«Méfiez-vous de ceux qui disent: "Ceci,
je le sais
La façon dont s'est déroulée
ce qu'il convient maintenant d'appeler 1'«affaire des fissures»
montre à l'évidence que l'Administration, du moins la haute
Administration, a été complètement prise de court.
Les propos des divers responsables, le contenu de l'avis rendu par la SPN*
(Section Permanente Nucléaire - organisme siégeant au Ministère
de l'Industrie) ne font que conforter cette hypothèse.
trop pour pouvoir l'exprimer", car, s'ils ne le peuvent, c'est qu'ils ne le savent pas ou que, par paresse, ils se sont arrêtés à l'écorce.» (Camus, Le mythe de Sisyphe) Le Ministre de l'Industrie a fini par reconnaître que ces fissures risquaient bien, à plus ou moins long terme, de poser des problèmes importants. Il est toujours difficile de démontrer que, sans l'intervention des syndicats, le Ministre eut été amené à se prononcer sur un problème aussi délicat. Mais il est certain que les experts de la SPN ont été invités à se prononcer dans la hâte, à propos d'un problème qui avait pourtant été identifié à la base plus de dix-huit mois auparavant. S'il en avait été autrement, nul doute que le Ministre de l'Industrie aurait, très rapidement, diffusé un dossier complet sur cette affaire, en explicitant ses tenants et aboutissants. S'il ne l'a pas fait c'est qu'il n'était pas en mesure de le faire. La bonne tenue des matériaux qui constituent l'enveloppe du circuit primaire principal (cuve, tubulures ... ) est essentielle à la sécurité des réacteurs nucléaires. Si fissures il y a et si ces fissures se propagent, le risque de rupture brutale de ce circuit primaire principal ne peut plus être considéré comme négligeable. Le problème est loin d'être trivial parce que ces matériaux sont soumis à des contraintes importantes (pressions et températures élevées) et variables dans le temps (ce qui augmente la fatigue à laquelle ils sont soumis); de plus, ces matériaux baignent dans cette ambiance corrosive qu'est celle de l'eau boriquée du circuit primaire principal. Des programmes de recherches considérables sont en cours de par le monde. C'était, bien sûr, il y a cinq ans qu'il aurait fallu mettre sur pied, en France également, un programme d'études et recherches diversifié, conséquent et coordonné. Apparemment cela n'a pas été fait; la raison? L'acier choisi en France était réputé meilleur que l'acier choisi dans les autres pays et, par conséquent, ne devait pas être sensible à la fissuration. Pour étayer son avis en cette affaire, l'Administration dispose donc des seuls calculs réalisés dans la hâte par Framatome. Vu l'enjeu, c'est peu. Dès lors se pose inévitablement la question suivante: quelle peut bien être la crédibilité d'une Administration dont on nous dit que son rôle est de veiller, en toute indépendance, à ce que le programme français de développement de l'énergie nucléaire se déroule dans des conditions de sécurité satisfaisantes? (suite)
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Cette affaire des fissures n'est-elle qu'un fait isolé, une simple « bavure» comme on en constate dans tout système de décision complexe? Ou bien n'est-elle pas le symptôme d'une réalité beaucoup plus grave, celle du peu de poids que peuvent avoir, dans le mécanisme de décision, les préoccupations de la sécurité nucléaire? L'affaire est grave et c'est bien ainsi que la ressent l'opinion. Elle ne comprendrait pas que ces risques n'aient pas été correctement analysés avant que ne soient prises ces décisions «lourdes» que sont les diverses autorisations que délivre l'Administration. 1 - L'affaire des fissures: une simple affaire parmi
d'autres
Le choix des sites
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Les plans de secours
Si l'administration travaille aujourd'hui à
l'élaboration de plans de secours en cas d'accident susceptible
de survenir dans une centrale nucléaire, c'est bien parce que les
opposants alsaciens, informés des plans de secours allemands, n'ont
cessé de faire pression sur l'administration (Préfecture
du Haut-Rhin) pour que celle-ci publie le plan de secours afférent
à la centrale de Fessenheim.
II - Le fonctionnement de l'administration
(suite)
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Comment sont-ils nommés? Comment sont financées les études et recherches dont les résultats leur permettent de répondre de façon circonstanciée aux questions qui peuvent leur être posées? etc. Ces experts ont, principalement, deux fonctions différentes. Il y a d'abord ceux qui font des études et recherches sur la sécurité nucléaire: effets des radiations; transport des radionucléides dans l'environnement; effets d'un flux de neutrons sur l'acier des cuves des réacteurs; mécanique de la rupture; efficacité présumée des systèmes de secours... Il y a ensuite ceux qui font partie des «Groupes permanents»; ces groupes, placés auprès de l'Administration, sont chargés de donner des avis sur les dossiers de sécurité soumis par les exploitants à l'Administration. Il semblerait que la S.P.N. joue bien un rôle analogue à celui que peuvent jouer les groupes permanents. Les études et recherches
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Les groupes permanents
Qu'en est-il des groupes permanents? - Le groupe permanent chargé de donner à l'Administration un avis sur les rapports de sécurité soumis par les exploitants ou futurs exploitants de centrales est composé, pour moitié d'agents du C.E.A. et pour moitié d'agents d'EDF. - Pour ce qui est des usines de retraitement, le groupe permanent compétent est composé - cette fois-ci de façon quasi exclusive - d'agents du C.E.A. Or, c'est le même C.E.A. qui développe l'industrie du retraitement; et le marché du retraitement représente pour la décennie 80, plusieurs milliards de dollars, tout au moins dans l'esprit de la COGEMA. La principale phisolosophie qui semble sous-tendre une telle organisation est donc bien celle-là: éviter toute surenchère de la part des experts. Mais, ce faisant, ne risque-t-on pas, comme on dit, de jeter le bébé avec l'eau du bain? Tout risque de surenchère est peut-être éliminé; mais, en même temps, s'agissant de domaines nouveaux et difficiles, ne se prive-t-on pas de l'apport qui pourrait être celui d'une recherche moins directement contrôlée par les promoteurs de l'énergie nucléaire? L'Administration
(suite)
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De tels documents, répondra l'Administration si on l'interroge, existent... mais ils sont rédigés d'une façon qui les rend difficilement compréhensibles par de non-initiés... ils sont secrets... L'argument ne porte plus: on sait que les secrets de l'Administration sont... de Polichinelle. III - Les velléités du gouvernement Et pourtant, depuis 1975, ce ne sont pas les
déclarations de membres du Gouvernement - voire du Chef de l'État
lui-même - qui manquent sur le sujet.
CONCLUSION
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La première erreur
a consisté à estimer que la technologie PWR était
une technologie «prouvée» et que, en recourant à
cette technologie, la France pouvait s'engager d'un pas décidé
dans la mise en œuvre d'un programme ambitieux, sans avoir à en
passer par la toujours douloureuse phase des maladies de jeunesse qui avaient
fait le lit de la filière dite française.
La deuxième erreur a consisté à croire que la technologie nucléaire était une technologie comme les autres. Ce n'est pas le cas. Les erreurs s'y payent beaucoup plus cher qu'ailleurs. L'acier des cuves et des tubulures du circuit primaire principal travaille dans des conditions que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Les tubes du générateur de vapeur doivent être suffisamment fins pour que la chaleur puisse passer du primaire vers le secondaire et de ce fait, les problèmes de corrosion se posent avec une acuité toute particulière; les exploitants des centrales en fonctionnement en font journellement l'expérience. A la différence d'une centrale brûlant du combustible fossile, la centrale nucléaire continue à produire de la chaleur après arrêt et cette chaleur doit être évacuée, etc. La troisième erreur a consisté à se satisfaire de l'idée que constructeurs et exploitants d'installations nucléaires étaient les principaux intéressés par la sécurité nucléaire et, par conséquent, à négliger la mise sur pied d'une administration de la sécurité nucléaire crédible aux yeux de l'opinion et maître de ses moyens: il est clair aujourd'hui qu'on ne saurait se «débarrasser» du risque nucléaire en affirmant que la probabilité d'être victime d'un accident nucléaire est inférieure à celle de recevoir une météorite sur la tête! Cette triple erreur d'appréciation a été commise au plus haut niveau. L'enjeu est de taille. Il l'est d'autant plus que la France est désormais dans le peloton de tête des pays qui se sont engagés dans l'aventure nucléaire. C'est en France que divergeront les premiers réacteurs PWR de 1.300 MWe. Les problèmes de métallurgie que l'on rencontre déjà avec les 900 MWe se poseront avec une acuité nouvelle. C'est également la France qui, vu l'ampleur de son programme électronucléaire, sera la première à faire l'expérience du téléréglage de centrales nucléaires. En d'autres termes, les centrales françaises - vu leur nombre - seront les premières au monde à fonctionner autrement que «en base», c'est-à-dire en production constante. Ce téléréglage implique des variations de charge fréquentes pour suivre la demande qui émane du réseau, demande qui, on le sait, varie avec l'heure de la journée. (suite)
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Or les gaines du combustible supportent mal ces variations de charge; le problème était étudié à Cadarache dans un réacteur expérimental, la CAP; mais celle-ci vient de tomber en panne. Pour ce qui est du retraitement, c'est apparemment deux usines d'une capacité de 800 tonnes chacune qui vont être mises en chantier alors qu'on en est toujours à se demander ce qu'on fera des déchets. Quant aux quantités considérables de plutonium qui seraient produites, elles sont en tout état de cause largement supérieures à ce qu'impliquerait une hypothèse optimiste de développement de l'industrie des réacteurs rapides. A quoi bon «prendre de l'avance» puisque ce plutonium se chargera progressivement en américium 241 (fortement irradiant) et que, avant usage, il faudra le re-retraiter pour le débarrasser de ce fort peu sympathique compagnon? Envisage-t-on sérieusement le développement d'une industrie nationale de fabrication de réacteurs surgénérateurs sur la seule foi de calculs d'accidents effectués sous l'égide des seuls promoteurs de la filière? Est-on vraiment si pressé qu'il faille prendre un tel risque, alors qu'on ne sait plus très bien si le réacteur en construction à Creys-Malville respecte son décret d'autorisation? Il semble même que de toute façon ce ne soit plus le problème du flambement dynamique qui préoccupe nos experts mais plutôt l'échauffement du bloc réacteur entraînant un fluage de la cuve. L'arrêt des pompes sans chute des barres entraînerait non pas le dégagement de 800 MJoules mais l'effondrement du réacteur. Or, les essais doivent être réalisés à Scarabée à partir de 1981, le programme durera 1 à 2 ans, l'analyse 1 à 2 ans. Dans le meilleur des cas on aura le résultat vers 84-85. Il sera alors trop tard pour en faire bénéficier SUPERPHENIX qui doit diverger en 83. Mais là encore, comment changer le décret sans perdre la face puisque de toute façon on ne sait pas par quoi le remplacer? Plus préoccupants sont les petits incidents de probabilité non négligeable dont l'enchaînement peut conduire à un incident grave. Là aussi les études restent à faire. Le Parlement français a envoyé aux États-Unis une commission pour y enquêter sur l'accident de Three Mile Island et l'organisation nucléaire américaine. C'est fort bien. Mais ne peut-on envisager que le Parlement français ordonne une enquête sur l'organisation française? p.9
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