LE PROBLEME DES FISSURES DANS LES RÉACTEURS
PWR
(Suite des études Gazette à voir sur le vieillissement
des centrales...)
C'est par le canal des organisations
syndicales CFDT et CGT que le public a appris l'existence des fissures
dans l'acier des tubulures de sorties des cuves de réacteurs et
dans la plaque tubulaire des générateurs de vapeurs. Nous
reviendrons en détail sur cette grave question dans l'un de nos
prochains numéros, mais à titre de première confrontation,
nous donnons à nos lecteurs une part importante des dossiers de
presse qu'a diffusés la CFDT au cours de deux conférences
de presse.
1. PRÉSENTATION
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Il s'agit là d'un défaut qui affecte très probablement une vingtaine de réacteurs nucléaires identiques et peut donc mettre en cause la capacité du programme nucléaire français d'assurer dans des conditions normales de sécurité l'approvisionnement en électricité officiellement prévu. En effet, le temps nécessaire à la mise au point des appareils de contrôle, aux contrôles, aux réparations éventuelles des pièces de cuves, le remplacement éventuel des générateurs de vapeur, peut retarder de plusieurs mois, voire de plusieurs années, la mise en service des réacteurs prêts à démarrer. Des interrogations fondamentales se posent donc: - pour les réacteurs nucléaires de ce type en fonctionnementt (Fessenheim 1 et 2, Bugey 2, 3, 4, 5), - pour les réacteurs en instance de chargement du combustible (Tricastin 1, Gravelines l, Dampierre I ). 2. FICHE TECHNIQUE
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Le préchauffage et surtout
le post-chauffage sont des opérations qui réduisent le risque
de fissures. Ces dernières prennent naissance dans la partie latérale
du cordon. Comme le cordon est déposé en spirale, les fissures
amorcées sont radiales.
Après le dépôt de la première couche de métal, des abrasions de surface et des contrôles s'effectuent à l'aide d'un dispositif à ultra-sons. La sonde de mesure est déplacée manuellement sur la surface. Avant la découverte des fissures, ce contrôle était surtout destiné à vérifier la bonne adhésion de l'inconel sur le métal de base ou de la deuxième passe sur la première. La découverte des fissures a été fortuite. Cette constatation date de 1978. Depuis, toutes les plaques de générateurs qui étaient en usine ont été testées et réparées. Un certain nombre de générateurs de vapeur déjà munis de leurs tubes et soudés ont donc été laissés vraisemblablement dans l'état en fin de fabrication et montés sur les réacteurs. Chaque plaque tubulaire avait entre 30 et 200 défauts. Le test était effectué par magnétoscope, après avoir retiré le beurrage. La longueur des défauts variait jusqu'à 15 à 20 mm de long pour 6 à 8 mm de profondeur. Les directions de fissures sont suivant un rayon à l'exclusion de celles du centre où la direction n'est pas préférentielle car le cordon ne peut pas se poursuivre en spirale parfaite jusqu'au centre. Pourquoi ces fissures?
Les plaques tubulaires en service
L'évolution des fissures et leurs conséquences
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Les tubulures de cuves La découverte des fissures dans les plaques tubulaires de générateurs de vapeur vers la mi-78 a probablement incité Framatome à examiner un autre point faible: les six tubulures d'entrée et sortie qui raccordent la cuve aux trois générateurs de vapeur. Des essais destructifs (retrait du beurrage) effectués sur des cuves en usine, au début de 1979, ont montré la présence de fissures dont les plans se situent suivant des génératrices. Ces pièces ne subissent pas de fragilisation importante du fait de l'irradiation, mais sont soumises aux autres contraintes (variation de température et pression). Notamment, le poids du réacteur repose sur ces 6 parties. Le point le plus délicat de cette pièce est particulièrement difficile à mesurer. C'est le «nez» de la tubulure qui débouche dans la cuve. Le contrôle de cette partie est très difficilement réalisable, mais est néanmoins exigé par le code ASME USA et non exigé en France. Importance du contrôle
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Soudure en hélice plan de fissure suivant une génératrice 3. RISQUE INDUSTRIEL ET RISQUE D'ACCIDENT
Le gouvernement a autorisé le chargement
en uranium des centrales nucléaires de Tricastin 1 et Gravelines
1, malgré la présence de fissures dans des pièces
essentielles du réacteur: plaques tubulaires des générateurs
de vapeur et tubulures d'entrée et sortie des cuves. Les porte-parole
du gouvernement justifient publiquement cette autorisation en disant qu'il
n'y a pas de danger d'accident - ce qui relève de la sûreté
nucléaire - mais seulement un risque industriel, dont ils renvoient
d'ailleurs à la direction d'EDF la prise de responsabilité.
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Mais on ne peut exclure un élargissement de la brèche au niveau de la cuve ainsi que des réactions mécaniques qui induisent d'autres ruptures sur le circuit primaire: ces deux situations rendraient inefficaces les systèmes de refroidissement de secours du cœur et pourraient conduire à la fusion de celui-ci. La rupture ou même une fuite importante sur les plaques tubulaires des générateurs de vapeur auraient pour conséquence la projection de l'eau du circuit primaire (radioactive) dans l'atmosphère extérieure. A l'heure actuelle, seule est prise en compte la rupture d'un tube de générateur de vapeur (sur les 1.300). Cet accident est classé dans la catégorie des accidents les moins probables et aux conséquences radiologiques les plus élevées et pourtant il se serait produit tout récemment sur la centrale de Prairie Island (Westinghouse PWR) aux EtatsUnis. La rupture de ces pièces entraînerait donc des accidents très graves. Est-elle possible? C'est là que se produit un dangereux glissement des responsabilités de la sûreté nucléaire - risque d'accident vers la fiabilité industrielle - risque économique. Que sait-on en effet de ces fissures? Les documents officiels nous apprennent qu'aucun contrôle direct n'est possible pour le moment dans les congés des tubulures de sortie et qu'en même temps c'est sur ces tubulures et à cet endroit que la présence de fissures pose le plus de problèmes. C'est là que la propagation de la fissure percerait l'acier inox en 5 à 6 ans, selon certains calculs, 3 à 5 ans, selon d'autres. Autant dire que l'on n'en sait pas grand-chose. Un autre document officiel confirme «l'importance et la complexité particulièrement grande des divers problèmes posés par ces phénomènes de fissuration». La fameuse assurance-qualité vient d'être prise en défaut: on a fait des contrôles où on savait les faire et non où il était le plus nécessaire de les faire. On ne sait pas, actuellement, quelle est l'importance des fissures sur les six réacteurs en fonctionnement (Fessenheim 1 et 2, Bugey 2, 3, 4, 5) et on ne saura pas quelle est l'importance des fissures sur les réacteurs que l'on va charger sans avoir fait les mesures préliminaires, permettant au moins de pouvoir mesurer l'évolution de ces fissures au cours de la marche du réacteur: on va démarrer en aveugle. Or, la règle de sûreté nucléaire est stricte puisqu'elle suppose que la rupture est impossible. A partir du momenl où il y a des fissures dans la pièce de métal, la rupture doit avoir une certaine probabilité qui doit être prise en compte dans les calculs de sûreté, quelle est cette probabilité? C'est ce que devraient dire les services de sûreté. Si cette probabilité est du même ordre que celle des défaillances qui sont prises en compte dans l'élaboration des parades aux accidents possibles, alors il faut qu'il y ait une parade. Comme on sait qu'il n'y a pas de parade sur les réacteurs actuels, une seule solution est possible: la réparation des pièces défaillantes pour que leur probabilité de rupture revienne au niveau extrêmement bas qu'on leur avait assigné. On ne peut accepter des déclarations du type de celle de la direction de Framatome: «la sécurité des structures est garantie pour un nombre d'années raisonnable» Ce n'est plus le langage de la sûreté nucléaire. p.7
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LA PAIX DE L'ATOME
Ceux qui s'inquiètent du
caractère non démocratique du programme nucléaire
peuvent à juste titre être inquiets de voir dériver
dangereusement l'argumentation de ceux qui en sont les infaillibles promoteurs,
au fur et à mesure que se révèlent concrètement
pour l'opinion les risques directement encourus (irradiation à doses
plus ou moins "faibles" pour les travailleurs des installations nucléaires,
rejets radioactifs dans l'environnement à faible dose en permanence,
à dose plus ou moins massive lors d'un accident, pour les populations
avoisinantes).
Au lancement du programme, ses promoteurs ont pu soutenir allègrement que toutes les situations avaient été prévues, tous les risques calculés, toutes les précautions prises. La multiplication des incidents ou accidents dans les centrales en fonctionnement - en particulier celui de Three Miles Island (T.M.I.), les conditions à l'évidence peu sûres dans lesquelles on envisage aujourd'hui de démarrer des réacteurs comme Tricastin, Gravelines ou Dampierre, ne leur permettent plus de tenir le même langage. Obligés d'admettre certaines possibilités de défaillances, ils se sont rassurés en répétant à qui veut l'entendre (et qui le savait déjà) qu'il n'y a pas d'activité humaine sans risques - ce qui peut signifier qu'on se résigne à accepter des risques toujours plus nombreux - et bien sûr que «les progrès de la science» en supprimeront les conséquences - sans avoir la moindre idée de ces progrès, ce qui s'apparente davantage à un futurisme ésotérique ou à la vente en viager qu'à une attitude scientifique. Une étape autrement dangereuse risque d'être bientôt franchie si l'on n'y prend pas garde. Elle est très bien illustrée dans un article de M. François GIHEL* paru au mois de Mai 1979 et intitulé «Crise pétrolière, le deuxième acte: rappel à l'ordre». Après avoir minimisé, comme il se doit, "l'incident improprement appelé accident" de T.M.I.** et les conséquences d'un grave accident nucléaire, l'auteur en admet la possibilité et accepte d'avance ces conséquences, en regard de ce qu'il estime être la nécessité de recourir aussi massivement que possible au nucléaire. Il écrit, à propos de T.M.I.: «Certainement, il y aura des leçons à tirer de l'affaire, notamment en ce qui concerne la formation des hommes. Certainement, il se produira, un jour, quelque part, un "vrai" accident nucléaire. |
Mais certainement aussi on peut vivre, on vit d'ores et déjà
dans une paix plus grande avec l'atome qu'avec les barrages, les avions,
les mines, les routes, les usines chimiques (Seveso...), sans parler des
dangers présentés par les eaux, les forces telluriques et
autres éléments naturels - dangers latents jusqu'au jour
où ils se concrétisent dans une belle inondation, un vigoureux
tremblement de terre ou quelque autre catastrophe naturelle - que recèle
le cher environnement de nos radieux écologistes».
Passons sur la façon dont l'auteur perçoit l'environnement (et qui pourtant explique peut-être bien des choses). Mais une société qui envisage froidement des accidents nucléaires graves et leurs conséquences (morts, cancers, accidents génétiques, zones interdites...) en faisant la balance avec le «bien-être» qu'elle est censée en retirer, c'est une société militaire. Ce n'est peut-être pas un hasard si le texte parle de «paix» de l'atome. On est au bord du gouffre (accès webmaistre), ce peut être, dans une autre étape, le choix (ou la sélection) de ceux à qui ce risque grave sera imposé, ou l'élimination de ceux qui voudraient qu'on ne le prenne pas. Cela peut s'appeler le fascisme. Sans doute, peut-être impressionné lui-même d'en être arrivé si loin, M. Gihel laisse poindre comme un remords et laisse entendre que l'avenir pourrait procéder d'une autre logique - non sans avoir au préalable et une fois de plus repoussé aux calendes grecques «les mythes à la vie dure: les "calories perdues", ''l'immense gisement des économies d'énergie",...». Il demande 10 ans «pour tester ce qu'il peut y avoir de jouable dans les "contre-plans énergétiques" les plus souvent avancés...» et «permettre au programme actuel de produire ses fruits». «Dix ans pendant lesquels, ayant pris un parti - le plus équilibré et le plus raisonnable assurément - il faut s'y tenir fermement, en en tirant toutes les conséquences. Pour le moment, le compte n'y est pas encore tout à fait.». Oue veut-on dire par "titer les conséquences"? Quand donc et sur quelle base les tenants du Programme estimeront-ils que «le compte» y sera? Le raisonnement tenu dans l'article revient à dire en tout cas que quelques centaines de morts n'y suffiraient pas! p.9
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Pour ceux de nos lecteurs qui
auraient oublié... ou pour les nouveaux venus, nous indiquons ici
les sujets déjà abordés par la Gazette. A signaler
que tous les Nos peuvent être obtenus auprès du GSIEN (voir
bulletin d'abonnement).
· N°3 L'uranium
et son approvisionnement
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· N°10 EDF...
son fonctionnenment
Pour en savoir plus. · N°11 Les effets biologiques des radiations ionisantes · N°s13, 18, 19 Trois numéros sur les « autres» énergies: géothermie, biomasse (ulilisation des végétaux), solaire. · N°15.16 Rapport Schloesing Reproduction intégrale et commentée d'un rapport de l'assemblée nationale pour la loi de Finance de 1978, accablant et justiliant à lui seul la Pétition Nationale. · N°17 Un site: le Pellerin · N°20 De l'eau à la puce Quelques textes amusants de «nucléocrates» · N°21 Situation internationale du nucléaire Le désenchantement. Où l'on voit que la France est vraiment à part. · N°22/23 Le Mouvement Une étude sociologique du «mouvement» anti-nucléaire. · N°25 L'utopie surgénératrice Tout savoir sur cette aventure qu'il vaudrait mieux arrêter au plus vite. · N°26-27 Three Misle Island L'incident de la centrale américaine avec les courbes inédites de la situation dans le bâtiment réacteur. · N°28 Recueil de fiches techniques du GSIEN p.10
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