La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°35/36
PLOGOFF
     
3. QUELQUES REMARQUES SUR LE PROCES VERBAL
ET LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION D'ENQUETE
POUR LA DEMANDE DE DUP DE PLOGOFF


     L'impression la plus brutale, la plus évidente à la lecture des cinquante et quelques pages de ce document est l'incompétence technique de la Commission d'enquête et tout de suite après, la parfaite soumission à la parole officielle. Au total, cela donne l'impression d'une farce.
     Qu'ont fait en effet MM. Georgelin (Administrateur des Affaires Maritimes), Allouis (Directeur honoraire de la Banque de France) et Nedelec (Capitaine en retraite de la Marine marchande), sinon de prendre quelques-unes des questions posées lors de l'enquête et de demander à EDF de donner une réponse qu'ils ont immédiatement et tout simplement entérinée?
     En dehors de toute opinion que l'on peut avoir sur l'énergie nucléaire en général, sur le site de Plogoff en particulier, on ne peut que constater, et personne ne s'y est trompé, que cette «enquête» est un simulacre d'acte démocratique et n'est de fait qu'une formalité administrative dont il est clair que de toutes les façons la réponse est donnée avant même qu'elle commence, à partir du moment où les opposants au projet ne peuvent en aucun cas faire entendre leur voix. Dans le cadre de l'enquête, cela conduit naturellement, en quelque sorte, à transporter le conflit sur un autre terrain. Il s'agit bien là d'une violence de l'Etat qui impose sa volonté et, comble de cynisme, prétend demander l'avis des intéressés. Voilà bien un exemple de confusion de pouvoirs: législatif, exécutif et judiciaire, confondus dans une seule main!
     Nous allons, à titre d'exemple et d'information, donner quelques extraits du document de conclusion de la Commission d'enquête:
     Tant que le choix du combustible des Centrales électriques se limitait entre le charbon et le fuel, la Bretagne n'avait que peu de chances de voir améliorer sa situation énergétique, en raison des difficultés d'approvisionnement.
     Soyons sérieux: il n'y a pas de difficulté pour installer une centrale au charbon (importé) 2 x 600MWe à Brest comme il avait été demandé... et refusé car en bout de ligne, disait-on!
     Rappelons qu'actuellement le prix du kWh charbon est sensiblement plus faible que son équivalent nucléaire.
     Un effort important d'information a été entrepris depuis 1974, à l'initiative tant de EDF (équipement, distribution, production, transport) que des pouvoirs publics.
     On peut citer à titre d'exemple:
- Voyages d'études organisés à plusieurs reprises à l'intention des élus et des groupements socio-professionnels (environ 300 responsables).
- Visites d'installations nucléaires par les populations locales (environ 7.000 personnes).
- Remise à tous les membres des Assemblées régionales et départementales des dossiers d'études relatifs à la centrale (EDF, CNEXO, ISTPM..): 600 exemplaires.
- Réalisation de documents techniques diffusés à plusieurs milliers d'exemplaires dans le grand public.
- Brochure de caractère général (25 questions - 25 réponses) adressée aux familles du Finistère (215.000 exemplaires).
- Réalisation et diffusion dans la région de Bretagne de la brochure spécale «Energie Bretagne».
suite:
- Enfin, plusieurs centaines de conférences et de réunions d'information, etc. s'adressant plus spécalement à des groupes socio-professionnels et à des scolaires.
     Il semblerait que dans la région, l'ouverture d'une agence de voyages s'impose...! Comme on peut le remarquer, il s'agit moins d'informer que de convaincre: en aucun cas on ne parle de mise à disposition d'informations contradictoires ou d'audition d'opposants. La technique de «hearings» (auditions publiques contradictoires) est complètement inconnue en France. Mais, lisons la suite:
 
     «A en juger par les résultats, on peut se demander si cet effort d'information a été aussi efficace que l'espéraient ses promoteurs:
- Certains documents sont assez complexes, difficilement compréhensibles pour des non initiés, et parfois peu adaptés au public à qui ils étaient destinés.
- Les opposants à l'energie nucléaire ont entrepris un travail de dénigrement qui a déconsidéré les documents diffusés par EDF et les a présentés comme de la pure propagande.
- Aucun démenti ni mise au point sérieux n'ont été diffusés, même lorsque certaines informations étaient manifestement contraires à la vérité.
     Il n 'est pas étonnant que, dans ces conditions, les arguments des opposants aient trouvé un terrain très favorable à leur diffusion et à leur acceptation
     S'il ne peut y avoir qu'une vérité, c'est la démagogie, la contre-vérité qui triomphent. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y a pas place pour le doute. Si l'on parlait un peu de la paille et de la poutre...
     «Les motifs appuyant les avis favorables concernent essentiellement les retombées économiques de la centrale dans la région, pendant la construction, puis pendant l'exploitation (emploi de la main-d'oeuvre, activité des entreprises locales): 40 avis, dont celui de l'Union Patronale du Finistère groupant de nombreuses entreprises, et celui du Conseil général du Finistère en date du 11 mars 1980.
     Quelques souhaits ont été émis de voir le réseau routier s'améliorer à l'occasion de ce chantier.
     Deux réponses, enfin, expriment le voeu que la construction de cette centrale soit l'occasion d'agrandir le port de Douarnenez pour en faire un port de commerce
     Où l'on voit que les avis favorables n'ont que peu à voir avec l'énergie. Il s'agit clairement de résoudre un problème économique et de chômage. Peut-on croire vraiment à la centrale comme solution?
     A partir de la page 11 et jusqu'à la fin, il s'agit de réponses apportées par EDF aux critiques soulevées. Ces réponses ne supportent aucune contradiction... et pourtant.
p.16

     C'est une bien étrange conception de son travail que la Commission d'enquête montre là. Pas question d'essayer de se faire une idée, non. On va tout de suite demander son avis au demandeur et on le fait sien.

     Fiche n°1, page 13. En ce qui concerne les demandes d'amélioration du réseau routier, on lit en conclusion:

     «L'ensemble de ces propositions réste naturellement à étudier entre les administrations et EDF. il faut toutefois noter que la suppression de l'nfrastructure portuaire ne modifiera pas sensiblement le volume des endiguages à établir pour assurer les conditions nécessaires au pompage de l'eau de refroidissement
     Autrement dit: on fera ce que EDF voudra!

     Fiche n°3, page 16 (intégrale). A propos de lignes d'évacuation d'énergie, on lit:

     «Une ligne de 400.000 volts est en cours d'étude entre Cordemais (Loire Atlantique) et la Martyre, près de Landerneau, et le tracé de la ligne partant de la centrale de Plogoff sera fonction du raccordement à faire sur la première.
     Une enquête d'Utilité Publique sera effectuée lorsque les caractéristiques de cette ligne pourront être définies, tant sur le plan du tracé qu'en fonction des derniers progrès techniques en matière de construction.
     D'ores et déjà EDF s'est engagé, vis-à-vis du Conseil général, pour qu'au départ de la centrale la ligne soit souterraine sur 3 km à 3,5 km, ce qui représente un effort financier important puisque le prix de revient de la ligne souterraine est supérieur de vingt fois à la ligne aérienne.
     Enfin, un cabinet d'architecte sera chargé du tracé, qui devra comporter le moins de nuisance visuelle possible
     Voilà le type même de non-réponse sauf pour les 3 à 3,5 km de câble au départ de la centrale. On peut d'ailleurs, à ce niveau, signaler le mensonge: un câble souterrain ne coute pas vingt fois le coût d'une ligne aérienne. Le chiffre est à diviser au moins par deux. A noter qu'il s'agirait d'une nouvelle technologie de «câble à gaz» qui serait plutôt posé sur le sol qu'enterré.
     «L'approvisionnement en eau (industrielle et potable) s'effectuera à partir des installations du Syndicat de l'Aulne. Un barrage sesa construit pour assurer une retenue de 3,5 millions de mètres cubes.
     La participation de EDF à cette construction et un financement spécifique de ses propres besoins est à l'étude (conduites plus larges entre la retenue et Plogoff, conduite de Plogoff à la centrale).
     L'idée de construire un barrage sur le Goyen, en amont de Pont-Croix a été jugée inopportune en raison de la qualité des terrains à exproprier, mais il est possible que pendant la phase de chantier une adduction soit effectuée, provenant du Goyen.
     Enfin, il faut signaler que le BRGM fait des sondages dans le Cap Sizun pour trouver de l'eau souterraine et renforcer les possibilités des Syndicats locaux; ces recherches sont demeurées pratiquement sans résultat jusqu'à présent.
     Les canalisations suivront les routes existantes dans les conditions habituelles
     C'est bien la peine de s'installer au bord de la mer... pour manquer d'eau. Au fait, quelle est la longueur de canalisation? Une autre question se pose également en ce qui concerne la prise en compte de ces coûts supplémentaires; là encore, le flou le plus complet. Etait-ce vraiment une commission d'enquête?
suite:
     Fiche n°5, page 18 (intégrale). A propos de l'implantation d'un surgénérateur et d'une usine de retraitement en Bretagne:
 
     «La réponse dans l'état actuel des projets, est un non catégorique:
     - Actuellement, l'usine de Creys-Malville est en construction et aucun autre surgénérateur n'est à l'étude.
     - De même, il n 'est pas prévu de construire une autre usine de retraitement, celle de La Hague devant être aggrandie
     Sans commentaires!
     Suivent ensuite cinq pages de textes et une dizaine de plans sur la question de l'évacuation des eaux de refroidissement. Nous nous contenterons de dire que ce document, rédigé par EDF, aux dires même des enquêteurs, ne fait que dire qu'au total on ne sait pas...!

     Fiche n°9, page 26 (intégrale). A propos des déchets:

     «Aucun déchet radioactiî ne sera conservé sur le site d'une façon définitive: tous les déchets seront emballés selon leur nature (noyés dans du ciment pour les déchets peu radioactifs, enfermés dans des containers spéciaux pour le combustible, après refroidissement), et expédiés à La Hague.
     Le problème du transport n 'a pas ençore été défini dans l'état actuel du dossier, il se fera par camion du site de la centrale au terminal ferroviaire, puis par fer jusqu'à La Hague.
     Le transport par mer est peu probable.»
     Eh bien, voilà!

     Nous passons ensuite à la fiche n°10 sur le problème des effluents radioactifs. Il s'agit de notes réalisées par EDF. Le ton général est, le moins que l'on puisse dire, à l'optimisme: il n'y a pas de problème et aucun risque.

     Arrivons-en à la fiche n°12 relative au démantèlement de la centrale:

     «Le choix du niveau de démantèlement dépend essentiellement de l'usage futur du site.
     C'est pourquoi plusieurs durées peuvent être indiquées pour l'accomplissement du démantèlement total après lequel il pourra y avoir réutilisation pour d'autres activités, le site étant libéré de toute radioactivité et le terrain remis en état.
     Dans le cas d'un démantèlement total décidé dès l'arrêt d'exploitation de la centrale, la durée de l'opération est calculée ainsi qu'il suit (niveau 3):

     - Période d'attente entre le déchargement et la démolition de la centrale, correspondant au temps d'élimination de la radioactivité due aux éléments, à période courte: 5 ans
     - Durée des travaux de démantèlement proprement dits: 4 ans
     - Durée totale: 9 ans

     Si le démantèlement total n'est pas effectué dès l'arrêt de l'exploitation, le site est réutilisable autour des réacteurs»

     Incroyable mais vrai. Alors qu'aucune opération sur des installations de ce type et de cette taille n'a jamais été réalisée, on affirme. Il s'agit là tout simplement de bourrage de crâne. On s'étonne que dans la lancée on n'ait pas indiqué le coût du démantèlement!
     Inutile de préciser que l'avis de la Commission est favorable à la construction de la centrale «pour l'intérêt bien compris de la région et de sa population» (sic !).
p.17

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