La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°4
LE TRAITEMENT DES COMBUSTIBLES IRRADIES

EN CONCLUSION
 
     Il est essentiel, pour un pays comme la France, ayant misé massivement sur l'énergie nucléaire, que le problème des déchets radioactifs soit correctement et rapidement résolu.
     - Avec le développement massif des Centrales Westinghouse (PWR) les stocks de déchets vont s'accumuler: il faudra «faire quelque chose» sous la pression de l'opinion publique.
     - Pour résoudre la crise prévisible  de l'approvisionnement en uranium (les ressources mondiales d'uranium sont du même ordre de grandeur que les réserves mondiaksde pétrole), il faudra rapidement relayer la filiere Westinghouse par la filière su rgénératrice. Or celle-ci utilise le plutonium comme combustible. Mais ce plutonium n 'existe pas dans la nature.  Il  faut  l'extraire  des combustibles irradiés. Et il en faut des quantités importantes.
     Le retraitement est donc un maillon essentiel du programme électronucléaire français. Malheureusement p our les défenseurs du tout nucléaire », c'est aussi un des maillons les plus faibles.
     Nous avons vu tous les problêmes soulevés par le retraitement et non résolus à ce jour.
     - Techniques  il n'existe, à ce jour, dans le monde, aucune usine susceptible d'absorber des quantités industrielles de combustibles irradiés. Par ailleurs, le stockage àlong terme des déchets radio-açtifs n'est pas résolu.
     - Ecologiques l'usine de retraitement est une des installations les plus polluantes de l'industrie nucléaire.
     - Sociaux : dégradation des conditions de travail liée au développe-ment massif de l'électronucleaire (cf. grève de La Hague).
     - Economiques  la «rentabilité» du retraitement est sérieusement mise en doute aux USA.
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     Mais le retraitement pose un problème de politique internationale qui risque rapidement de reléguer au second plan tous les problèmes soulevés plus haut: c'est celui de la dissémination de l'arme nucléaire. Retraiter les combustibles irradiés signifie produire, à l'échelle industrielle, des quantités importantes de plutonium. Il est clair qu'un certain nombre de pays qui veulent acheter des usines de retraitement (Brésil, Pakistan, Corée du Sud), ou se lancer dans l'industrie nucléaire (Afrique du Sud, Iran, Irak), le font pour accéder à l'arme atomique. Il est clair aussi que l'enjeu d'une telle dissémination est formidable: c'est tout l'équilibre (combien fragile et discutable!) des forces depuis 30 ans qui risque d'être remis en cause. Les grandes puissances ne peuvent pas ne pas réagir. Elles l'ont d'ailleurs déjà fait.
     Les USA ont:
     - réussi à faire annuler les contrats de vente d'usine de retraitement de la France à la Corée du Sud et maintenant au Pakistan (pour ce dernier, la décision n'est pas encore officialisée, mais elle ne fait guère de doute). Ceci a été obtenu à la suite de pressions dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles n'ont pas brillé par leur discrétion.
     - décidé de renoncer eux-mêmes au retraitement des combustibles irradiés en raison des risques de prolifération liés à l'extraction du plutonium: «l'élimination du risque de prolifération doit avoir la priorité sur les intérêts économiques».
     Les surgénérateurs, dont la France est si fière, risquent fort d'être promis au même avenir que Concorde. Et sans surgénérateurs, c'est tout la cohérence du programme électronucléaire français qui s'effondre!
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Appendice des sigles
P.W.R. Pressurized Water Reactor (filière Westinghouse)
B.W.R. Boiling Water Reactor (filière Géneral Electric)
H.A.O. Hautes Activités Oxydes
COGEMA Compagnie Générale des Matières Atomiques (filiale du CEA)
CMA Concentration Maximale Admise
CPR Commission internationale de Protection Radiologique
AIEA Agence internationale de l'Energie Atomique

Qu'est-ce qu'un combustible irradié?
 
     Le combustible neuf qui alimente le coeur d'un réacteur de la filière à eau légère est constitué d'une poudre d'oxyde d'uranium, enrichi en 235U (noyau fissile) à des teneurs variant de 3 à 3,5%. Cette poudre est contenue dans des tubes métalliques, les gaines, en alliage au zirconium. Dans le réacteur, la composition du combustible se transforme: il apparaît d'une part les produits de fission provenant de la fission de 235U. Ce sont des éléments de masse environ deux fois plus légère que l'235U, généralement radioactifs par émission b et/ou g. Citons parmi eux le 85Kr (10.8 ans), 137Cs (30 ans), Sr (30 ans). Le tritium provient de la fission ternaire de 235U, c'est-à-dire de la fission en 3 fragments.
     Il apparaît d'autre part des noyaux plus lourds que 235U, résultant de la capture successive de neutrons par 238U, captures qui peuvent être suivies d'émission b (transformation d'un neutron en un proton). C'est ainsi qu'on synthétise les isotopes du plutonium (Z  = 94), puis ceux de l'Americium (Z  = 95) et du Curium (Z = 96). Ce sont les transuraniens dont le plus «célèbre» est le 239Pu. Comme ce dernier, ce sont des corps très toxiques, car ils sont généralement émetteurs a. Ils présentent en outre l'inconvénient d'avoir de longues périodes pouvant aller jusqu'à des milliers d'années.
     Enfin, les neutrons peuvent interagir avec les gaines et donner naissance à des produits d'activation dont la nature est analogue à celle des produits de fission. L'ensemble de ces radioéléments représente des déchets de très haute activité. Pour donner un ordre de grandeur, signalons qu'un réacteur de 1.000 MW(e) produit annuellement une trentaine de tonnes de combustibles irradiés comprenant, après 5 mois de décroissance, 130 millions de Curies de produits de fission et 4.5 millions de Curies de transuraniens (dont environ 280 kg de plutonium). Au cours du retraitement, la totalité de ces produits est traitée chimiquement, donnant lieu à une pollution importante par les divers rejets gazeux et liquides.

Où en est-on à Fessenheim?
 
     Pour le premier PWR de 900 MW installé en France, c'est maintenant l'heure de vérité. Malgré les pressions gouvernementales pour démarrer coûte que coûte Fessenheim à l'heure prévue, des incidents techniques ont retardé ce démarrage.
     «On» était prêt à négliger les fuites importantes du condensateur de la turbine ou les incidents de fonctionnement de certaines installations électriques de  secours, mais il a bien fallu s'incliner devant des incidents beaucoup plus sérieux.
     Le premier concerne les pompes de charge du circuit, pompes à haute pression assurant l'appoint en eau du circuit primaire. Ces pompes sont au nombre de trois, l'une d'elle étant toujours en service. La sécurité dans ce cas est totale d'après la Direction d'EDF, puisque si une pompe est en entretien et que la pompe en marche tombe en panne, il en reste encore une troisième disponible. Framatome vient de démontrer que l'on pouvait mettre en panne simultanément les trois pompes. Le bruit excessif (150 décibels au lieu des 80 prévus) nécessitait «une toute petite mise au point de dernier moment». La mise au point a été fatale aux paliers des multiplicateurs des pompes (organes mécaniques d'entraînement entre le moteur et la pompe elle-même. Les trois pompes sont actuellement hors service!
     Le deuxième incident qui interdit tout démarrage, concerne les manchettes thermiques. De quoi s'agit-il? Les tuyauteries primaires véhiculent de l'eau entre 284° et 322°. Elles reçoivent des tuyauteries plus petites destinées à amener soit de l'eau plus chaude venant du pressuriseur, soit de l'eau plus froide venant de l'injection (ce système de sécurité est très important puisque c'est lui qui entre en jeu lors de l'incident le plus sérieux qui peut arriver à une centrale PWR: la perte de réfrigérant, perte qui est susceptible d'entraîner l'explosion - classique et non pas nucléaire - de la centrale), Les manchettes thermiques sont des équipements soudés destinés à diminuer le choc thermique dû aux différences de température.
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     Fessenheim n 'a pas encore démarré, mais les essais ont suffi à dessouder 4 manchettes et à en fissurer une cinquième. Cet incident n'est pas nouveau: les Américains l'ont eu également. Le type de soudage employé (un cordon tout autour) ne résistait pas aux dilatations. Ils ont conseillé un soudage en deux points seulement. Lorsque Framatome reçut les plans correspondant de Westinghouse, ceux-ci n 'étaient pas cotés. Alors, le nucléaire étant, comme chacun sait, une industrie de pointe, sinon d'avenir, Framatome a mesuré sur plan ces manchettes (avec un double décimètre?). Bien entendu, avec la précision d'une telle mesure, elles étaient trop petites. La soudure n'a pas résisté aux vibrations dues à cette erreur de cote. Le gouvernement, voulant faire démarrer Fessenheim à tout prix, suggéra de les enlever purement et simplement. Les métallurgistes consultés n'ont pas voulu apporter leur caution à une telle opération: ils ne répondaient de rien. Il a donc bien fallu réparer. Mais il n'était pas question de couper les tuyauteries. En effet, dans ce cas, il faut refaire un test en pression du circuit primaire. Or les réglements sur la tenue du matériel n'autorisent pas plus de cinq tests dans la vie d'une tranche: il yen a déjà eu deux de faits et il faut de plus en faire tous les dix ans. On va donc envoyer un soudeur dans les tuyauteries primaires en passant par la cuve dont on on aura dévissé le couvercle. Ce soudeur devra travailler avec une glace et soudera l'inox après avoir passé le bras dans la manchette. Quelle sera l'importance du retard? Trois semaines? Trois mois? On n'en sait rien pour l'instant.

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