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N°45
2 - DOSSIER OSIRAK

INTRODUCTION

     Nous nous proposons de discuter ici les implications possibles de la livraison du réacteur nucléaire de recherche Osirak à l'lrak sur le plan de la prolifération des armements nucléaires. Une estimation réaliste des risques que peut entraîner cette opération nécessite aussi bien une information technique précise qu'un examen détaillé du contexte politique dans lequel est actuellement situé ce problème. Nous allons aborder ces questions selon le schéma suivant:
     A. Description d'Osirak:
     - Possibilités techniques de contribution d'Osirak à la prolifération;
     - Aspects techniques et juridiques des sauvegardes prévus dans les traités internationaux liant les parties.
     B. Intention probable de l'Irak dans l'achat d'Osirak;
     - Risques, précédents et contexte actuel;
     - Négociation et conclusion des accords;
     - Mesures possibles pour Osirak et en général pour limiter la prolifération.

     La première partie de cet exposé est descriptive et relève de l'information technique. La deuxième partie relève de l'actualité et du contexte politique. Les deux parties ne sauraient être indépendantes et on dégagera au fur et à mesure dans la première partie les éléments techniques significatifs pour la seconde.

I - DONNÉES TECHNIQUES

     1. Osirak 
     Osirak est la copie du réacteur français Osiris décrit en détail dans la réf. (1) , mis en service en octobre 1966 à Saclay. «C'est une pile à eau légère à c¦ur ouvert (dite «pile piscine») d'une puissance de 70 mégawatts thermiques (MWth) dont le but principal est l'irradiation de matériaux de structure de centrales nucléaires dans un flux de neutrons élevé». Il fonctionne à I'uranium enrichi à 93% en l'isotope U 235 qui seul est fissile; la charge correspondante dans le bloc-coeur est de 13,9 kg d'uranium métal, allié à de l'aluminium, contenant 12,9 kg de U 235. La consommation est d'environ à charges par an. Le coeur doit être refroidi par circulation forcée d'eau du fait de sa grande puissance; cependant «l'ouverture au-dessus du coeur donne une accessibilité comparable à celle d'une pile piscine classique» («accès direct») et «les dimensions des dispositifs d'expérimentation que l'on peut y introduire ne sont donc pas limitées». 
     Le réacteur principal d'Osirak est doublé d'un réacteur auxiliaire, la maquette neutronique en vraie grandeur Isis. Cette maquette «est un auxiliaire destiné à effectuer tous les essais neutroniques relatifs aux configurations du coeur, ... de manière à réduire au minimum le temps d'immobilisation d'Osiris (Osirak) à basse puissance». Tout est donc prévu pour assurer au maximum «la continuité de fonctionnement» et pour permettre «d'organiser les moyens de chargement, de déchargement et de transfert de façon à réduire au maximum les temps de manutention». 

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Isis contient la même charge qu'Osirak, mais sa puissance est limitée à 0,8 MWth. Ainsi la charge totale du système est de deux charges unitaires, soit 27,8 kg d'uranium métal, contenant 25,8 kg de U235. Cette dernière quantité diminue au cours du temps dans Osirak du fait même de sa combustion par fission, selon le principe des réacteurs nucléaires. Les charges sont changées au taux de combustion de 50%; cependant, la charge d'lsis ne s'use pratiquement pas, sa puissance étant volontairement limitée à 1% de celle d'Osirak, et son utilisation étant réduite à des simulations. Isis a, en revanche, un gros intérêt pour la formation des techniciens du fait même de cette possibilité de simulation sans perturber le réacteur principal.
     Le système contient en outre «des cellules chaudes de démantèlement dans lesquelles les échantillons irradiés peuvent être récupérés. Les cellules sont placées au-dessus d'un canal communiquant avec la piscine, de telle sorte qu'il est possible d'effectuer le transfert des dispositifs expérimentaux en maintenant constamment immergées les parties actives à l'aide des ponts roulants et de chariots immergés
     Sur le plan expérimental, le bloc-coeur peut recevoir de gros échantillons à irradier soit à l'intérieur du coeur, soit à l'extérieur sur à faces, sur une hauteur de 600 mm. Sur la quatrième face, un réseau de tubes est disponible pour les petits échantillons qui peuvent être manipulés par des navettes pneumatiques ou hydrauliques qui font communiquer les dispositifs expérimentaux hors pile avec le bloc-coeur.
     La caractéristique essentielle du réacteur est son très haut flux de neutrons: 4 x 1014 neutrons par cm2 et par seconde dans le domaine thermique et autant dans le domaine rapide. Le nombre total théorique des neutrons disponibles, en plus de ceux nécessaires à l'entretien de la réaction en chaîne, qui correspond à la puissance de 70 MWth, est de 2,8.1018 par seconde (les captures de neutrons par les noyaux U235 qui ne conduisent pas à la fission ayant été prises en compte). Ce nombre est réduit dans la pratique par des processus de capture parasite dans les matériaux du bloc-coeur.
     En résumé, Osirak est spécialement conçu pour irradier, avec un flux très intense de neutrons, d'assez grosses pièces qui peuvent devenir très radioactives et ce avec une continuité de fonctionnement optimalisée. La destination normale d'Osirak est l'étude du comportement sous irradiation intense et prolongée de matériaux de structure pour la conception et la construction de centrales nucléaires de puissance. C'est une installation plus technologique que scientifique.

     2. Caramel
     L'uranium enrichi à 93% à usage civil est fabriqué exclusivement aux États-Unis, ce qui est une sujétion dans l'exploitation des réacteurs marchant avec ce type de combustible. Par ailleurs, le danger de prolifération lié à l'utilisation d'uranium hautement enrichi (donc de qualité militaire) dans les piles de recherche à flux intense de neutrons n'a pas échappé aux constructeurs d'Osiris. C'est une des raisons pour lesquelles le Commissariat à l'énergie atomique a cherché à mettre au point un combustible qui, tout en étant peu enrichi, puisse faire fonctionner des réacteurs similaires à Osiris dans de bonnes conditions. Ces recherches ont été couronnées de succès et, il y a quelques années, le CEA a annoncé la mise au point d'un tel combustible qui a été qualifié de «non proliférant» et nommé «Caramel». La teneur en U235 de «Caramel» est d'environ 7% seulement. Osiris, comme Isis à Saclay, fonctionne actuellement avec «Caramel» après avoir subi de légères modifications et les règles d'exploitation correspondantes ont été approuvées le 29.10.1980(2). La commercialisation de «Caramel» est actuellement possible ou proche de l¹être. 

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     3. Les réacteurs de recherche à uranium enrichi existants
     Pour pouvoir juger des dangers qui peuvent résulter d'Osirak, il faut situer ce réacteur par rapport aux autres de type comparable qui existent dans le monde. Beaucoup de confusion a été créée à ce sujet par le fait qu'on a souvent mélangé les divers types de réacteurs en les dénombrant, sans préciser leur puissance. Or, la donnée de base, pour ce qui est de la prolifération, est la puissance puisque la charge en uranium enrichi lui est proportionnelle comme l'est la capacité de produire du plutonium, comme on le verra. Il est tout aussi important de préciser si tel réacteur est situé dans un pays dit «nucléaire»(3), auquel cas on ne peut plus parler de prolifération, le mal étant déjà fait.
     Si 133 réacteurs de recherches fonctionnant à l'uranium enrichi à plus de 80% étaient recensés en 1976 par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA), peu d'entre eux sont très puissants et peu ont été construits ces dernières années. Ainsi, il n'existe que 5 ou 6 réacteurs de ce type de plus de 50 MW, tous en pays «nucléaires» ou «développés», sauf Osirak. Dans la gamme de 5 à 50 MW, il en existe une trentaine, la plupart dans les pays «nucléaires» et la CEE. Un réacteur de 20 MW, «Safari», fonctionne en Afrique du Sud. 
     Pour ce qui est du Proche-Orient, l'Irak avait déjà un petit réacteur de construction soviétique, fonctionnant avec un uranium peu enrichi qui lui permettait de satisfaire ses besoins pour la recherche médicale, la physique des solides, etc. Israël possède un réacteur de recherche de 5 MW, de construction américaine, consacré à la recherche de type académique (médecine, physique des solides, analyse par activation, physique nucléaire, etc.) et librement accessible, à Nahal-Soreq. Il faut noter qu'Israël possède par ailleurs un réacteur de recherche fonctionnant à l'uranium naturel de 25 MW, livré par la France vers 1960. Selon ceux qui soutiennent qu'Israël possède une capacité nucléaire militaire, c'est sur ce réacteur que serait fondé le programme correspondant. 
     Notons que le premier événement de prolifération a été le fait de l'Inde, qui a réussi à faire exploser une bombe atomique grâce à un réacteur à uranium naturel fourni par le Canada, de type «Candu». Nous y reviendrons.
 


II - POSSIBILITÉS DE PROLIFÉRATION

     1. Généralités
     La construction d'une bombe atomique nécessite d'une part une matière première fissile en quantité voulue, d'autre part un savoir-faire de mise en oeuvre de cet explosif nucléaire une fois celui-ci obtenu.
     Pour ce qui est de la construction elle-même, on peut admettre de nos jours qu'elle ne présente pas de difficultés majeures, si on ne cherche pas un rendement optimal ou une miniaturisation poussée, ce qui n'est nullement nécessaire pour réaliser des desseins agressifs sur le plan régional. Une large littérature a été consacrée à ce sujet qui a été souvent abordé par la presse(5). On peut donc admettre que du moment que l'explosif nucléaire est acquis, une explosion expérimentale peut être réalisée très rapidement sans requérir des connaissances ou une infrastructure technologique poussées. C'est ce qui s'est d'ailleurs produit en Inde.
     L'effort d'un pays qui veut se doter d'un armement nucléaire est donc concentré avant tout sur l'obtention de l'explosif nucléaire en quantité suffisante. La discussion des possibilités d'y parvenir nécessite le développement de certains concepts scientifiques et techniques, ce que nous allons faire brièvement.

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Deux matières fissiles sont susceptibles d'être la base d'une bombe atomique:
     - I'uranium 235;
     - le plutonium 239.
     U235 existe dans la nature à raison de 0,7% de l'uranium naturel, dont le reste est U238. Le plutonium n'existe pas dans la nature et est essentiellement obtenu par la capture d'un neutron par un noyau de U238 qui décroît radioactivement vers Pu239; ce dernier est donc un sous-produit des réacteurs nucléaires fonctionnant à l'uranium. Notons que Pu239 peut lui-même capturer un neutron en donnant Pu240 dont la présence est indésirable. Ainsi Pu239 est obtenu en irradiant U238 dans une pile, mais pas trop longtemps, pour éviter la formation de Pu240.
     Dans la pratique, il faut un uranium enrichi à plus de 50% en U235 ou un plutonium contenant plus de 95% de Pu239(6). A ce jour, seuls des pays «nucléaires» possèdent les très grosses installations permettant d'enrichir l'uranium (USA, URSS, France, etc.) par divers procédés de séparation isotopique. Dernièrement, il semble que le Pakistan ait acquis, grâce à un espionnage réussi en Hollande, la capacité d'enrichir l'uranium par ultracentrifugation, une nouvelle technique en étude actuellement en Occident (voir plus loin). Un pays non-nucléaire ne peut donc obtenir de l'uranium très enrichi qu'en «détournant» ce matériau de son usage pacifique normal, essentiellement dans des réacteurs de recherche (les réacteurs électrogènes utilisent de l'uranium enrichi à 3% seulement). Pour ce qui est du plutonium, il ne peut être obtenu qu'après séparation chimique (à ne pas confondre avec la séparation isotopique, beaucoup plus difficile) de cet élément des autres produits contenus dans l'uranium irradié. Ce dernier est radioactif et le problème n'est pas celui des traitements chimiques, mais celui de la protection biologique des opérateurs: le travail s'effectue derrière des blindages, avec des télémanipulateurs, dans des installations qui sont souvent appelées «cellules chaudes».
     Deux étapes sont donc à distinguer dans l'obtention de l'explosif nucléaire:
     a) obtention des matières fissiles, éventuellement mélangées à d'autres produits très radioactifs;
     b) séparation chimique pour obtenir le matériau pur.

     2. La voie U235
     C'est la plus simple, si on arrive à détourner des quantités suffisantes de combustible dès leur livraison. En effet, l'uranium non irradié est très peu radioactif et peut être manipulé à la main. C'est donc la voie royale. Une deuxième possibilité peut se présenter lorsque le fournisseur oblige par précaution le client à irradier le combustible dès sa livraison: détourner ce combustible et effectuer une séparation chimique en cellule chaude, éliminant les espèces radioactives. Cette opération est relativement simple, puisqu'elle n'implique que la manipulation de quelques dizaines de kilogrammes de matière: une petite cellule chaude suffit, d'autant plus qu'une irradiation relativement courte ne crée pas une radioactivité très élevée. 

     3. La voie plutonium
     L'irradiation de l'uranium peut se faire de deux façons. Soit au sein du combustible du réacteur, soit en disposant une «couverture» d'uranium naturel autour du coeur. Cette dernière opération n'est possible que dans un réacteur de recherche ou spécialement construit pour cet usage.
     Il faut noter que la présence de U235 peut être nocive pour la production de Pu239, car la section efficace (probabilité par atome) d'absorption des neutrons par U235 est bien plus grande que celle de capture par U238, conduisant à Pu239. Ainsi, le moyen le plus efficace de production de Pu239 consiste à irradier de l'uranium naturel (ou appauvri en U235). De ce point de vue, les réacteurs à uranium naturel sont les plus avantageux, d'autant que leur utilisation est sans servitude, puisque l'uranium naturel est pratiquement en vente libre.

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     C'est par cette méthode que la Grande-Bretagne a constitué sa force de frappe, avec les réacteurs de type «Magnox», de même que la France, avec les réacteurs G1, G2 et G3 de Marcoule, dont le plus puissant atteignait 240 MWth. La France a, par ailleurs, mis au point une filière électrogène à uranium naturel, dite «graphite-gaz»; celle-ci a été par la suite abandonnée(7). L'Inde, pour sa part, a construit sa bombe atomique grâce au réacteur à uranium naturel «Candu», imprudemment fourni par le Canada.
     Le plutonium produit est noyé dans une grosse masse d'uranium contenant des quantités importantes d'isotopes radioactifs. La séparation chimique implique ici la manipulation de grosses quantités de matière, de l'ordre de la tonne et requiert des installations de séparation chimique bien plus importantes que celles mentionnées dans le cas de l'uranium. Il faut souligner cependant que l'irradiation formant la couverture est, par un ou plusieurs ordres de grandeur, inférieure à celle que subissent les combustibles dans les réacteurs électrogènes construits actuellement. L'activité induite est donc elle-même très inférieure et les installations de séparation chimique nécessaires ici n'ont en importance aucun rapport avec les installations de retraitement des combustibles irradiés de l'industrie nucléaire.
     Observons que la construction d'installations de séparation chimique est nettement facilitée si le taux d'irradiation admis pour le personnel est supérieur à celui pratiqué actuellement en Occident (où il était bien plus élevé dans les années 50). Cela peut très bien être le cas dans un pays à régime autoritaire, accordant une primauté totale à la réalisation de ses projets. Les critères d'évaluation des difficultés de construction d'une telle installation doivent en tenir compte.
     Nous allons examiner un peu plus bas comment Osirak peut être exploité pour produire du plutonium.

     4. Quantités d'explosif nucléaire nécessaires pour la fabrication d'une bombe
     La notion sous-jacente à cette question est celle de masse critique. Celle-ci est la masse d'une matière contenant l'isotope fissile qui, sous forme d'une sphère, est assez grande pour qu'une réaction en chaîne puisse s'y développer. En effet, une fission produit 2 à 3 neutrons; si, en moyenne, plus d'un de ceux-ci parvient à induire dans la sphère une nouvelle fission, on obtient un effet multiplicatif conduisant à la réaction en chaîne. On produit alors plus de neutrons dans la masse qu'il ne s'en échappe du système et la «divergence» peut avoir lieu. La masse critique dépend de la composition chimique, de la densité, et de l'enrichissement de l'explosif nucléaire, ainsi que du réflecteur à neutrons placé autour. Une masse critique devient sous-critique si on s'éloigne de la forme sphérique, par exemple si on partage la masse en deux en maintenant les morceaux à une certaine distance. 
     Très schématiquement, une explosion atomique est provoquée en transformant brutalement une masse sous-critique en critique et en déclenchant au même moment la réaction en chaîne. Ceci peut être obtenu par la brusque et violente compression d'un assemblage sous-critique grâce à une implosion classique rigoureusement centripète, qui a aussi comme rôle de maintenir la sphère comprimée pendant assez longtemps pour qu'une grande quantité d'énergie puisse s'y dégager: en effet, sans cela, la chaleur produite disperserait rapidement la sphère, stoppant prématurément la réaction. L'implosion peut être assez forte pour que la compression augmente fortement la densité du matériau fissile: la masse critique peut s'en trouver fortement diminuée. La quantité de matériau nécessaire est donc fonction de la technologie utilisée pour la mise à feu. 
     La quantité de matière fissile nécessaire pour la fabrication d'une bombe est restée à ce jour un secret pour le public. La masse critique pour une sphère de matière fissile sous forme métallique au repos donne une première idée de ce qui est requis.

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     Avec un réflecteur en uranium naturel d'une épaisseur d'environ 20 cm, on a (8):
     - pour de l'uranium enrichi à environ 93%: 16 kg de U235;
     - pour du plutonium contenant 95% de Pu239: 6 kg de Pu239.
     Ces métaux ont une densité proche de 20 et les sphères correspondantes ont un volume respectivement d'environ 0,84 litre et 0,37 litre, soit un diamètre de 12 cm et 9 cm, soit encore comme un pamplemousse pour l'uranium et comme une orange pour le plutonium. Ce n¹est pas gros!
     La masse requise pour une explosion peut être plus grande pour une bombe de conception rudimentaire et beaucoup plus petite pour une bombe à technologie avancée. L'AIEA a défini la notion de «quantité significative» pour un détournement qui peut conduire à une explosion réalisée avec des moyens relativement rudimentaires:
     - pour l'uranium enrichi à plus de 90%: 25 kg de U235;
     - pour le plutonium contenant 95% de Pu239: 8 kg de Pu239. 
     Il est clair que ces dernières quantités sont des valeurs conventionnelles et il est prudent de retenir, à défaut d'informations plus précises, les masses critiques indiquées ci-dessus (seules données scientifiques accessibles), 16 et 6 kg, pour estimer la capacité de production de bombes atomiques d'une installation. Comme on sait que des masses nettement plus faibles que la masse critique au repos ont explosé, c'est là une estimation moyenne très raisonnable. 

     5. Les possibilités d'obtention d'explosifs nucléaires liées à Osirak
     Nous discutons cette question dans l'hypothèse d'une volonté arrêtée de l'Irak d'obtenir des explosifs nucléaires. Nous examinerons plus loin la vraisemblance de cette hypothèse.

     a) La voie uranium
     Si deux charges, destinées à Osirak et à Isis, sont détournées dès leur livraison, on dispose de 25,8 kg de U235, plus  que la «quantité significative». Un élément essentiel du problème est donc le nombre de charges d'avance que la France accepte de livrer.
     Si des charges irradiées sont également détournées (pas trop irradiées cependant, pour que la teneur en U235 reste élevée), on peut constituer un stock d'environ 38 kg de U235 en réunissant une charge d'Isis (peu irradiée), une charge d'Osirak qu'on aura pu irradier assez peu pendant la période précédant une livraison et une charge de rechange livrée normalement. Même compte tenu de quelques pertes lors de la séparation chimique, il reste largement plus que la «quantité significative», et on ne peut exclure que deux bombes puissent être fabriquées (32 kg).
     Notons que l'Irak possède ce qui est nécessaire pour la séparation chimique dans cette option. Une cellule chaude a en effet été achetée en Italie(10, 11, 12); celle-ci n'est pas placée sous le contrôle de l'AIEA(12).
     Pour exclure l'éventualité d'un tel coup de force irréversible, il faudrait veiller à ne jamais livrer qu'une seule charge à la fois et contrôler que la charge échangée a été longuement irradiée, avant la livraison. Il serait aussi utile de charger Isis avec du combustible assez usé, par exemple ne contenant plus que 60% de U235, ce qui suffit amplement pour le faire marcher.
     Il est clair qu'une certitude absolue d'exclure la voie uranium ne peut être atteinte qu'en passant au combustible «Caramel».

     b) La voie plutonium
     Si la France s'abstient de livrer plus d'une charge à la fois, seul un coup de force permet le détournement. L'Irak ne pourrait alors disposer que de deux bombes au maximum, dans l'hypothèse où la France arrête immédiatement ses livraisons. 

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On ne peut exclure ce scénario car l'Irak peut retirer des avantages considérables d'une seule explosion expérimentale, a fortiori s'il lui reste de quoi faire une deuxième bombe. Cependant, on peut aussi imaginer un dessein plus ambitieux, auquel cas la constitution d'un stock d'explosif devrait rester secrète ou insuffisamment prouvée pour justifier une interruption de fourniture de combustible. Ceci est permis par la voie plutonium, qui a aussi l'avantage de rester ouverte, même si le passage à «Caramel» était imposé par la France.
     Du plutonium peut être produit dans Osirak en disposant autour du coeur une «couverture» en uranium naturel. La limite supérieure théorique de production de Pu239 correspondant au nombre de neutrons émis par seconde cité plus haut, 2,8.1015, est de 1,12 mg/s, soit 96 g/jour ou 35 kg/an. En fait, ce chiffre est fortement réduit par les absorptions indésirables de neutrons par d'autres noyaux que ceux de U235; par l'impossibilité d'entourer complètement le coeur par la couverture et l'épaisseur finie de celle-ci; par les arrêts du réacteur qu'on situe généralement à 20% du temps, etc. Il est raisonnable d'estimer que la capacité de production d'Osirak est donc d'une dizaine de kg de Pu239 par an si aucun changement n'est apporté au c¦ur et si la couverture n'a pas l'épaisseur optimale. Cette couverture pèse alors de l'ordre de la tonne, ce qui représente un volume de l'ordre de 50 litres, qui peut être logé autour du coeur. Même si on divise encore par 2 ce chiffre, la production est d'une «quantité significative» de Pu239 tous les 18 mois, 6 kg, la masse critique, tous les 14 mois, donc de l'ordre d'une bombe équivalent par an.
     Observons que, selon de nombreuses sources, Israël posséderait une vingtaine de bombes atomiques produites en vingt ans de fonctionnement du réacteur de Dimonah à uranium naturel. La capacité de production de ce réacteur de 25 MWth serait donc de 1 bombe/an. Considérant qu'un tel type de réacteur est plus efficace pour la production de Pu239 qu'Osirak, qui nécessite une couverture extérieure, mais considérant aussi leur rapport en puissance de 2,8, il est cohérent d'estimer la capacité de production d'Osirak à une bombe par an. On ne peut à la fois admettre la capacité nucléaire militaire d'Israël et nier celle qui est associée à Osirak.
     La couverture d'uranium doit être changée tous les 2 à 3 mois environ si on veut garder une teneur en Pu239 assez élevée. La production annuelle de Pu239 se trouve donc dispersée dans un poids d'uranium de l'ordre de la dizaine de tonnes, fortement radioactif. Des installations relativement importantes sont nécessaires pour effectuer la séparation chimique. Cette opération peut cependant être effectuée loin d'Osirak, en un lieu secret où une telle installation pourrait être construite en s'inspirant de la cellule chaude italienne, par exemple(13). Cela est technologiquement beaucoup plus facile que la construction d'ultracentrifugeuses, opération en voie d'être réussie par le Pakistan. L'Irak pourrait aussi stocker un certain temps cet uranium «ensemencé» en plutonium, en attendant de se procurer l'équipement et les connaissances requis pour le séparation chimique.
     Il faut insister ici sur le fait que l'Irak fait des achats massifs d'uranium et que la matière première des couvertures ne saurait lui manquer. Ainsi le Portugal a vendu 130 tonnes d'uranium à l'Irak(14, 15), le Niger 100 tonnes(16). Le Niger a aussi vendu 450 tonnes à la Libye(16) qui pourrait aussi, un jour, en céder une partie à l'Irak, si besoin était, dans le cadre d'un effort collectif pour la construction d'une «bombe islamique» (voir plus loin).
     En conclusion, sur le plan technique, Osirak, réacteur à haut flux et prévu pour des irradiations importantes et efficaces, est bien choisi pour produire du plutonium avec une production potentielle d'explosif de l'ordre de 1 bombe équivalent par an. On a beaucoup insisté sur le danger de prolifération directe découlant de la livraison d'uranium enrichi. Ce serait cependant un leurre de croire que la fourniture de «Caramel» résoudrait le problème. Au contraire, l'Irak aurait tout intérêt à utiliser le combustible livré pour se constituer un stock de Pu239. Le seul obstacle sérieux sur ce chemin est celui des contrôles de l'A.I.E.A., dont nous allons examiner l'efficacité.
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     Cette voie, si elle ne met pas à disposition de l'Irak la bombe atomique à brève échéance, peut l'y amener en quelques années: ce délai lui permettrait d'ailleurs de constituer un stock suffisant au cas où, après une explosion expérimentale, la France stoppait ses fournitures de combustibles. Mais qu'est-ce que 4 ou 5 ans? L'Inde, le Pakistan y ont bien travaillé plus de dix ans.

     c) La voie technologique
     Nous ne mentionnons que brièvement cet aspect évident car il ne relève pas de considérations techniques. La formation accélérée et spécifique d'un nombreux personnel technique à la technologie nucléaire permettra à l'lrak, à moyen terme, d'accéder par lui-même à la possibilité de construction d'un réacteur plutonigène, comme y est parvenue la Chine (sans aide extérieure). Osirak, utilisé alors selon sa destination normale, c'est-à-dire pour étudier des matériaux de structure pour réacteurs, serait là encore le point de départ d'un processus aboutissant à la prolifération.
     Le problème est très général, car il pose celui de tous les gros programmes de coopération nucléaire. Nous y reviendrons.

III - LES SAUVEGARDES

     1. Introduction
     Les termes du contrat liant la France et l'Irak sont restés secrets. Ainsi, les seules sauvegardes dont nous pouvons discuter ici sont celles que l'A.I.E.A. est chargée de mettre en oeuvre à la suite du Traité de Non-Prolifération Nucléaire qui est entré en vigueur le 5 mars 1970. L'Irak a adhéré au T.N.P. De nombreux pays n'ont pas signé le T.N.P., comme l'Afrique du Sud, l'Algérie, I'Argentine, le Brésil, l'Espagne, l'Inde, Israël, le Maroc, le Pakistan, le Portugal et surtout, parmi les pays «nucléaires» occidentaux, la France (4, p. 49). Cependant, tous les réacteurs expérimentaux à uranium enrichi sont sous le contrôle de l'A.I.E.A., sauf ceux de la Chine.
     Deux attitudes sont possibles pour un pays exportateur face au danger de prolifération lié aux exportations d'installations nucléaires. La première option consiste à se conformer aux conventions internationales en s'en remettant entièrement aux dispositifs de sauvegarde qu'elles prévoient et en postulant une certaine bonne volonté a priori du pays acheteur. Cette doctrine est illustrée par la réponse du 22.9.1980 du ministre des Affaires étrangères(17) à une question du député Didier Bariani, qui s'inquiétait des dangers d'Osirak à la lumière de la fragilité des garanties données par un pays politiquement instable comme l'lrak: «...par son adhésion au traité de non-prolifération des armes nucléaires, I'Irak a, contrairement à d'autres pays, accepté les contrôles de l'A.I.E.A. sur l'ensemble de ses installations nucléaires. La rigueur, l¹efficacité et la validité de ce système international de contrôle sont reconnues par la communauté internationale. En aidant l'Irak, comme ce pays en a le droit légitime, à bénéficier des applications pacifiques de l'énergie atomique, le Gouvernement français a conscience de respecter scrupuleusement les règles du commerce nucléaire international» ... il s'agit en somme d'obéir eux «règles de l'art» sans en demander davantage. Cela revient à placer le problème sur le plan formel et juridique, se contentant d'être irréprochable au regard des textes.
     La deuxième option consiste à vouloir garder la maîtrise des événements jusqu'au bout, le but n'étant pas «d'être en règle» mais bien d'empêcher effectivement toute prolifération. Les règles de l'art sont alors envisagées de façon critique, les décisions tenant compte d'une évaluation des intentions du pays importateur.

suite:
     Si les sauvegardes prévues par l'A.I.E.A. étaient parfaites et si les conventions internationales étaient contraignantes à long terme, leur respect pouvant être imposé, les deux attitudes seraient équivalentes. Nous allons voir que ces conditions ne sont pas remplies. 
     Nous ne pouvons ici faire un exposé complet des méthodes de travail de l'A.I.E.A.; nous n'allons pas non plus en faire le procès. Nous allons simplement souligner qu'elles ont des failles et considérer ces «règles de l'art» non pas dans l'hypothèse optimiste d'une bonne volonté du pays importateur, mais dans celle où le détournement des installations de leur usage pacifique va être tenté systématiquement: c'est là le seul test valable des garanties invoquées.
     Les failles du système de contrôle ne sont dues ni à l'incompétence, ni à la mauvaise volonté de l'A.I.E.A. Elles sont dues aux énormes difficultés techniques du problème et au fait que les méthodes de l'A.I.E.A. et les limites de son intervention sont soumises à des conventions internationales, fruit de longues négociations et des nécessaires compromis acceptés en vue d'y faire adhérer un maximum de pays. Cette large adhésion est aussi la source des faiblesses de son efficacité. 
     Observons que les États-Unis ont été amenés à imposer à leurs exportations des garanties bien plus strictes. Cette politique les a d'ailleurs amenés à de sérieux conflits, en particulier avec la France en 1976, au sujet de la vente au Pakistan d'une installation industrielle de retraitement des combustibles irradiés. Or, cette installation aurait été soumise au contrôle de l'A.I.E.A. La France a d'ailleurs suspendu, pour finir, ses exportations de ce matériel(18), mais il était alors «trop tard pour limiter les dégâts»(19). Nous y reviendrons plus loin.

     2. Buts, modalités et méthodes du contrôle
     Des informations détaillées peuvent être trouvées dans les statuts(20), le Bulletin de l'A.I.E.A., en particulier celui d'août 1980(9) et la notice sur le T.N.P. de la réf. 4. L'A.I.E.A. dépend de l'O.N.U. Sur le plan des sauvegardes, «elle a pour objectif technique la détection à temps du détournement de quantités significatives de matériaux nucléaires de leur usage pacifique pour la confection d'armes nucléaires, d'engins explosifs nucléaires ou pour des buts inconnus et de décourager de tels détournements par le risque encouru de détection précoce. Élaborer les méthodes de sauvegarde elles-mêmes requiert la définition de valeurs pour les quantités de matériaux nucléaires dont le détournement serait considéré comme "significatif"...» (4, p. 37). 
     On peut observer ici que, par la définition même de ses tâches, le contrôle de l'A.I.E.A. est entachée d'ambiguïté. Il ne s'agit pas d'émettre des soupçons mais bien de prouver un détournement de «quantité significative» de matériaux fissiles. Nous avons vu que ces quantités sont élevées et constituent déjà un risque grave. La distance entre des soupçons et la preuve du viol des accords est un des éléments clefs de l'estimation de l'efficacité effective des sauvegardes. 
     Le contrôle est effectué par des inspecteurs de l'A.I.E.A. Les inspecteurs doivent avoir à titre personnel l'agrément de l'Irak, qui peut les récuser à tout moment(21). L'Agence propose alors à l'Irak une ou plusieurs autres désignations: en cas de refus répété, le directeur de l'A.I.E.A. demande l'examen de la situation par le Conseil «afin qu'il prenne les mesures appropriées»(21) qui ne sont pas spécifiées. La porte est donc ouverte à de longues manoeuvres dilatoires. 
     Les visites doivent «réduire au minimum les inconvénients et perturbations pour l'Irak et pour les activités nucléaires pacifiques inspectées» et «assurer la protection des secrets industriels ou autres renseignements confidentiels venant à la connaissance des inspecteurs»(21).

p.8

     L'expérience montre que les inspections peuvent être bloquées pendant une certaine période sans entraîner de réaction. C'est ce qui s'est produit le 7.11.1980 au début de la guerre irano-irakienne, quand «l'Irak a informé l'A.I.E.A. que les inspecteurs de l'Agence ne peuvent actuellement venir à Bagdad contrôler les deux réacteurs...»(22). «Une source française bien informée a alors déclaré: Nous sommes dans une situation complètement nouvelle qui n'a été prévue dans aucun traité international»(23). Ces faits, jugés très graves, ont motivé une question du député socialiste Paul Quilès au ministre des Affaires étrangères les 10. 10.1980 et 24.11.1980: «M. Paul Quilès s'inquiète auprès de M. le ministre des Affaires étrangères de l'impossibilité dans laquelle se trouve actuellement l'A.I.E.A. de Vienne d'assurer le contrôle en Irak des deux réacteurs de recherche et de la charge d'uranium enrichi livrés par la France; cette situation vient d'être confirmée officiellement par l'Irak. Il lui rappelle qu'il l'avait questionné le 10 octobre 1980, sur les possibilités d'un tel contrôle depuis le début du conflit armé entre l'Iran et l'Irak. Le danger de prolifération de l'arme nucléaire entraîné par l'exportation du nucléaire civil apparaît particulièrement préoccupant dans le cas de l'Irak. Aussi, il lui demande quelles conclusions il tire de cette information alarmante, et les mesures qu'il compte prendre dans le cadre de la coopération nucléaire entre la France et l'Irak»(24)
     Dans sa réponse, le Ministre se réfère aux textes comme dans celle à M. Bariani. Le Ministre continue: (le gouvernement) «note que l'A.I.E.A. a d'ailleurs indiqué officiellement, d'une part qu'elle avait obtenu de l'Irak toutes les précisions demandées quant à l'état et à l'intégrité des combustibles et, d'autre part, que l'Irak s'est engagé à organiser une seconde inspection dès que les circonstances créées par la guerre irano-irakienne le permettraient. Dans ces conditions, le Gouvernement français, qui reste en contact étroit avec l'Irak et l'A.I.E.A., considère qu'il n'y a pas remise en cause des engagements de non-prolifération pris par l'Irak et ne partage pas l'appréciation portée par l'honorable parlementaire sur la coopération nucléaire franco-irakienne.» 
     On voit donc que, pour l'A.I.E.A. comme pour la France, l'hypothèse de la bonne volonté de l'Irak est adoptée sans restriction et qu'on se satisfait d'assurances sans contrôle ni garantie. C'est là un précédent déterminant pour ce qui est de l'estimation de l'efficacité des sauvegardes. L'incident a été clos sans suite, le blocage des visites ayant été plus tard levé. Ces faits illustrent la remarque de la notice de l'A.I.E.A. sur le T.N.P. (4, p. 20): «L'une des conclusions qu'on peut tirer de l'expérience acquise à ce jour au sujet des sauvegardes de l'Agence est que leur efficacité dépend de la coopération de l'État concerné et de toutes les autorités impliquées». 

     Les inspecteurs ont comme moyen d'action (9, p. 13):
     - la comptabilité précise des matières fissiles;
     - la vérification de la marche des installations et l'inspection de leurs livres de bord qui doivent être tenus avec précision; la mise en évidence des incohérences (usure anormale du combustible, fonctionnement non adapté, etc.);
     - plombage et vérification du combustible vierge;
     - vérification du contenu du coeur.
     Ils peuvent aussi utiliser des caméras automatiques plombées, surveillant les endroits névralgiques en leur absence. Notons que ces caméras abandonnées à la discrétion du personnel local entre deux inspections peuvent être trompées de diverses façons et ne pourraient au plus qu'éveiller des soupçons. 
     Les inspecteurs doivent avoir accès à tout ce qui touche aux matières fissiles. Ce ne sont pourtant pas des policiers: ils ne visitent que ce qui est déclaré. Ainsi des cellules chaudes ou installations de séparation chimique construites en secret sur un autre site échapperaient à tout contrôle. 
     La fréquence des visites de routine dépend de l'importance du réacteur. Pour Osirak, on peut compter à 3 à 4 visites par an. Des visites exceptionnelles peuvent être décidées, mais, dans la pratique, les autorités sont prévenues 3 à 4 jours à l'avance. Les inspecteurs sont toujours accompagnés par des représentants des autorités de l'État concerné (20, p. 27). 

suite:
     Les rapports des inspecteurs ne sont pas publiés, mais sont accessibles à tous les États membres de l'A.I.E.A.
     Des tentatives de diversion variées ont été envisagées (9, p. 15): vol de combustible frais, remplacé par des éléments d'imitation; falsification des inventaires de matières fissiles; falsification des livres de bord, etc.
     Il faut noter que les moyens dont dispose l'A.I.E.A. sont limités, que le nombre des inspecteurs ne dépassait pas 60 en 1974 et qu'on peut douter que les moyens en hommes et en matériel mis à disposition de l'A.I.E.A. vont suivre le rythme de développement, qui s'accélère, de l'industrie nucléaire qu'elle est censée surveiller.
     En conclusion, il apparaît clairement que si le contrôle de l'A.I.E.A. est un frein sérieux aux détournements, de nombreux moyens existent pour le tourner, même si on admet la parfaite honnêteté et le sérieux des inspecteurs. Ceux-ci peuvent être récusés à tout moment; leur visite est prévue plusieurs jours à l'avance et ils sont accompagnés; les visites peuvent être bloquées pendant d'assez longues périodes. Les divers types de falsification sont difficiles à détecter lors de leurs courtes visites. Si de bons inspecteurs peuvent relativement facilement concevoir des soupçons, il leur sera assez difficile de prouver un détournement «significatif» qui déclencherait les mesures de rétorsion (voir plus loin).
     Cette situation est reconnue par l'A.I.E.A. elle-même, qui situe à 95% la probabilité a priori de détection de son contrôle (9, p. 5). La probabilité restante de non-détection de 5% est un risque énorme, compte tenu de l'extrême gravité de ses conséquences. Qui peut jouer le sort de peuples entiers à la roulette russe, même avec un barillet de 20 places?

     3. Rétorsions en cas de détournement
     Les inspecteurs préviennent le directeur général qui alerte le conseil; celui-ci informe le conseil de sécurité et l'assemblée générale de l'ONU(20), qui prennent ... ou ne prennent pas les décisions qui s'imposent.
     L'A.I.E.A., de son côté, suspend l'exercice des droits au sein de l'Agence du membre fautif.
     Les possibilités d'action de l'A.I.E.A. dans le cadre du T.N.P. en cas de détournement sont ainsi évaluées par l'A.I.E.A. elle-même (4, p. 22): «L'histoire a montré que la mesure dans laquelle des organismes internationaux peuvent imposer des sanctions complètement efficaces est limitée. Cependant, un État surpris à détourner clandestinement des matériaux nucléaires pour la construction d'armes nucléaires... prendrait le risque de provoquer une crise internationale majeure, souffrirait d'une perte totale de crédibilité internationale, mettrait en danger ses fournitures de combustible nucléaire et causerait un affront majeur à l'opinion publique mondiale
     En conclusion, la seule rétorsion possible pour des réacteurs à uranium enrichi est l'arrêt immédiat par le pays exportateur des fournitures de combustible. Encore faut-il que ce ne soit pas trop tard et que le pays fautif ne trouve pas d'autres fournisseurs. Une réaction aussi franche n'est pas évidente lorsque le pays fautif détient une arme de rétorsion efficace contre son fournisseur: c¹est le cas de l'Irak, appuyé par d'autres pays arabes, qui dispose de moyens de pression très puissants sur la France par ses fournitures de pétrole. A fortiori, une telle réaction nécessite un grand courage si l'A.I.E.A. n'a que de fortes présomptions, mais pas de preuves pour le détournement.

     4. Les précédents
     L'Inde, champion de la non-violence, a fait exploser une bombe atomique en 1974, grâce au réacteur canadien à uranium naturel mentionné plus haut (qui n'était, il est vrai, que partiellement soumis au contrôle), sans provoquer d'autres réactions que celle du Pakistan qui est entré à son tour dans la course à la bombe atomique ... Ainsi le Pakistan prépare sa bombe au vu et au su de tous, malgré les très fortes pressions des États-Unis. Ces pressions se sont relâchées à la suite de l'invasion de l'Afghanistan qui a mis le Pakistan en position de force par rapport à l'Occident et aucune réaction quelle qu'elle soit ne s'est concrétisée.

p.9

     L'Inde encore a déclaré qu'elle «pourrait se dispenser de demander l'autorisation des États-Unis pour retraiter les combustibles de la centrale nucléaire de Tarapur»(25), violation des accords conclus avec les États-Unis, qui ont essayé par ailleurs, en vain, «d'imposer à l'Inde un contrôle plus strict des matières nucléaires livrées» au nom du T.N.P. 
     Les inspecteurs de l'A.I.E.A. ont découvert en 1976 que des barreaux irradiés contenant 500 g de plutonium ont disparu dans un réacteur de recherche de Taiwan de type voisin de celui qui a permis à l'Inde d'accéder à la bombe atomique(26). Il n'y eut aucune conséquence, alors que Taiwan, comme la Corée du Sud, a laissé entendre qu'elle «souhaitait se doter d'un armement nucléaire»(27)
     Pour ce qui est de la Corée du Sud, ce pays a acheté au Canada un réacteur «Candu». analogue à celui fourni à l'Inde(27). Le Monde remarque: «Les experts estiment que les garanties prévues contre un détournement de l'énergie nucléaire à des fins militaires ne sont pas aussi satisfaisantes que dans le cas des réacteurs américains.» Pourtant, la Corée du Sud est signataire du T.N.P.32 et est donc soumise aux inspections de l'A.I.E.A.: celles ci ont donc été jugées insuffisantes.
     Enfin, pour ce qui est de l'efficacité possible de la «comptabilité» de matières fissiles, il faut se rappeler que «plus d'une centaine de kilogrammes de plutonium ont "disparu" depuis 1970 des différentes centrales nucléaires britanniques». «Une telle "disparition" est liée aux incertitudes de calcul sur les quantités de plutonium produites...(28)» On peut pourtant supposer que tout a été fait pour faire un inventaire aussi précis que possible.

     5. Compétence de l'A.I.E.A., durée des traités
     L'ensemble des dispositions ci-dessus s'applique dans la mesure où l'Irak est signataire du T.N.P. et membre de l'A.I.E.A. Tout État peut se retirer à tout moment de l'A.I.E.A. (20, p. 36). Par ailleurs, tout État peut dénoncer le T.N.P. «dans le cadre de l'exercice de sa souveraineté... s'il décide que des événements extraordinaires, reliés au sujet de ce traité, mettent en danger les intérêts suprêmes de ce pays.» Un préavis de 3 mois est dû (4, p. 44 ; article X du traité). Qui plus est, le traité ne dure que jusqu'en 1995; une conférence internationale décidera alors de sa prorogation (article X).
     Il apparaît ainsi que, comme le T.N.P. prévoit aussi une assistance technique aux États membres non nucléaires, le traité peut être utilisé cyniquement par un pays pour se constituer un potentiel technologique nucléaire. Ce pays peut alors le dénoncer dès qu'il considère qu'il a obtenu suffisamment d'avantages grâce à son adhésion, s'il veut se constituer un arsenal nucléaire, ceci sans avoir jamais enfreint ses obligations.
     Notons que de nombreux pays commencent à considérer que le T.N.P. est caduc du fait du non-respect par les États «nucléaires» de clauses du traité sur le désarmement.

     6. Le cas d'Osirak
     Nous ne considérons que la production éventuelle de plutonium car celui de l'uranium enrichi ne pose pas la question de l¹efficacité des contrôles: si un stock livré existe sur place, il est contrôlé tant qu'un coup de force n'a pas eu lieu. La substitution éventuelle d'imitations devrait être relativement aisée à détecter.
     La matière première, l'uranium naturel, échappe à tout contrôle; aucune comptabilité n'en est tenue. Si une telle matière est irradiée, elle relève du contrôle dans la mesure où elle contient une quantité notable de produit fissile. 

suite:
Si donc, en principe, le contrôle ne s'étend pas directement aux expériences exécutées avec Osirak, qui sont censées être purement pacifiques, un contrôleur consciencieux doit surveiller les programmes d'irradiation pour ce qui est de l'uranium. Il n'est pas clair d'après les textes si irradier massivement de l'uranium est contraire aux conventions avec l'A.I.E.A. Après tout, la pile est faite pour cela et on peut prétexter des études approfondies. Ce qui semble certain, c'est que les matériaux irradiés doivent être inventoriés par les contrôleurs. Il serait important de vérifier si l'accumulation de quantités importantes d'uranium naturel irradié, mais sous contrôle, déclenche l'alerte au détournement. Dans le cas contraire, l'Irak peut constituer un stock et dénoncer le traité le jour de son choix. Un tel stockage provoquerait, bien sûr, des soupçons mais quelles réactions? Il faudrait connaître le texte complet de l'accord avec la France, resté secret.
     L'Irak peut aussi tenter de camoufler les irradiations. Déménager, par exemple, les éléments au moment des 3 ou 4 visites annuelles: de toute façon, c'est le rythme avec lequel il faut renouveler la couverture. Ceci n'est pas aisé mais pas impossible non plus, compte tenu surtout des possibilités de man¦uvres dilatoires. Il ne s'agit que de l'ordre de 50 litres de matière, qu'on peut évacuer par le canal interne reliant Isis et Osirak, jusqu'à la cellule chaude intégrée au système, d'où il est aisé d'extraire les matériaux irradiés sous château de plomb et de les mettre à l'abri en lieu secret. Il ne faudrait d'ailleurs cacher qu'une partie des éléments, puisque l'opération d'irradiation elle-même est licite, seules les grandes quantités peuvent être l'objet d'alerte. Une inspection approfondie des enregistrements des modes opératoires, un suivi soigneux de la consommation de combustible pourraient faire ressortir des modalités de fonctionnement suspectes, mais n'apporteraient aucune preuve. L'usure du combustible au rythme maximum, s'il peut sembler excessif par rapport au programme de recherche pacifique divulgué (mais l'Irak est-il tenu de le communiquer?) peut difficilement être l'objet de reproches: l'Irak n'a-t-il pas acheté le plus puissant des réacteurs de recherche existants pour s'en servir? L'irradiation de grosses quantités d'acier et autres matériaux de structure aurait les mêmes effets sur la marche du réacteur que celle d'uranium.
     Ainsi le contrôle mettrait peut-être les inspecteurs sur leurs gardes en cas de production de plutonium, mais la preuve déclenchant l'alerte pourrait être très difficile à apporter. Seule la présence permanente d'inspecteurs sûrs permettrait de constater la tentative de constitution de stock de plutonium avec certitude.

     7. L'appréciation de l'efficacité de l'A.I.E.A. sur le plan international
     Cette question a donné lieu, en 1976, à une grave crise internationale dont les protagonistes ont été en particulier les USA, le Pakistan, la Corée du Sud, la France, I'Allemagne, etc. Après l'exposé ci-dessus, situé plutôt sur le plan technique, il n'est pas inutile de rappeler brièvement ces faits.
     Le point de départ de la crise a été la prise de conscience plus aiguë par les États-Unis des dangers de la prolifération d'une part et l'extension rapide de l'industrie nucléaire d'autre part: les États-Unis sont, en effet, arrivés à la conclusion que le T.N.P. et les sauvegardes prévues dans son cadre ne présentaient plus de garanties suffisantes dans le nouveau contexte. Le point focal de la crise était la livraison d'usines de retraitement de combustible nucléaire à divers pays et en particulier au Pakistan par la France, sous le contrôle de l'A.I.E.A. Les États-Unis ont considéré qu'une telle usine productrice de plutonium n'avait pas de justification économique et que sa commande soulevait la suspicion(29); qui plus est, ils «estimaient insuffisantes les garanties prévues par l'Agence de Vienne(29)» (voir aussi la réf. 30 qui contient de plus un compte rendu de la genèse de l'affaire). La France arguait que, non seulement le contrat est conforme à la réglementation internationale, mais «qu'elle est allée au-delà» puisque l'accord comporte une clause précisant que toute usine que pourrait construire ultérieurement le Pakistan, utilisant le même procédé de retraitement, serait soumise elle aussi au contrôle de l'A.I.E.A.(31).

p.10

     Notons ici la faille que révèle cette déclaration dans les dispositions de contrôle, puisque celui-ci ne peut s'exercer que sur les installations primitivement visées par les accords. Par ailleurs, comme on l'a vu, l'accord avec l'A.I.E.A. peut être dénoncé à tout instant et violé en secret sans détection possible avant qu'il ne soit trop tard. C'est pourquoi les États-Unis ont considéré que les statuts de l'A.I.E.A. sont «aujourd'hui insuffisants(31)». En même temps, a été soulevé le problème posé par le fait qu'une usine de retraitement peut être construite en «pièces détachées» en achetant le matériel dans divers pays sans en révéler la destination(32). Après qu'une vente analogue avec la Corée du Sud a «été annulée à la suite de pressions de Washington sur Séoul(33)», la France a décidé de réviser sa politique sur cette question. «Si un examen doit être entrepris (des contrôles de l'A.I.E.A.), c'est sans doute qu'on estime à Paris, à la suite des Américains, ces contrôles insuffisants», écrit Le Monde(33), qui ajoute: «Des décisions prises dépendra aussi le rythme plus ou moins grand auquel les armes nucléaires proliféreront, d'ici à la fin du siècle, à la surface de la planète». Par la suite, le président Ford a élaboré un vaste programme de lutte contre la prolifération nucléaire venant s'ajouter au T.N.P.41 et le président Giscard d'Estaing, considérant que «l'intérêt politique est désormais de s'opposer à la prolifération(35)», institue le «Conseil interministériel de politique nucléaire extérieure française(35)». Le 17 décembre 1976, «la France renonce à toute exportation de matériel nucléaire pouvant servir directement ou indirectement à la fabrication d'armes atomiques(36)», mais maintient le contrat avec le Pakistan, «engagement ferme», qui sera le «dernier du genre(37)». Cependant, les réacteurs à usage dit «pacifique» sont exclus de l'embargo. Le Monde commente(37): «Le fait que les experts et, derrière eux, les gouvernements cherchent à renforcer, mois après mois, les garanties, montrerait plutôt les limites de plus en plus étroites de la confiance des responsables dans ces garanties établies avec tant de difficultés. On peut d'ailleurs noter que la vente d'une usine de retraitement par la France au Pakistan est tout à fait conforme aux dispositions du T.N.P. et a été approuvée par l'Agence Atomique de Vienne». Dans le même numéro du Monde, on trouve la remarque suivante : «Les procédés chimiques du retraitement sont du domaine public depuis 1955, les seules difficultés techniques restant celles de la protection biologique des opérateurs: un pays disposant d'un niveau technique non exceptionnel, éventuellement assisté d'ingénieurs formés dans des pays judicieusement choisis, pourrait bien, au prix peut-être de quelques risques humains, s'en tirer fort honorablement». «Ainsi», conclut à ce sujet Le Quotidien de Paris(32), «se pose le problème de l'exportation des centrales aussi bien que celui des usines de retraitement». 
     Rappelons à ce propos qu'une couverture d'uranium naturel subirait dans Osirak, comme nous l¹avons souligné, une irradiation beaucoup plus faible que les combustibles de réacteur: la construction d'une simple usine de séparation chimique pour en extraire le plutonium est donc bien plus facile que celle dont le cas vient d'être examiné. En conclusion, le réacteur est bien le premier chaînon, et le seul indispensable, menant à la fabrication d'une bombe atomique.
 


IV - LES INTENTIONS VRAISEMBLABLES DE L'IRAK

     Dans l'analyse faite jusqu'à maintenant, nous avons admis comme hypothèse de travail une intention arrêtée de détournement de la part du pays importateur, qui pouvait n'être l'Irak qu'à titre d'exemple: les conclusions sur le plan technique sont générales. Il faut voir maintenant ce qu'il en est effectivement de l'Irak et de ses intentions et si les craintes qui sous-tendent cette analyse sont fondées.

suite:
     Notons d'abord que, dans des pays à régime instable, il est hasardeux de se baser sur la bonne volonté des gouvernants lorsqu'on met en place de façon irréversible une technologie qui contient potentiellement des dangers aussi redoutables que ceux de la prolifération des armements nucléaires: un bouleversement politique peut à tout moment changer du tout au tout les données du problème. Dans le cas de l'Irak, par ailleurs à régime hautement instable depuis des décennies, la question ne se pose pas ainsi car on a de solides raisons de s'inquiéter dès le départ.
     Il est suspect de prime abord qu'un pays qui n'a guère d'infrastructure scientifique décide de commencer son effort de développement dans ce domaine précisément sur le plan nucléaire, et ceci avec un instrument destiné à l'étude de ce qui est le plus difficile: la construction de centrales nucléaires. Il serait plus logique que, pour se doter de telles centrales, l'Irak les achète à un exportateur qui connaît déjà ces techniques - parmi les plus difficiles à maîtriser de notre temps. Par ailleurs, quelle nécessité orienterait l'Irak à baser sa politique énergétique sur l'électronucléaire, alors que c'est un des grands pays exportateurs de pétrole du monde? Cet État encore en voie de développement devrait à l'évidence avoir d'autres priorités (voir à ce sujet la réf. 38).
     La façon même dont l'Irak est arrivé à fixer son choix sur Osirak est troublante. Ce qui fut en effet négocié d'abord avec la France en 1975 était un réacteur de 500 MW électrique (1.500 MWth, 20 fois Osirak) de la filière graphite-gaz, c'est-à-dire, comme nous l'avons vu, le type même de l'installation plutonigène, fonctionnant à I'uranium naturel, donc non contrôlable par la fourniture de combustibles(39). Les négociations ont commencé juste après que l'Inde eût fait exploser une bombe obtenue grâce à un réacteur canadien de nature analogue. Ce n'est qu'après que la France se fut déclarée incapable de fournir un tel réacteur, car cette filière était abandonnée, que l'Irak a porté son choix sur Osirak. Notons que, par la suite, il n'a plus été question de réacteur électrogène, ce qui prouve bien que le but recherché ne correspondait pas à des projets énergétiques. 
     La commande à I'ltalie d'une cellule chaude suggère bien évidemment une conclusion dans le même sens: le projet ne peut être justifié ni sur le plan scientifique, ni sur le plan économique. Les achats massifs d'uranium naturel cités plus haut complètent le tableau, ainsi que les contrats de coopération nucléaire avec le Brésil(40)
     Il serait par ailleurs utile de vérifier les assertions selon lesquelles l'Irak aurait refusé une proposition du C.E.A. de passer à «Caramel» pour le combustible d'Osirak. Un tel refus de renoncer à I'uranium enrichi au cas où «Caramel» est disponible signerait explicitement l'intention non pacifique de l'Irak.
     Ces intentions et les dangers redoutables qui pourraient en découler ont été abondamment dénoncés dans la presse. Citons le long article de Francis Perrin(38), I'estimation américaine selon laquelle l'Irak disposera d'une bombe atomique vers 1985(40), et celle d'André Fontaine, pour qui l'lrak «cherche visiblement à mettre au point, grâce à l'uranium enrichi livré par la France» une bombe atomique(41). Des craintes analogues ont été exprimées dans un long article du journal scientifique américain Science(42).
     Sur le plan politique, les ambitions nucléaires de la Libye, qui soutient activement les efforts pour mettre au point une «bombe islamique», sont bien connus(43). Certaines déclarations irakiennes vont dans le même sens, alors même que l'Irak proteste de ses intentions pacifiques, comme celle de M. Naïm Haddad, membre du conseil révolutionnaire, à une réunion de la Ligue Arabe en 1977: «Les Arabes doivent avoir la bombe atomique(40)
     La plupart des références citées, et en particulier le cri d'alarme de Francis Perrin au sujet d'Osirak, sont antérieures à la guerre déclenchée par l'Irak contre l'Iran en dépit du traité qui liait ces deux pays depuis 1975. Ces événements récents donnent un nouvel éclairage au problème qui nous préoccupe et aggravent singulièrement les craintes que l'on peut avoir à ce sujet.
p.11

V - L'ACCORD DE VENTE D'OSIRAK

     L'accord franco-irakien du 18 novembre 1975, négocié par M. Chirac, est le point de départ de la coopération nucléaire entre les deux pays. Ce n'est qu'un an plus tard, le 30 octobre 1976, après que l'Irak eût renoncé à acquérir un réacteur de la filière graphite-gaz comme mentionné plus haut, que la nouvelle de la vente d'Osirak perce(44). La conclusion de ce contrat reste cependant longtemps secrète. Le Monde en confirme l'existence, le 11 novembre 1976(45), le jour même où est annoncée la révision complète de la politique française en matière de vente de matériel nucléaire(35). Le 15 novembre, Le Figaro(46) annonce que la signature du contrat est imminente et en donne les détails; il estime «que le principal danger d'Osiris réside dans sa grande capacité à former des experts dans le nucléaire. Un important contrat de formation est lié à la livraison du réacteur à l'Irak». Cependant, le 17 novembre, le porte-parole de l'Élysée refuse encore de confirmer la nouvelle(47) qui est reconfirmée le 22 décembre 1976 par Le Canard enchaîné(48). Ce n'est que bien plus tard que l'accord est officiellement confirmé, mais son texte est resté secret à ce jour.
     Observons que c'est précisément pendant la période finale de la négociation du contrat qu'a eu lieu la crise sur la prolifération décrite plus haut, et que la France s'est solennellement engagée à renoncer à toute exportation pouvant contribuer à la prolifération (les 12 novembre et 17 décembre 1976, selon les références citées).
     Compte tenu du caractère secret du contrat, un certain nombre de questions peuvent se poser quant à son contenu et quant aux règles que pourrait suivre l'actuel gouvernement dans certaines circonstances. Énumérons-en quelques-unes, à la lumière de l'analyse qui précède:
     1. Quels sont les contrôles supplémentaires en plus de ceux de l'A.I.E.A. prévus dans le contrat ?
     2. Le rythme des livraisons de combustible enrichi à 93% en uranium 235 est-il limité à une seule charge de 12,9 kg de U235 à la fois, et ce seulement lorsque le chargement du c¦ur doit être renouvelé? Est-il exact qu'initialement la livraison de 70 kg de combustible a été envisagée(46)?
     3. Est-il prévu de s'assurer que le combustible en place est bien brûlé à 50% avant d'effectuer une telle livraison?
     4. L'Irak a-t-il le droit de stocker sur place ou d'utiliser à des fins d'expérimentation tout ou partie des combustibles brûlés?
     5. Quelles dispositions sont prévues pour le rapatriement des combustibles usés?
     Quels sont les délais prévus de «refroidissement» sur place et quel stock maximal de combustible usé peut se constituer avant rapatriement? Comment va-t-on contrôler que les combustibles usés ont été vraiment brûlés, en particulier pour ceux d'Isis, au cas où ils seraient stockés sur place un certain temps?
     Il faut rappeler à ce propos que le combustible brûlé à 50% contient encore de grandes quantités d'uranium à très forte teneur en U235 (environ 75%). Selon les définitions de l'A.I.E.A., 25 kg de U235 sous cette forme constituent encore une «quantité significative(9)»: celle-ci serait atteinte avec 4 charges usées. Par ailleurs, un tel stock de matériaux très hautement radioactifs est directement exploitable militairement tel quel dans des attaques anti-cité et représente un grave danger.
     6. Quelles sont les circonstances dans lesquelles la France arrête automatiquement ses livraisons de combustible? Que se passe-t-il en cas de:
     - détournement prouvé (de U235 ou de Pu239) de «quantités significatives» ou de quantités plus faibles (comme dans le cas de Taiwan);
     - soupçon de tels détournements;
     - obstruction dans l'habilitation des inspecteurs;
     - suspension du libre accès des inspecteurs;
     -dénonciation par l'Irak du T.N.P. ou du contrat le liant à l'A.I.E.A.;
     - forte présomption qu'une installation de séparation chimique est en train de se monter en secret dans un site non accessible au contrôle, le cas échéant sur le territoire d'un pays ami de l'lrak;
     - apparition de faits nouveaux de prolifération démontrant à l'évidence des failles graves dans les contrôles prévus?

suite:
     7. La France peut-elle imposer «Caramel» si Osirak donne des performances équivalentes ou proches avec ce combustible?
     8. La production d'importantes quantités de tritium par irradiation d'échantillons de lithium a-t-elle été envisagée comme utilisation d'Osirak? Les dangers potentiels d'une telle production ont-ils été estimés sur le plan des applications militaires?

VI - LES MESURES POSSIBLES POUR LIMITER LES RISQUES DE PROLIFÉRATION LIÉS À OSIRAK

     Observons tout d'abord que, quelles que soient les intentions du gouvernement au sujet d'Osirak, il serait utile de lever le secret sur l'accord et, au cas où ce dernier serait maintenu avec ou sans révision, d'énoncer avec clarté et à l'avance les circonstances dans lesquelles la France arrêterait automatiquement ses fournitures, et exercerait, le cas échéant, d'autres mesures de rétorsion. En effet, une telle position, prise à froid, couperait court aux tentatives de pressions pétrolières ou autres que l'Irak ne manquerait pas de mettre en oeuvre si une décision d'arrêt de fourniture devait un jour être prise.
     Nous faisons ici une liste d'autres mesures préventives envisageables, par ordre d'efficacité croissante.
     Pour ce qui est du combustible à uranium enrichi:
     a) Ne livrer qu'une charge à la fois.
     b) En plus, ne livrer de nouvelle charge qu'une fois la vérification faite que la charge d'Osirak est bien brûlée à 50%.
     c) En plus, charger Isis avec du combustible brûlé à 60%, extrait d'Osirak, et s'assurer que cela reste ainsi.
     d) En plus, interdire toute utilisation du combustible irradié. Une telle opération n'aurait rien à voir avec l'exploitation de la pile.
     e) En plus, rapatrier le plus vite possible les combustibles irradiés et empêcher toute constitution de stock sur place.
     f) Le danger de détournement de U235 serait éliminé si le passage à «Caramel» était rapidement imposé.

     Pour ce qui est du plutonium:
     a) Contrôle draconien avec présence permanente d'inspecteurs parfaitement fiables.
     b) En plus, exiger que le site reste un laboratoire ouvert, comme c'est le cas des vrais réacteurs de recherche scientifiques, avec un programme de recherche scientifique publié.
     c) Être par ailleurs vigilant pour toute tentative de construction d'usine de séparation chimique ou de retraitement à laquelle l'lrak pourrait avoir accès.

     Pour ce qui est du transfert de technologie:
     - Limiter la formation des techniciens au niveau de la recherche scientifique et de l'utilisation pacifique d'un réacteur de recherche dans divers secteurs de la physique, la chimie, la médecine, etc. Répartir l'aide scientifique à l'Irak de façon équilibrée dans tous les domaines et ne pas la concentrer sur le domaine des réacteurs: former massivement et spécifiquement des ingénieurs spécialisés dans la technique des réacteurs proprement dite n'est pas de l'assistance ou de la coopération scientifique, mais du transfert massif de technologie, ne se justifiant ni sur le plan des besoins scientifiques, ni sur celui de l'enseignement et de la culture. On ne peut, à ce sujet, invoquer le T.N.P. car ses failles sont maintenant bien connues et la France n'en est d'ailleurs pas signataire.
     Il est clair que seule la suspension du projet permet, dans le contexte actuel, d'éliminer avec certitude le danger de prolifération. Si l'option est de se fier aux contrôles, quitte à donner un coup d'arrêt en cas de détournement prouvé, le risque de prolifération est, comme nous l'avons montré, très élevé. Si l'option est de réagir énergiquement à un soupçon de détournement, on peut se demander si suffisamment de soupçons ne sont pas accumulés dès maintenant. En vérité, peut-on fournir à un État des moyens dont on peut dès le départ croire qu'il fera tout pour les détourner de leur utilisation pacifique, prétendant se fier à des contrôles d'une efficacité douteuse ou d'une lourdeur mal supportée, qui seront des sources permanentes de tension et d'affrontement? Seuls la stabilité, le caractère pacifique et la fidélité éprouvée à ses engagements internationaux d'un État acquéreur peuvent tempérer les craintes liées à une vente de matériel susceptible de contribuer directement ou indirectement à la prolifération.

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CONCLUSION

     On peut se demander pourquoi le gouvernement, sous la présidence de M. Giscard d'Estaing, a tenu à conclure l'accord de vente d'Osiris, malgré ses risques graves et évidents, alors même que venait d'être modifiée la politique française en matière d'exportations nucléaires dans le sens de la prudence et de la vigilance. Il ne nous est pas donné de pouvoir répondre, d'autant moins que la guerre déclenchée par l'Irak contre l'Iran est intervenue depuis. Nous citerons seulement un commentaire du Monde du 2 avril 1981 sur les négociations avec M. François-Poncet, de la vente de centrales nucléaires à la Corée du Sud: «Du côté sud-coréen, on paraît surtout attendre de cette visite, qui ne manquera pas d'être mise à profit pour rehausser l'image internationale du nouveau régime, deux avantages essentiels. Le premier, qui concerne la coopération nucléaire, est un apport de technologie et des facilités dans l'obtention de l'uranium enrichi, deux points sur lesquels les Américains, du moins sous le président Carter, se montraient fort réticents par crainte de prolifération. C'est pour cela, ainsi que pour diversifier les sources d'approvisionnement, que les contrats ont été donnés aux Français et non - selon des officiels - pour des raisons de compétitivité. Le second avantage est diplomatique... » 

     Nous conclurons par un texte dû à un physicien français de haut niveau qui désire garder l'anonymat, écrit avant que la présente analyse n'ait été élaborée, qui, à partir d'hypothèses minimales, place le problème évoqué ici sur le plan de la géopolitique et de la morale politique:
     «Le problème de la pile-piscine irakienne suivie de livraisons d'uranium enrichi est beaucoup plus politique et national que technique.
     En effet, sans même entrer dans le détail d'une argumentation technique, il semble bien qu'il est, au moins en principe, possible que l'Irak envisage de construire des armes atomiques grâce à cette pile et y parvienne. Auquel cas, comment ne pas s'interroger sur ce que nous ferions dans cette éventualité?
     N'oublions pas que l'Irak est directement engagé dans la lutte pour l'hégémonie dans sa région du monde. Il a pris part à des conflits avec Israël. Il est en guerre contre l'lIran pour reconquérir des territoires; cette guerre, de type conventionnel, ne lui est pas favorable et il s'y est enlisé.
     Un tel pays, comme beaucoup d'autres, ne peut que souhaiter prendre l'avantage sur ses voisins grâce à la possession de l'arme atomique. En principe, trois obstacles peuvent l'arrêter:
     1. L'incapacité technique, mais en fait nous formons nous-mêmes ses techniciens dans nos laboratoires.
     2. Un contrôle de notre part ou de celle d'un organisme international. Mais si, soudain, l'Irak refuse la poursuite de l'exercice de ce contrôle, que ferons-nous? Ferons-nous la guerre pour l'imposer? Il est possible que non, donc il est possible qu'il échappe au contrôle.
     3. La cessation de la livraison de matières fissiles: mais, en fait, il suffit que l'Irak (comme tout autre pays) possède quelques bombes atomiques, même non renouvelables, et sa menace devient crédible sur des voisins qui en sont dépourvus. Donc menacer de cesser les livraisons ne résout pas le problème.
     Bien sûr, ce sont là des intentions prêtées à l'Irak et il pourrait affirmer ne s'intéresser à l'industrie nucléaire qu'à des fins scientifiques et techniques. Mais d'abord, il est bien suspect qu'un pays n'ayant pas de base technique ou scientifique commence son équipement, précisément par les techniques nucléaires: techniques de pointe très coûteuses.

suite:
Et cela d'autant plus que l'Irak possède déjà une petite pile capable de fournir à la médecine et à l'industrie des radioéléments artificiels; de toute manière, l'achat de ces radioéléments à I'étranger ne serait en fait pas plus assujettissant et pas plus coûteux que l'achat et l'entretien d'une grosse pile.
     Il est donc, certes, possible que ce choix relève d'estimations malencontreuses d'un plan de développement qui ne nous regarde pas, mais il est également possible qu'il résulte de visées hégémoniques.
     Les chances qu'il en soit ainsi sont peut-être difficiles à estimer mais elles existent et si cela se trouvait ainsi, les risques encourus par le monde entier et, notamment, par la France seraient terribles. Ce serait le risque d'un Sarajevo atomique d'autant plus grave qu'il surgirait dans une région du monde qui est balkanisée, à laquelle les grandes puissances sont liées par des rivalités et des ententes politiques, et dont le rôle est actuellement décisif dans l'approvisionnement en pétrole du monde occidental.
     Or, en définitive, soyons clairs, c'est bien de cela qu'il s'agit, de l'approvisionnement en pétrole! S'il n'était question que des risques, il est probable que la France n'aurait jamais livré la pile en question, tant ces risques sont graves. Mais il y a deux problèmes économiques qui vont contre la prudence:
     1. Tout d'abord, il y a simplement la recherche de marchés pour notre industrie.
     2. Mais ensuite - et bien plus encore - il s'agit de notre approvisionnement en pétrole. 
     Or il est clair que la crise économique et la crise du pétrole, qui ont déjà porté atteinte au niveau de vie des Français, portent en elles des menaces de graves souffrances (misère, désordres sociaux, etc.), si elles venaient à déferler irrésistiblement et le gouvernement de la France se doit, certes, d'y parer dans la mesure de ses moyens.
     La question qui se pose alors est celle-ci: «Devons-nous subordonner toute notre politique au seul impératif d'éviter aux Français ces souffrances?» 
     Autrement dit: «Devons-nous céder à toutes les instances des pays fournisseurs de pétrole qui appuient leurs exigences de la force que leur procure momentanément la possession de ces ressources naturelles?»
     Je pense résolument que non et cela, quoiqu'il en coûte aux Français, car la grandeur et l'indépendance de la France passent avant.
     Un choix semblable se posait en 1940 avec la défaite militaire de la France. La position du maréchal Pétain était qu'il fallait composer avec le plus fort, en l'occurrence l'occupant, afin de tenter de soulager à tout prix les souffrances des Français et il a ainsi mis le doigt dans l'engrenage de la trahison nationale et il s'est rendu complice des pires crimes de guerre. Le mérite du général De Gaulle a été, au contraire, de comprendre que l'intégrité de la France et sa continuité historique passaient avant tout.
     Mutatis mutandis, le dilemme est semblable aujourd'hui et la pente facile présente des dangers analogues.
     Si la France paie de n'importe quel prix politique ses fournitures en pétrole, elle cédera de plus en plus, elle y perdra son âme et si, un jour, une troisième guerre mondiale éclate, ne serait-ce qu'en partie par la faute de la faiblesse et de l'égoïsme de ses gouvernants, les souffrances qui s'ensuivraient et la honte historique que nous porterions tous auraient évidemment des conséquences autrement plus graves que celles de la crise du pétrole.
     La question que chacun doit se poser en conscience, c'est: «Pourquoi prenons-nous le risque de livrer la pile? Est-ce vraiment parce que nous croyons ce risque tout à fait inexistant? Ou bien le faisons-nous - en minimisant le risque pour nous donner bonne conscience - par simple crainte de perdre, en cas de refus, un avantage immédiat?»
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BIBLIOGRAPHIE ET NOTES
1. Osiris, C.E.A., janvier 1976.
2. Bulletin de la Sûreté des installations Nucléaires, n°19, novembre-décembre 1990 (publié parle Ministère de l'industrie).
3. Un pays est considéré comme «nucléaire» aux yeux du Traité de Non-Prolifération (T.N.P.) s'il a fait exploser une bombe atomique avant le 1er janvier 1967 (réf. 4, p.48). Les pays «nucléaires» sont: URSS, USA, Grande-Bretagne, France, Chine.
4. A Short History of Non-Proliferation, A.I.E.A., 1976.
5. Voir par exernple les descriptions de possibilités de construction de «bombes d'amateur» rapportées selon Theodore B. Taylor par Michel Bosquet et Dominique Pignon (Observateur, 6.1.1975, p. 67), et des nouvelles analogues rapportées par Le Monde du 10 et du 12.10.1976, qui cite également l'ouvrage «Nuclear Theft» d'un expert américain.
6. Dans les réacteurs électrogènes, lorsqu'on veut tirer le maximum d'énergie de U235 du combustible, on irradie l'uranium longtemps et on obtient du plutonium à bien plus faible teneur en Pu239 que 95%. Ainsi un réacteur électrogène ne produit du plutonium militaire que si on le fait marcher exprès pour cela, de facon par ailleurs peu économique. Notons cependant que les Américains ont démontré expérimentalement que le plutonium dit «civil, peut exploser, contrairement à ce que prétendaient les promoteurs européens des réacteurs surrégénérateurs. La bombe est simplement plus difficile à fabriquer et son explosion est moins sûre (voir Le Matin, 16.9.1977).
7. La Recherche, mars 1975: «Réacteurs nucléaires: que deviendra le plutonium?»
8. «Reactor Physics Constants», U.S. Atomic Energy Commission, juillet 1963, pp. 582 et 1585.
9. A.I.E.A., Bulletin, vol. 22, août 1980.
10. Le Monde, 17.9.1980.
11. Le Monde, 26.9.1980.
12. The International Herald Tribune, 27.6.1980.
13. Nous ignorons en fait l'importance exacte de cette cellule; nous ne pouvons donc exclure complètement qu'elle puisse par elle-mime avoir la capacité de séparer par exemple 6 kg de plutonium par an.
14. The New Scientist, 23 avril 1961, p. 207.
15. Daily Telegraph, 29.3.1980.
suite:
16. International Herald Tribune, 13.4.1981, p.1.
17. Réponse des Ministres, Questions écrites, Journal Officiel du 22.9.1980.
18. Le Monde, 17.12.1976.
19. Le Matin, 11.1.1978.
20. Statuts, A.I.E A., Vienne.
21.Accord entre l'Irak et l'A.I.E.A., I.N.F.C.I.R.C./172, basé sur le T.N.P.
22. Le Monde, 8.11.1980.
23. New York Herald Tribune, 7.11.1980.
24. Réponses des Ministres, cuestions écrites, Journal Officiel du 19.1.1981.
25. Le Monde, 5.2.1981.
26. Le Monde, 31.8.1976.
27. Le Monde, 29.3.1977.
28. Le Monde, 26.7.1977.
29. Le Monde, 10.8.1976.
30. L'Express, 16-22.8.1976, p. 30.
31. Le Monde, 11.8.1976.
32. Le Quotidien de Paris, 8.9.1976.
33. Le Monde, 9.9.1976.
34. Le Monde, 5.10.1976.
35. Le Monde, 12.11.1976.
36. France-Soir, 17.12.1976.
37. Le Monde, 18.12.1976.
38. Francis Perrin, France-Soir, août1980.
39. La Recherche, mars 1975.
40. International Herald Tribune, 27.6.1980.
41. Le Monde, 13.11.1980.
42. Science, octobre 1960, p. 507.
43. Le Monde, 9.1.1981.
44. Le Monde, 30.10.1976.
46. Le Monde,11.11.1976.
46. Le Figaro, 15.11.1976.
47. Le Monde, 17.11.1976.
48. Le Canard Enchaîné, 22.12.1976.
p.14

Cela va-t-il continuer?
L'Inde se serait préparée à bombarder les installations nucléaires pakistanaises
(Extrait de l'Express du 5.8.81)
    Le directeur du programme atomique pakistanais, Mounir Ahmad Khan, a déclaré, avant-hier soir à Islamabad, qu'à la suite du raid israélien contre le centre de recherches irakien de Tammouz, des «mesures de sécurité» avaient été prises pour «protéger» les installations nucléaires pakistanaises. La déclaration vient coiffer une vigoureuse campagne de presse, menée tout au long de la semaine dernière par les journaux pakistanais sur le thème d'une possible attaque aérienne de l'lnde contre ces installations.
     L'ensemble de la presse pakistanaise mettait ainsi en relief un mystérieux rapport attribué aux conseillers militaires du cabinet du premier ministre de l'lnde, Mme Indira Gandhi. Ces conseillers auraient pris contact avec certains de leurs amis conseillers eux aussi militaires mais étrangers. Le regard se portait aussitôt vers l'URSS créditée de ce fait d'avoir soufflé aux Indiens l'idée d'attaquer les installations nucléaires pakistanaises On ajoutait qu'un scénario était tout prêt et que l'aviation soviétique aurait même songé à intervenir directement à partir de ses bases en Afghanistan. L'lnde a qualifié ces allégations de «ridicules».
     L'affaire pose toutefois un intéressant problème A en croire en effet les Pakistanais, la cible de l'attaque aurait été le centre de recherche de Sihala-Kahuta, où le général-président Zia ul-Haq a fait tester une petite production d'uranium enrichi à hauteur militaire grâce aux centrifugeuses dont les Pakistanais se sont clandestinement procurés les plans. Or, diverses sources d'information indiquent que les installations d¹enrichissement pakistanaises (il s'agit d'installations légères, avec de petites ultracentrifugeuses) auraient été transportées pour tout ou partie, suivant les sources, du centre de Sihala vers un autre centre en création dans la région de Multan, trois cents kilomètres plus au sud.
     Le nouveau centre serait situé en plein désert, il serait plus facile à défendre et ne poserait pas, comme Sihala, de problème d'alimentation en électricité. Les satellites américains et soviétiques auraient détecté dans ce désert, connu sous le nom de Cholistan, des travaux de construction de tunnels assez semblables à ceux utilisés pour tester l'explosif nucléaire. L'explication de la campagne de presse pakistanaise renverrait alors à la volonté de ce pays de jeter un rideau de fumée sur son nouveau centre, tout en menant une opération politique touchant à la fois à ses rapports avec l'lnde et avec l'Afghanistan. Le Pakistan aide ouvertement les fameux rebelles afghans et les armes sont livrées par les Américains. Ceux-ci depuis quelque temps paraissent vouloir fermer les yeux sur la volonté évidente du Pakistan de se doter de la bombe atomique. 
     Cela dit, il n'est pas impossible que la fumée ne soit pas totalement sans feu. En d'autres termes, le scénario d'intervention de l'Inde auquel se réfèrent les Pakistanais aurait pu être effectivement envisagé au sein de l'état-major de l'armée indienne. Dans ce cas, en dépit de ce que le pouvoir politique se serait opposé à l'idée, on en viendrait à penser que l'Inde estime sérieuses les possibilités qu'aurait le Pakistan de mener à bonne fin ses entreprises en direction de l'explosif atomique. Les milieux diplomatiques du tiers-monde en poste à Londres parlaient d'ailleurs récemment beaucoup d'une rumeur selon laquelle l'Inde aurait pris contact avec l'État hébreu pour avoir des éclaircissements sur la façon dont l'aviation israélienne avait «monté» le raid de Tammouz.
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