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N°8/9
Situation du programme nucléaire

RAPPEL DE L'ARGUMENTAIRE OFFICIEL
ET SITUATION DU PROGRAMME EN 1977

     Le programme électro-nucléaire français a été lancé en mars 1974 dans l'affolement qui avait suivi l'embargo pétrolier après le conflit israélo-arabe. Le programme d'origine prévoyait un premier train de 13 tranches en 1974 et 75 puis la mise en chantier de quarante à cinquante tranches nucléaires jusquíen 1980. Cet objectif ambitieux pour lequel le Premier ministre de l'époque, Messmer, s'était engagé personnellement à ce que ce soit un succès, a été révisé et baissé régulièrement, mais il reste encore, au moin sur le papier, un des programmes les plus ambitieux du monde. 
     Il est intéressant de rappeler en début, l'argumentaire officiel le plus détaillé qui existe à notre connaissance, celui de la Délégation à l'information, intitulé: «Energie nucléaire, données techniques, économiques, écologiques»  Avril 1975.
Nous verrons ensuite qu'il y a loin du bel optimisme affiché il y a deux ans, aux dures réalités actuelles.

     La «défense et illustration» de la politique nucléaire se développe autour de deux pôles principaux:
ï il n'y a pas de problèmes techniques
ï le nucléaire est économiquement le meilleur choix, auxquels s'ajoutent des considérations sur la croissance énergétique et sur le fait que seul le nucléaire peut fournir une réponse à la «crise énergétique».

1. L'industrie nucléaire est arrivée à maturité.
     Elle va largement se développer à l'étranger. «Les données nouvelles du marché de l'énergie expliquent le phénomène mondial auquel on assiste aujourd'hui: l'intensification de la part de nombreux pays, de leurs efforts pour développer d'importants programmes électronucléaires». Le premier chapitre de la brochure décrit les perspectives de l'électro-nucléaire dans le monde: «Le programme électro-nucléaire américain est à la fois globalement important et technologiquement diversifié. Il doit permettre à l'électricité nucléaire de jouer un rôle massif dans l'économie du pays à partir des années 80».
     «Face à la crise actuelle de l'énergie et malgré ses ressources en charbon, le gouvernement allemand a décidé d'accélérer son programme. La puissance installée sous forme d'électricité nucléaire devra atteindre, selon les projets actuels, 50.000 MWc en 1985, capacité comparable à celle envisagée dans le programme français ».
 «Malgré les séquelles de Hiroshima et Nagasaki, le Japon dont le développement nucléaire est récent, vient à son tour de lancer, à la mesure de la dimension et de l'expansion écononomique de ce pays, et de sa dépendance vis-à-vis de l'étranger pour son approvisionnement en énergieÖ
L'industrie japonaise poursuit en même temps ses efforts pour la mise au point des surgénérateurs à sodium qui devraient atteindre le stade industriel vers 1986».
Le programme français n'est donc pas seul au monde; il se situe dans un contexte international favorable à son développement  (échange  d'informations technologiques).

2. La France a une longue expérience de l'industrie nucléaire.
     Bien sûr, cette expérience porte sur la filière graphite-gaz, mais le passage à la filière eau légère (PWR) ne pose pas de problèmes.

suite:
Il a fallu choisir cette dernière filière car sans cela «l'industrie électro-nucléaire française risquait de rester technologiquement isolée et de voir se fermer ses futurs débouchés à l'exportation».

3. Les problémes techniques sont résolus:
     Sécurité des réacteurs, approvisionnement en uranium, retraitement du combustible à la Hague, stockage des déchets.

4. Si l'approvisionnement en uranium pose à long terme quelques problèmes, les surgénérateurs viendront prendre le relais: «A partir de 1985, l'avance acquise par la France dans le domaine des réacteurs surgénérateurs doit lui permettre de préparer pour les années suivantes, le développement industriel sur une plus grande échelle de cette filière dite de la troisième génération ».

5. Sur le plan économique, les calculs ont été faits par les agents d'EDF
     Le KW/h nucléaire revient (en 1975) à 6 centimes, alors que le KW/h fuel revient à 10,84 centimes. Le nucléaire est largement compétitif et le restera: «Cet avantage doit même être considérablement accentué avec la mise en service des surgénérateurs».

6. «Pour pouvoir se développer rapidement et harmonieusement, l'industrie nucléaire doit être en mesure de bénéficier d'un courant d'exportation régulier et en expansion. C'est une condition essentielle de ses progrès dans l'avenir... C'est aussi une contribution nécessaire au rééquilibrage de la balance commerciale, affectée sur la crise du pétrole».

7. La consommation d'énergie va croître:
     Le maintien de la croissance économique est à ce prix. «A l'horizon 2000, les estimations doivent tenir compte de la poursuite d'un développement industriel de la consommation par habitant qui pourrait ainsi passer de 5 à 10 TEC par an (contre 12 TEC par habitant et par an aux Etats-Unis en 1972) ». Le programme électro-nucléaire va d'ailleurs créer des emplois.

8. Seul le nucléaire est capable de répondre  à cette croissance des besoins en énergie: les autres sources, notamment les énergies nouvelles, ne sont pas prêtes, malgré les efforts faits: «l'énergie éolienne se prête facilement à l'initiative privée et c'est pour cela que le gouvernement a récemment encouragé une telle recherche par un concours d'idées dont les plus intéressantes feront l'objet de suites favorables». Grâce au «Concours Lépine», la crise de l'énergie ne sera bientôt qu'un mauvais souvenir!!



     Pour finir ce rappel des positions officielles, nous donnons ci-après le programme tel qu'il était envisagé au début de cette année. On peut remarquer tout de suite que la durée de construction d'une tranche nucléaire est de cinq ans dans le programme, alors qu'il en a fallu sept pour Fessenheim et qu'aux EtatsUnis on en est maintenant plutôt à neuf ans à cause des difficultés financières et de l'opposition de plus en plus vive aux implantations. N'en sommes-nous pas là en France aussi? D'ailleurs, M. Boiteux semble maintenant reconnaître que les deux ans de retard de Fessenheim se répercuteront sur tout le programme.
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Centrales nucléairea françaises:
planning, sites, puissances et types

 A cette liste il faut ajouter:
ï Saint-Alban - Saint-Maurice (Isère), 1300 MW (P), année de mise en oeuvre 1985, demande d'enquête déposée le 15.4.76.
ï Le Pellerin (Loire Atlantique), 1300 MWe (P). Année de mise en service 1986, demande d'enquête déposée le 18.8.76.
ï Fessenheim 3 et 4, 900 MWe (P), Demande d'enquête déposée le 31.11.75. Le Conseil général a voté une motion subordonnant l'ouverture de l'enquête à la démonstration que le fonctionnement des tranches 1 et 2 n'apportera pas de nuisances.
ï Un site Languedoc ou Garonne à trouver (Port-la-Nouvelle?)
ï Un site Loire Amont à trouver (Belleville, Beffes, Henny?)
ï Un site «Falaise» à trouver (Val du Prêtre, Penly, etc.).
     D'autre part il faut également signa1er la recherche d'un site «Saône» pour deux tranches surgénératrices.
     Signalons, pour finir cette revue, la politique des sites définie par M. Lebeton, Chef du département Etudes générales -Programmes et sites de la direction de l'équipement EDF:
     La nécessité impérative de se prémunir contre la défaillance «site» conduit l'Etablissement' à disposer d'une marge de sécurité qui intervient à deux niveaux:
     - au niveau des programmes, la politique des sites est établie à partir du programme enveloppant les diverses hypothèses et constituant la partie haute de la fourchette actuellement envisagée pour la période 80-85; il s 'agit de l'hypothèse de consommation 285-385 TWh.

suite:
     - au niveau des sites, un stock est systématiquement constitué en ne saturant pas immédiatement à quatre tranches les sites ouverts, mais en maintenant libres les emplacements correspondant à la seconde paire. Il en résulte un surcoût d'équipement des sites peu élevé si on le compare au coût d'un retard d'un an pour la mise en service d'une tranche, retard qui serait inévitable en cas de non-disponibllité des sites nécessaires. Une autre politique plus économique sera également recherchée dans l'avenir: elle consiste à équiper certains sites à quatre tranches sans interruption du chantier et à disposer de sites de secours vierges mais dotés de toutes les autorisations. (...)
     Les sites dont on dispose en effet aulourd'hui ont tous été lancés avant la forte poussée d'opposition au nucléaire. Ceux qui sont sur la ligne de départ - Flamanville,  Saint-Maurice  l'Exil ou Cruas - entrent dans la catégorie des sites bénéficiant de conditions assez favorables: zone ayant subi un léger déclin industriel(2), ou région du Rhône très favorable au développement industriel. Cela ne doit pas faire oublier les difficultés rencontrées dans l'Est pour des raisons techniques ou politiques et celles qui se sont manifestées dans le Languedoc à Port-la-Nouvelle et dans l'Ouest, en Bretagne et dans les pays de la Loire.
Revue Française de l'Energie
     Pour mieux apprécier la situation actuelle du nucléaire, nous n'examinerons pas point par point l'argumentaire officiel pour le corriger ou le réfuter nous nous contenterons d'apporter de l'information sur les points suivants
1) - technique 2) - situation économique 3) - le cas particulier des surgénérateurs 4) -la situation internationale 5) - la situation sur les sites.
     On verra ainsi par comparaison que la situation est loin d'être celle qui avait été avancée dans l'argumentaire officiel.
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