA: 25-30%
Japon: 22-25%

suite:
     Au regard de ces chiffres, le programme français brille d'un éclat solitaire, avec un pourcentage prévu de 73% pour le nucléaire, alors que la France a déjà en proportion le plus gros équipement hydraulique de l'ensemble des pays sous revue.
     C'est qu'en France on sait compter et l'on sait, comme le rappelle François Gihel, qu'il est dangereux de «distordre les conclusions des calculs économiques». Evidemment, on ne trouve à la sortie des calculs économiques que ce qu'on y a mis à l'entrée. Mais en France, on sait aussi ne rien oublier dans les paramètres du calcul économique. C'est ainsi qu'au moment de la préparation du VIe Plan, les bons expert ont longuement discuté sur la plus-value qu'il convenait d'attribuer aux ressources énergétiques nationales pour tenir compte des risques de hausse de prix des ressources importées, et conclu que cette plus-value était de... 3%. Moins de trois ans après, le coût du pétrole importé quadruplait. Grâce au calcul économique et à la sagacité des bons experts, la France n 'a pas été prise au dépourvu.

     Le propre des bons experts est d'errer tous en même temps. Ils ne peuvent ainsi se tromper. Quand la cruelle réalité bouscule un peu leurs prévisions, elle ne peut avoir raison, seule contre tous; c'est elle qui a tort


La Commission Royale Britannique sur la pollution de l'Environnement, contre les Surgénérateurs

     «C'est une grosse bombe que la Commission Royale sur la pollution de l'Environnement, nommée en 1974, a fait exploser à Londres le 22 septembre 1976, en publiant un rapport de 200 pages sur les dangers des surgénérateurs.
     Le verdict est formel: la Grande Bretagne devrait éviter de trop s'engager dans cette voie. Elle devrait attendre le plus longtemps possible dans l'espoir que le besoin de centrales de ce genre ne se fasse pas sentir.
     D'une part on a largement sous-estimé le problème des déchets nucléaires. Or le plutonium qui sera produit dans les surgénérateurs demeurera radioactif pendant des dizaines de milliers d'années et à ce jour aucune solution satisfaisante n'a été trouvée pour se débarrasser de cet élément redoutable.
     Le gouvernement, ajoute la commission, ne semble pas avoir mesuré à sa juste valeur le danger du terrorisme qui ne fera que croître à la mesure de la multiplication des surgénérateurs. Il est parfaitement possible qu'un groupe de terroristes arrive à s'emparer d'une certaine quantité de plutonium et réussisse à fabriquer une arme grossière mais efficace.
     Enfin, même si l'on admet que les surgénérateurs présentent moins de risques d'accidents nucléaires que les centrales atomiques classiques, ils demeurent extrêmement dangereux en raison du sodium liquéfié du circuit de refroidissement

Le Figaro du 23 septembre 1976

p.8

Retour vers la G@zette N°3