A ce niveau, la situation n'est guère
brillante, l'usine industrielle française d'Eurodif commencera à
fournir, début 1979, mais on sait déjà qu'elle sera
insuffisante au début de 1985. Aussi faudra-t-il passer par des
contrats internationaux (si on trouve!) du type suivant:
(Journal Officiel du 24.9.1974, p. 1291)
« - un délai de dix ans pour la
résiliation sans paiement de dédit; l'USAEC peut par contre
résilier le contrat lorsque une autre source d'enrichissement est
disponible aux Etats¬Unis.»
S. Orlowski et B. Huber
Commission des Communautés Européennes (1974) Tout ceci permet d'aborder le problème
des coûts du combustible et des évolutions prévisibles:
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Aux Etats-Unis, l'attitude d'attente persiste. En effet, les prix demandés par les producteurs excèdent d'environ 20% les prix offerts par les consommateurs, qui sont de 10, 12, 15 et 17 dollars/lb U3O respectivement pour des fournitures en 1976, 78, 81 et 82. S. Orlowski et B. Huber
Commission des Communautés Européennes (1974)
Cependant, l'aspect économique est le plus important. Mentionnons la forte augmentation du coût de construction des centrales et les prix du combustible qui, si la hausse rapide se poursuit, pourraient remettre en question la rentabilité de l'énergie nucléaire. Agence d'approvisionnement d'Euratom
On ne peut être plus clair; le kWh «nucléaire»
va rejoindre au galop le kWh «fuel», selon un certain mécanisme
«libéral» bien connu.
Rapport annuel 1975 (Enerpresse, no 1633) «En l'absence de surgénérateurs, l'augmentation du prix de l'uranium pourrait ainsi très vite absorber une forte partie ou même la totalité de la différence qui existe actuellement entre le coût du kWh d'origine nucléaire et celui d'origine fossile.» P. Zaleski (Directeur de Technicatome)
et J. Chermanne (voir plus haut) p.4 |
Rappelons tout d'abord notre opposition aux
surgénérateurs pour de sérieuses raisons (voir Gazette
N°1). Nous n'abordons ce sujet ici que dans la mesure où
ses promoteurs s'appuient sur la crise de l'Uranium pour en montrer la
nécessité.
1. Le C.E.A. américain (NDLR). |
De plus, des doutes sérieux pèsent sur la compétitivité des surgénérateurs. Il n'est que de lire: «Cependant, la compétitivité dc ces réacteurs rapides, singulièrement par rapport aux centrales équipées de réacteurs PWR, n'est pas encore démontrée et certains ont pu se faire les détracteurs des réacteurs rapides en avançant que leur coût d'investissement resterait excessif». J. BAUNIER
Ajoutons enfin que le combustible des surgénérateurs
est le plutonium. Or, les difficultés de retraitement sont telles
que l'on a toute raison de penser que cette source ne sera jamais réellement
disponible (revoir Gazette N°1)
Chef de la Section Estimations Economiques deTechnicatom (RGN, mars-avril 1976) p.5
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QUELLES INDUSTRIES CONTROLENT LA FABRICATION DU COMBUSTIBLES?
Alors ne faut-il pas dire, avec Mr. Paul GARDENT, Directeur Général des Charbonnages de France, dans un numéro récent de la Revue de l'Energie (n°282, avril 1976): «Quant au nucléaire, la simple évocation d'une hausse possible de ses coûts en monnaie constante dénote un mauvais genre. Bien sûr le prix de l'uranium a triplé depuis 1973 et pourrait tripler encore dans les dix prochaines années. Mais l'uranium compte si peu dans les prix de revient. Pour le reste, les baisses de coût, cela n'arrive qu'aux Américains. Dans les premières années de la décennie 1970, il y avait aux USA, une trentaine de châteaux de la Belle au Bois dormant, centrales nucléaires à moitié construites et arrêtées pour un temps indéterminé, pour des raisons écologiques et surtout financières, en raison de la hausse incessante des devis. La crise du pétrole a provoqué une certaine relance, mais l'année 1975 a vu la deuxième phase de la débâcle. Le coût du kW installé est passé de 300 dollars en 1972 à 700 dollars aujourd'hui, et l'on ne s'attend pas à moins de 1.100 dollars en 1985. Sur 204 centrales commandées ou prévues, 18 ont été annulées définitivement, et 128 repoussées à une date ultérieure. Le nombre des centrales nouvelles commandées est tombé à 5 en 1975 et on en prévoit zéro en 1976. Parmi les causes de hausse des coûts, la plus récemment apparue est un vieillissement rapide; les maladies de sénescence précoce suivent presque immédiatement les maladies de jeunesse. Mais il est bien connu que la technologie américaine n'est pas fiable. Ce n'est évidemment pas le cas de la nôtre. Sans doute quelques signes d'inquiétude se manifestent aussi, ici ou là, dans le monde. En R.F.A., M. Matthoefer, ministre fédéral de la recherche scientifique, vient de déclarer que «personne ne croyait plus aujourd'hui en Allemagne que le programme de 45.000 MW de centrales prévu pour 1985 serait réalisé... l'énergie nucléaire, bien que moins chère (que le charbon) est sans doute beaucoup plus coûteuse qu'on ne le croyait». Le Japon, malgré sa dramatique dépendance énergétique, vient de réduire de 60.000 MW à 30-35.000MW son objectif nucléaire 1985. Ces peuplades sont connues pour la timidité de leur politique industrielle. Quant à la Grande-Bretagne, elle a pratiquement arrêté tout lancement de projet nucléaire nouveau, enlisée, la malheureuse, dans une filière sans espoir. Ainsi dans les perspectives actuelles des
grands pays industrialisés, la production d'électricité
sera assurée en 1985 à partir d'énergie nucléaire
dans les proportions suivantes:
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Au regard de ces chiffres, le programme français brille d'un éclat solitaire, avec un pourcentage prévu de 73% pour le nucléaire, alors que la France a déjà en proportion le plus gros équipement hydraulique de l'ensemble des pays sous revue. C'est qu'en France on sait compter et l'on sait, comme le rappelle François Gihel, qu'il est dangereux de «distordre les conclusions des calculs économiques». Evidemment, on ne trouve à la sortie des calculs économiques que ce qu'on y a mis à l'entrée. Mais en France, on sait aussi ne rien oublier dans les paramètres du calcul économique. C'est ainsi qu'au moment de la préparation du VIe Plan, les bons expert ont longuement discuté sur la plus-value qu'il convenait d'attribuer aux ressources énergétiques nationales pour tenir compte des risques de hausse de prix des ressources importées, et conclu que cette plus-value était de... 3%. Moins de trois ans après, le coût du pétrole importé quadruplait. Grâce au calcul économique et à la sagacité des bons experts, la France n 'a pas été prise au dépourvu. Le propre des bons experts est d'errer tous en même temps. Ils ne peuvent ainsi se tromper. Quand la cruelle réalité bouscule un peu leurs prévisions, elle ne peut avoir raison, seule contre tous; c'est elle qui a tort.» «C'est une grosse bombe que la Commission
Royale sur la pollution de l'Environnement, nommée en 1974, a fait
exploser à Londres le 22 septembre 1976, en publiant un rapport
de 200 pages sur les dangers des surgénérateurs.
Le Figaro du 23 septembre 1976 p.8
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